Aujourd’hui, j’habite un village posé sur une table. Ici n’est pas vraiment un lieu, c’est une sorte de brouillon figé dans une époque où tout était encore à naître, un embryon d’espace-temps qui n’envisage même pas la notion de regret.
Ici, je fais mon travail, sans impatience ni lassitude. Je bâtis des maisons sur les ruines d’autres maisons. Je creuse des routes et des chemins dont je ne saurai jamais s’ils mènent quelque part. Cela importe peu, ici ne se soucie pas d’un ailleurs.
Parfois je me pose sur une pierre et je regarde passer les trains. Eux ne me regardent pas, ils ignorent sans doute mon existence et se contentent, tout comme moi, de faire leur travail. Que transportent-ils ? Où le transportent-ils ? Cela non plus n’a guère d’importance, de toute façon ils ne disparaissent jamais vraiment du paysage.
Aujourd’hui, j’habite une maison bâtie dans un village posé sur une table, par la fenêtre je regarde passer des trains qui ne se soucient pas d’un ailleurs. C’est une belle vie, tranquille et sans surprises, sans souvenirs non plus. C’est une belle vie.
Lieu dire, 2019. ────────────────────────────────────────────────────────────────────────