2016-10-14
Je viens de terminer un livre qui m’a convaincu qu’Elon Musk, le célèbre CEO de Tesla et SpaceX, est un voyageur du futur perdu dans notre époque. Que ses actions nous révèlent ce qu’il connaît de notre avenir immédiat.
Alors qu’il se ballade tranquillement dans la rue, un homme sans histoire se retrouve brutalement ramené 1400 ans dans le passé.
Grâce à sa culture générale, il arrive à comprendre ce qui lui est arrivé et à se débrouiller dans la langue de l’époque. Préoccupé par sa survie immédiate, il va tout d’abord monter une petite affaire en utilisant ses connaissances du futur. Un produit basique, facile à réaliser qui rencontre immédiatement le succès.
Cette petite réussite permet à notre voyageur temporel de lancer d’autres entreprises. Il sait que, d’ici quelques années, le monde va connaître de grands bouleversements et tomber pour plus d’un millénaire dans un âge sombre de ténèbres, de misère, de famine et de maladie. Un millénaire dont il faudra plusieurs siècles pour s’extraire.
En tentant d’apporter le plus d’innovations possibles, notre héros va chercher à préserver l’humanité de ces ténèbres. Sans répit, sans relâche, il crée des entreprises qu’il doit toutes diriger lui-même, les artisans et les travailleurs de l’époque n’étant souvent tout simplement pas capable de suivre ses instructions à la lettre ou s’évertuant à en tirer un petit profit personnel.
Il tente également d’alerter les intellectuels sur l’imminence de la catastrophe mais elle semble bien lointaine ou irréaliste à toute une population qui trouve bien plus important de se perdre en arguties théologiques ou à comploter pour obtenir un ersatz de pouvoir déliquescent.
Souvent incompris, traité comme un fou mais respecté pour ses succès économiques, notre infatigable voyageur temporel ne prendra même plus le temps de dormir, tentera vainement d’avoir une vie amoureuse mais sera à chaque fois rattrapé par l’urgence absolue de tout tenter pour protéger l’humanité. Il aura à lutter contre l’incrédulité et les croyances absurdes d’un peuple confondant modernité et décadence.
Écrit juste avant la seconde guerre mondiale par l’écrivain américain Lyon Sprague de Camp, « De peur que les ténèbres » nous fait suivre Martin Padway, jeune archéologue qui est, dès la seconde page, transporté au VIème siècle dans les derniers jours de l’empire romain.
Fin connaisseur de l’histoire, il va tenter de conjurer l’inéluctable chute de l’empire en tentant des actions à court terme, afin d’éviter les erreurs les plus flagrantes, et des actions à long terme, par l’introduction de technologies comme les chiffres arabes, le sémaphore, l’imprimerie et la presse écrite. À court terme, il cherche à éviter que l’Italie tombe dans le chaos. À long terme, il souhaite éviter l’obscurantisme religieux et l’ignorance qui mènera à un millénaire de misère.
Hormis son caractère de classique de la SF des années 30 et de précurseur de l’uchronie, « De peur que les ténèbres » n’a rien de transcendant. Si ce n’est le particulièrement troublant parallèle que je n’ai pu me retenir de faire avec la vie d’Elon Musk, fondateur de Tesla et de SpaceX.
Tout comme Martin Padway, Elon Musk semble pris par une frénésie d’entreprises, d’innovations. Rien n’est jamais assez bien à son goût et il supervise la plupart des développements importants. Tout comme Martin Padway, Elon Musk ne semble pas attiré par l’argent ou la réussite. À chaque succès, il réinvestit absolument tout dans une nouvelle aventure. Il y’a chez Elon Musk, comme chez Martin Padway, une urgence vitale, obsessionnelle.
Chaque entreprise est considérée comme folle, vouée à l’échec. Pourtant, elles finissent souvent, mais pas toujours, par se révéler des succès même si ce n’est pas immédiat.
