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"Car toutes les histoires sont rares et s'écrivent petit à petit."
Mélanie Rutten
Aujourd'hui Antoine se rend à une réunion organisée par le comité d'entreprise pour la mise en place d'un atelier théâtre. Il y a eu des séances de découverte au cours de l'année, animées par un ancien employé qui se consacre maintenant au théâtre à plein temps. Les salariés ont fait des exercices respiratoires et de déplacement dans l'espace, de prise de parole collective, ils ont lu des extraits de pièces de Jean-Luc Lagarce.
A cette réunion, il y a une fille qu'Antoine n'a jamais rencontrée. Il l'a peut-être croisée un jour, ou aperçue à son poste de travail alors qu'il passait dans son service. Il ne l'avait pas remarquée alors, il se souvient à peine de son prénom : elle s'appelle Amélie. Amélie n'est jamais venue aux ateliers découverte. Amélie est une jolie fille, remarque Antoine.
Le soir même Antoine a rendez-vous avec un ami pour jouer de la musique. Comme il est d'humeur rêveuse il décide de prendre son temps, il va acheter des sushis pour toute à l'heure, et en attendant que le cuisinier finisse de préparer sa commande il boit une bière au comptoir. Il n'est pas pressé, il a envie de profiter du début de la soirée en s'asseyant sur un banc, sur la place: mais il n'y a pas de banc, alors il s'assoit discrètement à la terrasse d'un fastfood, pose sur la table son sac de sushis en papier kraft, et regarde autour la ville. Il regarde les bus, les tramways, les trottinettes; il sent des odeurs de fritures et de cannabis. Antoine se dit qu'il aime sa ville. Et puis il se rend compte qu'il pense à Amélie. Il pense à son visage, à son sourire. Il pense à son épaule dévoilée par le débardeur qu'elle portait ce matin.
Au premier atelier théâtre on fait un tour de table pour se présenter. Antoine n'est pas très à l'aise, il essaie d'expliquer qu'il aime les textes, la littérature, que c'est par là qu'il s’intéresse maintenant au théâtre. Un de ses collègues dit qu'il espère avec cet atelier gagner de l'assurance quand il prend la parole en public. Un autre a déjà joué dans une pièce, ça l'avait fait marrer, alors pourquoi pas. Amélie a déjà de l'expérience en tant que comédienne, et ce qu'elle souhaite c'est jouer des émotions.
Alors Jérôme propose qu'on lise chacun son tour des extraits de pièces qu'il a sélectionnées. Chacun fait de son mieux mais Antoine est fasciné par la lecture d'Amélie. Il trouve qu'elle dit quelque-chose en lisant, qu'elle sort du lot. Il la trouve incroyablement belle.
Lors d'un autre atelier théâtre, Jérôme demande aux participants d'occuper tout l'espace de la salle, de marcher au hasard puis de réussir collectivement à ralentir, jusqu'à s'arrêter. Chacun doit ensuite fixer intensément la personne qui se trouve en face de lui, et ressentir pour cette personne une attirance, une passion, un amour profond. Antoine est en face d'Amélie. Il la fixe comme demandé. Amélie, elle, ne lui fait pas face, elle regarde une autre personne, mais elle jette quelques regards rapides dans sa direction, peut-être un peu gênée, se dit Antoine, mais c'est l'exercice.
Le soir Antoine rejoint sa station de métro accompagné de Carlos, un collègue qu'il apprécie pour sa gentillesse, et puis ils aiment bien parler ensemble de politique. Carlos participe aussi à l'atelier théâtre. Antoine lui raconte qu'il a trouvé l'exercice troublant, et lui avoue que jouer de l'attirance pour Amélie ne lui a pas demandé trop d'efforts puisque c'est ce qu'il ressent. Il regrette tout de suite d'avoir dit ça mais tant pis, il a confiance en Carlos.
