La vie trépidante des moules… (TOME VI)

2005-04-07

Enterrée dans le fin fond des Vosges se trouve une petite vallée à l’écart des grands routes et peu connue des touristes : la vallée Vecteque.

La majorité de l’année, la neige fouette les hauts sapins, le vent souffle et glace les ruisseaux. Lorsque le soleil perce les nuages, ses rayons peinent à faire fondre les cristaux de glace qui pendent harmonieusement aux gouttières.

Dans le val Vecteque coule une rivière dont les flots purs et translucides dévalent depuis le glacier en amont. De part et d’autres des rives, deux villages s’affrontent depuis des dizaines d’années.

Nul ne se souvient à vrai dire des raisons de la rivalité entre les deux entités. Les habitants de Vectois, les Vectains, soutiennent que leurs rivaux sont en permanence en retard, et qu’ils ne font que manger. Il faut préciser que la spécialité de Vectois est sans conteste l’horlogerie. Le clocher et l’horloge du pilori, au milieu de la place de l’église, sont les fiertés locales.

Les habitants de Tequain, eux, appelés les Tequois, raillent la ponctualité maladive des Vectains. Les Tequois aiment la bonne chaire et raffolent des foires aux cochonnailles où l’on organise des courses de cochons. De par la sélection génétique, les cochons de Tequain sont devenus des véritables sprinteurs, capables de rivaliser avec des petites voitures.

C’est au cours d’une de ses ripailles bien arrosée, juste avant que l’on embroche le vainqueur de la course (comme le veut la tradition), que deux Tequois décidèrent de faire un raid sur Vectois. Il faut préciser que la rivalité entre les deux villages reste bon-enfant. Jamais les quelques rixes et quelques raids vengeurs n’avaient entraîné plus de quelques bleus et bosses. Sont spécialement prisées les opérations commandos plus subtiles visant à bafouer l’honneur d’en face.

Nos deux Tequois, Jeff et Jérôme, sérieusement imbibés, mirent donc au point un plan. Jeff menait la stratégie :

– Il faut leur rafler un truc précieux. Toi Poux, tu vas en reconnaissance. Et si tout est dégagé, tu piques leur satanée horloge !

Jérôme n’était en effet pas physiquement avantagé par la nature et tout le village l’appelait de l’affectueux pseudonyme de « Poux ».

– D’accord, répondit Poux, je leur prend l’heure exacte, précise et régulière!

Il avait prononcé cette dernière phrase avec l’accent typique Vectain, ce qui fît s’esclaffer les deux compères.

C’est ainsi que Poux s’engagea sur le pont enjambant la rivière et arriva, discrètement, à la place de l’église. Personne ! Il faut dire qu’avec leur manie de l’exactitude, les Vectains se couchent toujours tôt.

– Quelle chance, se dit Poux, il n’y a pas un chat !

Il commença à décrocher l’horloge du pilori au milieu de la place. Le travail était presque achevé lorsqu’un tintamarre assourdissant le fît se retourner. Jeff, juché sur le dos du cochon de compétition lancé à toute vitesse, déboulait sur la place !

– Freine ! Arrête-toi !

– J’essaie ! J’essaie ! criait Jeff, mais le porc lui ne semblait pas l’entendre de cette oreille.

Poux les vit traverser la place au grand galop, Jeff s’égosillant et tentant de ralentir à tout prix.

Les lumières des maisons commencèrent à s’allumer. La grosse horloge dans les mains, Poux murmura :

– C’est raté pour cette fois-ci !.

Moralité : Poux rafle l’heure à Vectois, Jeff freine un porc Tequois

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