Il est de nombreuses choses qu’on ne peut pas ou plus remettre en cause dans le système médiatique français.
Il est difficile sinon impossible, par exemple, de remettre en question la sacrosainte croissance. Une personnalité politique pourra dire comment elle compte relancer la croissance, mais pas si elle compte relancer la croissance. Il est tout autant impossible de ne pas souhaiter faire baisser le taux de chômage.
Parmi ces nombreux invariants de la discussion politique est l’entreprise et son organisation. On discute de comment on taxe les entreprises, desquelles on soutient et de quelle manière, mais leur existence et leur organisation est un acquis. Plus personne ne parle de l’aliénation théorisée par Marx, ou de l’exploitation de l’homme par l’homme interdite par la constitution cubaine.
Ce qui est étonnant pour moi, c’est qu’en parallèle il est clairement acquis que la démocratie est meilleure que la dictature, tant dans les médias que les discussions. (Il est par ailleurs également présupposé que nous sommes en démocratie et qu’il n’en existe qu’une forme, mais ce serait un sujet pour un autre billet.)
Un pays en situation de dictature sera catégorisé comme barbare, et l’installation d’une démocratie dans celui-ci acclamée. La démocratie c’est bien, autant que le soleil est chaud et que la neige est froide.
Dès lors, comment est-il acceptable qu’une fois passée la porte le l’entreprise on se retrouve en situation d’intense sinon totale soumission. On doit obéir à notre hiérarchie, dominée par un patron lui-même contrôlé par des actionnaires. Que les actionnaires soient internes ou externes à l’entreprise importe peu ici, le fait qui nous importe est que les décisions qui régissent la vie du salarié sur son lieu de travail sont prises sans le consulter. Il existe dans certaines situations des contre-pouvoirs, syndicats, comité de ceci ou cela, mais ça ne change pas le fait que le pouvoir est hors des mains des salariés. C’était déjà scandaleux quand les décideurs possédaient les usines et les machines nécessaires au travail, ça l’est d’autant plus quand aucune machine spécifique n’est requise. Les actionnaires possèdent « l’entreprise », structure légale abstraite, et ça suffit à leur donner tout pouvoir.
Si la démocratie c’est mieux, on en veut aussi dans les entreprises. Il m’apparait donc urgent de reprendre les revendications du passé et réclamer la fin de la propriété privée des moyens de productions.
Notez qu’il existe des formes d’entreprises qui cherchent à résoudre cette question, les SCOP ou SCIC qui donnent le pouvoir aux employés. Mais cela reste encore marginal et globalement ignoré du débat public.