Ce soir Antoine pense à Amélie, il se rend compte qu'il pense de plus en plus souvent à elle. Il décide d'expliquer cela à son journal. Antoine tient un journal qu'il tutoie, il l'appelle Jimmy, à cause de Jimmy Herf, le journaliste de Manhattan Transfer. Voilà ce qu'il écrit : _"A est une très belle fille. Assez grande, avec un look bien à elle. Sourire hallucinant. Portant souvent une veste, et dessous, un genre de débardeur. Les épaules de A, les omoplates de A, A et son dos musclé. A est sensible à l'écologie, et c'est tout ce que je sais de A. Bien sûr ça suffit pour rêver. C'est juste ce qu'il faut pour rêver, d'ailleurs. Imaginer des rencontres, une histoire. Une histoire entre A et moi. On a le droit de se raconter des histoires non ?"_
Antoine est un peu stressé parce qu'on travaille sa scène aujourd'hui, la scène 1. Jérôme décide que les comédiens vont rentrer dans la salle par petits groupes et discuter doucement, comme dans une salle café. Antoine est avec Julien, un collègue qu'il n'apprécie pas particulièrement quand Amélie quitte son groupe pour les rejoindre. Antoine regarde ce visage qui est seulement à quelques centimètres. Il a conscience de la présence du corps d'Amélie près du sien.
Et puis c'est à lui: il joue son texte, face à Jérôme qui donne des indications, essaie de le pousser à exprimer ses émotions. L'exercice épuise Antoine, mais il est quand même content. Derrière Antoine, sur sa gauche, Amélie est assise contre le mur, elle prend des notes sur ses genoux. Antoine remarque ses cheveux attachés et le fait qu'aujourd'hui elle ne porte pas ses lunettes. L'après-midi Antoine ne parvient pas vraiment à travailler.
Antoine commence à comprendre qu'il va falloir qu'il fasse la connaissance d'Amélie. Il ne lui a presque jamais parlé, sauf une fois, quelques mots avant le début de l'atelier théâtre. Il l'avait trouvé douce, souriante et belle. Le problème, c'est que Antoine ne voit jamais Amélie. Ils ne travaillent pas ensemble, elle ne fréquente pas les espaces communs comme la cafétéria. De temps en temps, honteusement, il regarde si elle est en ligne sur le réseau interne de l'entreprise. Il se dit que s'il connaît ses habitudes il pourrait essayer de provoquer une rencontre.
Mais ce soir Amélie semble être partie tôt. Antoine se dit bon, ce ne sera pas aujourd'hui. Pourtant, une demi-heure plus tard il emprunte l'escalier avec Carlos et en arrivant dans le hall du bâtiment il aperçoit un mouvement, il reconnaît une silhouette, une chevelure, une monture de lunettes: c'est Amélie qui déplie sa trottinette. En tenant la porte à son collègue il se retourne. Antoine croise le regard d'Amélie une demi-seconde.
Sam est un vieil ami qu'Antoine a rencontré à la fac. Quand ils avaient dix-huit ans ils passaient des nuits entières à parler, à évoquer leurs rêves et leurs peurs, à décrire les sensations qu'ils éprouvaient à la vue de certaines filles qu'ils connaissaient. En faisant ceci ils buvaient beaucoup de bière. Le temps a passé depuis, ils ont eu des enfants, Sam s'est marié. Leur relation a évolué, ils se voient peu mais sont restés amis. Ces derniers temps Sam rencontre des difficultés dans son couple, il en parle à Antoine quand ils se voient.
Un dimanche de février, Antoine crois devenir fou tant il pense à Amélie. Il prend une décision étrange et qu'il estime un peu égoïste : il tape à l'ordinateur tout son journal du mois précédent, qui raconte au jour le jour les pensées qu'Amélie lui inspirent, et il envoie le document à Sam par courriel. Sam lui répond gentiment. Antoine se sent mieux pendant quelques heures, pour la première fois il a partagé son histoire d'A.
Tiens, Antoine n'avait jamais remarqué : Amélie porte un anneau, argenté et noir, à l'annulaire de la main gauche.
Antoine se souvient qu'Amélie travaille à temps partiel, qu'elle sera absente la première semaine des vacances scolaires. Il se demande si elle est mariée ou si elle a des enfants. Il sourit en pensant que cela leur ferait des points communs.