Elon Musk serait-il, comme Martin Padway, un voyageur temporel ? Est-il un homme parfaitement banal né en 3400 ? Par sa culture générale, il sait alors que l’humanité s’apprête à vivre une catastrophe.
Cette catastrophe initiale est l’invasion de l’Italie par le général romain Bélissaire pour Martin Padway et la crise du réchauffement climatique pour Elon Musk. Cela expliquerait cette urgence de développer Tesla et Solar City. De faire sortir l’humanité du pétrole en quelques années et non en quelques générations. Car chaque mois compte dans cette course contre la montre afin de prévenir la destruction inéluctable de la planète.
Nos voyageurs temporels sont également convaincus que l’humanité va connaître un millénaire de disette et de misère. Pour Martin Padway, la religion et l’ignorance seront les principaux responsables de ce moyen-âge. Il introduit donc l’imprimerie, le télégraphe, les chiffres arabes, la gravitation, l’héliocentrisme. Des innovations qui devraient permettre de conjurer les ténèbres sur le long terme.
Elon Musk, lui, introduit OpenAI dont le but est d’encadrer la recherche sur l’intelligence artificielle afin de s’assurer que celle-ci ne soit pas néfaste pour l’humanité. La crainte d’une intelligence artificielle partagée par de nombreux intellectuels dont le physicien Stephen Hawking.
Si les deux hommes semblent avoir sacrifié leur sommeil et une vie amoureuse normale, ils ont néanmoins leur point faible, leur petit plaisir qui sera banal à leur époque mais est strictement impossible dans le passé où ils ont été projetés. Martin Padway veut lancer la construction de bateaux capables de rejoindre les Amériques afin de ramener du tabac. Elon Musk a lancé SpaceX afin d’aller sur Mars. Mais à quelle fin ?
Si l’on accepte l’idée qu’Elon Musk soit bel et bien un voyageur du futur égaré dans notre époque, ses actions nous apprennent beaucoup sur notre avenir. Et ce n’est pas particulièrement réjouissant.
Tout d’abord, le réchauffement climatique et la consommation de pétrole vont créer très rapidement une catastrophe importante. La bonne nouvelle c’est qu’il est sans doute encore possible de l’éviter ou de la limiter mais il faut agir tout de suite. Tout comme Martin Padway, Elon Musk fait face à un déni bâti sur l’immobilisme, l’idiotie et la superstition.
En deuxième lieu, les intelligences artificielles vont asservir les humains et leur faire connaître une période terriblement difficile. La bonne nouvelle c’est que les humains vont survivre, au moins assez longtemps pour nous envoyer Elon Musk. Mais il serait sage de prendre au sérieux les avertissements sur le sujet.
Le troisième enseignement c’est qu’en 3400, il est relativement facile d’aller sur Mars et, visiblement, cela en vaut la peine. Enfin une bonne nouvelle !
Finalement, il paraît évident que pour un individu du 35ème siècle nous sommes tous des arriérés superstitieux et obtus, incapables d’avoir une compréhension globale du monde. Malgré tous les efforts que le voyageur temporel fait pour nous sauver de nous mêmes et de nos ridicules guerres religieuses ou nationalistes, nous nous évertuons à nous croire invincibles et à ne pas voir plus loin que le bout de notre nez.
Au fond, l’enseignement immédiat que nous pouvons tirer de la connaissance du futur d’Elon Musk c’est que le réchauffement climatique et les intelligences artificielles non-contrôlées sont des problèmes graves à régler bien plus rapidement que de savoir qui fait partie de quel pays et quel livre sacré est le meilleur.
Peut-être que tout ceci n’est qu’une coïncidence et qu’Elon Musk ne vient pas du futur.
Mais voulons-nous vraiment prendre ce risque ? Que pensez-vous que penseront les humains de l’an 3400 de nos actions, de nos comportements quotidiens et de notre immobilisme ?
Photo par Thierry Ehrmann.
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