Les réseaux sociaux sont des maladies mentales

2023-05-12

La nuit passée, j’ai été réveillé par de la techno tonitruante. Étonné par cette cause de bruit soudaine, j’ai regardé par ma fenêtre et vu une voiture garée en face de chez moi.

Au volant, une jeune femme se filmait en train de secouer la tête comme si elle s’amusait follement, agitant le bras libre dans tous les sens. Exactement trois minutes après le début de la nuisance sonore, elle a coupé la vidéo, a coupé la musique et s’est remis à scroller sur son téléphone en silence, la nuque penchée.

Je n’ai pu ressentir qu’une bouffée de pitié pour cette jeune femme seule en pleine nuit, enfermée dans sa voiture et qui ressentait le besoin de faire savoir à d’autres qu’elle s’amusait, même s’il fallait pour cela réveiller tout le quartier. La brève durée de cet épisode m’a fait soupçonner une vidéo Tiktok.

En me recouchant, j’ai pensé à cette jeune maman que nous avons aperçue, mon épouse et moi-même, la semaine précédente.

Nous étions sur un chemin surplombant de quelques mètres une petite plage hérissée de rochers. Un parapet séparait le chemin du vide. Sur ce parapet se tenait, debout, une fillette de trois ou quatre ans qui tenait la main de sa mère. La mère a lâché sa fille, a pris son appareil photo pour prendre une photo tout en lui recommandant de ne pas bouger.

Mon cœur de père s’est arrêté. J’ai hésité à agir, mais j’ai très vite pris conscience que le moindre mouvement brusque de ma part pouvait déclencher une catastrophe. Que je n’étais émotionnellement pas capable de tenter de raisonner une mère capable de mettre la vie de son enfant en danger pour une photo Instagram.

J’ai passé mon chemin en fermant très fort les yeux.

Je pensais que les réseaux sociaux étaient des addictions, des dangers pour notre concentration. Mais pas seulement. Je pense que ce sont désormais des maladies mentales graves. Que leurs utilisateurs (dont je fais partie avec Mastodon) doivent être vus comme des personnes malades dès le moment où elles modifient leur comportement dans le seul et unique objectif de faire un post.

Les principales victimes sont les adolescents et les jeunes adultes. Et loin de les aider, le système scolaire les enfonce, de plus en plus d’enseignants et d’écoles utilisant des "apps" pour avoir l’air de suivre une pédagogie moderne et forçant leurs élèves à avoir un téléphone (et je ne parle pas des cours "d’informatique" qui forment à… Word et PowerPoint !).

Il ne fait aucun doute que, d’ici quelques années, les smartphones seront perçus pour le cerveau comme la cigarette l’est pour les poumons. Mais nous sommes dans cette période où une poignée d’experts (dont je fais partie) s’époumone face à un lobby industriel et une masse qui "suit la mode pour avoir l’air cool", qui a peur "de ne pas être dans la révolution informatique".

Quand je vois les ravages de la cigarette, encore aujourd’hui, je ne peux qu’être terrorisé pour mes enfants et les générations qui nous suivent. Car ceux qui ne sont pas atteints doivent vivre avec les autres. Ils sont les exceptions. Ils doivent justifier de ne pas sortir leur smartphone, de ne pas être connecté, de ne pas vouloir s’interrompre pour une photo.

Peut-être qu’il est temps de considérer le fait de poster sur les réseaux sociaux pour ce que c’est réellement : une action pathétique et misérable, un espoir d’exister dans un univers factice. Un appel au secours d’une personne malade.

Ne nous voilons pas la face : je suis tout aussi coupable que n’importe qui d’autre. Mais promis, je me soigne…

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