Souvent le mardi après-midi après le théâtre, Antoine est incapable de travailler parce qu'il pense à Amélie, il se dit qu'il a manqué une occasion de l'aborder, qu'il devra encore attendre une semaine. Mais aujourd'hui on est jeudi et l'intensité des émotions qu'il ressent n'a pas baissée, au contraire il pense à elle au point que cela devient insupportable.
Alors il décide de se confier à Lucille. Lucille est une collègue qu'Antoine aime beaucoup. Ils ont fait peu à peu connaissance et Antoine estime maintenant qu'ils sont devenus amis. Ce jeudi de fin d'après-midi, il lui demande sur le réseau interne de l'entreprise s'il peut clavarder avec elle quelques instants, et lui explique que malgré sa vie de famille plutôt heureuse, une collègue est en train de le rendre fou. Il lui dit que c'est Amélie. Lucille lui répond: "☺. Je vois. Elle est jolie. C'est tout ce que je sais !" Antoine est soulagé, il pense que Lucille le comprend. Ils discutent comme ça pendant une demi-heure. C'est la première fois qu'Antoine se sent aussi bien depuis de longues semaines.
Aujourd'hui c'est le premier jour des congés d'Antoine. Il a pris la deuxième semaine des vacances scolaires, ça lui fait trois semaines sans voir Amélie, il se dit que cela va lui permettre de souffler un peu, de prendre du recul. Mais alors qu'il se rase Antoine se met à pleurer. Plus tard dans la matinée en faisant les valises, de nouveau il pleure. Antoine et Julia amusés regardent leur fils jouer dans l'appartement; mais Antoine recommence à pleurer, pleurer. Julia s'en aperçoit et lui demande ce qui se passe, si ça va. Elle lui rappelle qu'Antoine peut lui parler, s'il veut.
Antoine ne sait pas vraiment pourquoi il pleure. Il pense que c'est un moyen d'extérioriser les émotions qu'il exprime peu depuis plusieurs semaines alors qu'elles l'affectent beaucoup. Il a évoqué son attirance pour Amélie à Sam et à Lucille, mais surtout pas à Julia. Lui en parler serait comme renoncer à son rêve.
Alors que Julia est encore en vacances avec les enfants, Sam rejoint Antoine pour qu'il passent une soirée ensemble, comme au bon vieux temps. Ils parlent beaucoup, Sam évoque sa femme et les difficultés de leur relation, son espoir que les choses s'améliorent. Antoine parle d'Amélie mais aussi de Lucille et de Carlos, de Julia. A force de boire des bière Antoine commence à se sentir un peu saoul. Au début de la soirée Antoine a envoyé un texto à Julia pour lui demander si tout allait bien. Vers une heure du matin alors qu'Antoine parle encore à Sam de la beauté stupéfiante d'Amélie, il reçoit la réponse de Julia : "Tout va bien mon chéri. Je t'aime." Ce message a un effet dévastateur sur le cerveau imbibé d'alcool d'Antoine. Il ressent soudain de la honte et de la culpabilité. Il est incapable de trouver une réponse appropriée.
Ce soir comme tous les soirs à la même heure Antoine remonte le même quai de métro pour se placer à la hauteur de la dernière rame, quand un collègue l'interpelle. Antoine est un peu agacé parce qu'il n'a pas du tout envie de parler avec ce collègue, il veut juste aller au bout du quai, s'asseoir et écrire dans son journal en attendant le métro. Alors qu'il discute avec lui malgré tout, il voit cette fille qui remonte le quai, l'air pensif, sa trottinette pliée sur l'épaule. C'est Amélie. C'est la première fois qu'Antoine voit Amélie en dehors du travail. Alors qu'elle passe à sa hauteur elle le voit, lui adresse un sourire, lui fait un petit signe de la main, puis elle se dirige vers le bout du quai, le métro arrive justement, Antoine n'écoute plus du tout son collègue, il monte dans le métro comme dans un rêve ou un cauchemar, il ne sait plus. Pour la première fois de sa vie il avait une occasion de discuter avec Amélie, mais cette occasion lui échappe, à cause selon Antoine de son collègue. Antoine ressent une colère sourde à son encontre.
Mais Amélie lui a sourit, elle lui a fait un petit signe de la main.
Ce matin c'est l'inauguration du nouveau local du comité socio-économique. C'est un petit-déjeuner, il y a aura du café, des jus de fruit et des viennoiseries. Antoine ne se rend pas souvent à ce genre d'évènement, mais ces derniers temps, il saisit toute occasion de rencontrer des collègues d'autres services. Il descend, boit un café, mange une brioche, il discute un peu. Il y a du monde, on est un peu serré, il aperçoit Lucille, Nina, et quelques collègues du service d'Amélie, il y a Elise et Jean, mais Amélie n'est pas là. Antoine se résigne à retourner à son poste de travail, il quitte le nouveau local du comité socio-économique et ouvre la porte donnant sur le hall et les ascenseurs. Il tient la porte aux collègues qui arrivent pour profiter à leur tour du petit-déjeuner. Parmi eux, il y a Amélie. De nouveau elle lui sourit, elle lui dit "Salut ! ça va ?" Antoine bredouille que oui, oui, ça va, mais elle est déjà partie. Alors Antoine se dit que ce n'est pas possible : il fait demi-tour, il reprendra un café et cette fois, il va aborder Amélie.
Mais Amélie n'est pas dans le nouveau local du comité socio-économique. Elle n'est pas non plus avec les salariés qui déambulent à cet étage pour visiter les nouveaux bureaux. Elle est introuvable. Antoine suppose qu'elle a ouvert une fenêtre, s'est envolée et a disparu parmi les nuages.
Antoine croise souvent dans les couloirs Nina, une nouvelle collègue qu'il trouve très souriante et qui lui inspire de la sympathie. Un jour qu'ils se trouvent en salle café Antoine l'aborde et ils échangent quelques mots, quelques sourires. Nina est en effet très gentille, drôle. Leur conversation parait à Antoine parfaitement naturelle. Il se demande pourquoi cela ne se passe pas aussi simplement avec Amélie.
Aujourd'hui Jérôme propose un nouvel exercice aux participants : il faut choisir quelqu'un et ne plus le quitter des yeux quoi qu'il arrive. Antoine est choisi par Manon, une collègue qui lui inspire des sentiments contradictoires, certains traits de sa personnalité l'agacent mais il se surprend aussi à apprécier sa compagnie. Manon joue le jeu, l'exercice est un peu dérangeant mais Antoine le trouve intéressant. Puis l'exercice évolue, on peut à présent prendre en compte d'autres membres du groupe. Antoine se retrouve face à Manon et Amélie. Les deux filles le fixent. Manon est imperturbable, son visage est fermé, mais Amélie a un léger sourire au coin des lèvres. Elles s'amusent à faire des petits pas sur le coté. Antoine regarde ce visage, le visage d'Amélie qui l'obsède depuis des mois. Puis il tend sa main à Manon qui la saisit, et ils courent ensemble vers l'autre bout de la pièce.
Le soir Antoine évoque Amélie dans son journal: "Putain, Jimmy. Qu'est ce qu'elle est belle."
Ce samedi soir Antoine et Julia discutent. Antoine n'ose pas avouer à Julia qu'il est attiré par une autre fille, mais il lui explique que quand il pense qu'il ne vivra pas d'autres histoires d'amour cela le rend très triste. Julia comprend, elle avoue que cela lui fait un peu peur. Elle considère pour sa part qu'elle est passé à autre chose, elle ne rêve pas de nouvelles rencontres, elle a parfaitement confiance en ses sentiments pour Antoine. Julia considère comme futile l'idée d'une nouvelle passion face à la relation qu'elle a construite avec Antoine depuis des années. Par contre, elle sait qu'il existe un risque qu'Antoine tombe amoureux d'une autre fille, et que cela soit réciproque, elle trouve que cela serait cohérent et elle est un peu effrayée à cette idée.
Depuis quelques temps Antoine mange moins à la cantine de l'entreprise avec ses collègues de bureau, il préfère fréquenter la grande salle commune, cela lui permet de rencontrer des personnes des autres services. Il n'a jamais vu Amélie dans cette salle, mais ce midi il mange avec certains de ses collègues. Jean rappelle à Antoine que ceux qui ont ses compétences sont invités à venir quand ils le souhaitent passer une ou deux semaines parmi eux pour découvrir leur manière de travailler. Bien qu'il ne soit pas sûr que passer des journées entières dans le même bureau qu'Amélie soit une bonne idée, Antoine répond que oui, pourquoi pas, il serait intéressé.
Justement, des personnes du service d'Amélie ont décidé d'inviter le service d'Antoine à un temps de consolidation d'équipes sur une pause déjeuner. Il y aura des pizzas offertes par l'entreprise et on jouera à des jeux de société. Antoine a l'intuition qu'Amélie ne viendra pas mais décide quand même de s'inscrire. Et en effet Amélie ne vient pas jouer, ni manger des pizzas.
Antoine s'installe à une table avec Jean, Elise, et d'autres collègues. Elise est passionnée de jeux de société, Antoine remarque sa voix qu'il trouve profonde et très agréable à écouter, il admire la grâce de ses mouvements et apprécie sa sympathie discrète. Il se dit que cette rencontre valait une nouvelle déception de ne pas voir Amélie.
Tous les ans, Antoine et Julia vont avec leurs enfants à un salon dédié aux littératures contemporaines qu'ils aiment beaucoup. C'est l'occasion de rencontrer des auteurs et des libraires, d'assister à des conférences et ils achètent en général un grand nombre de livres. Cette année ils sont enthousiasmés par Emmanuel, un jeune géographe qui raconte dans son livre un voyage à vélo le long du Danube au cours duquel il a rencontré des gens de différentes cultures. Julia décide de faire dédicacer son exemplaire. Antoine les rejoint alors qu'ils discutent: Emmanuel et Julia sourient, le sourire de Julia évoque à Antoine des souvenirs lointains. Emmanuel parle à Julia de son prénom, Julia est sous le charme et Antoine la comprend, Emmanuel est très charismatique. Antoine remarque que sa conjointe est une très belle fille. Il la revoie dix-sept années en arrière, à l'époque où ce sourire lui était adressé. Il ne ressent aucune jalousie, au contraire il trouve ce moment magnifique.
Antoine a finalement décidé d'accepter l'offre de Jean pour venir travailler deux semaines dans le service d'Amélie. Et dès le premier jour, la rencontre dont il rêve depuis si longtemps a lieu: Antoine et Amélie discutent, marchent un moment tous les deux pour se rendre ensemble à l'atelier théâtre. Antoine se rend compte tout de suite que quelque-chose a changé. Il regarde Amélie jouer : il la trouve toujours aussi belle, talentueuse et fascinante, mais cette discussion a rendu à Amélie sa réalité, elle est maintenant une personne et plus seulement un rêve. Antoine ressent comme souvent un mélange d'émotions: nostalgique de l'Amélie qu'il avait rêvée, mais enthousiaste à l'idée de rencontrer enfin Amélie, la vraie.
Ce midi Antoine décide de manger dans la petite salle commune du service d'Amélie où il travaille en ce moment. Depuis la rencontre du début de la semaine Antoine n'a pas eu de nouvelle occasion de discuter avec elle, et ce midi elle a disparu encore une fois, elle mange peut-être à l'extérieur. A la fin du repas Elise propose un jeu de société. Antoine accepte, il n'est pas passionné mais il aime les moments conviviaux que permettent les jeux. Antoine est fasciné par Elise. Il regarde sa main aux ongles vernis retourner une carte de la pioche ou distribuer des jetons avec élégance. Il écoute sa belle voix expliquer les règles du jeu. Il apprécie les surprises de la vie qui permettent de faire des rencontres à des moments inattendus.
Le vendredi soir quand il fait prendre leur douche aux enfants, Antoine aime faire les fous avec eux, ils chantent et dansent dans la salle de bain, Antoine aime bien ces moments où il oublie un peu le reste. Et après la douche aujourd'hui on a un peu le temps, Julia n'est pas encore rentrée de son cours de gym alors Antoine met la musique un peu fort dans le salon et on danse sur des hits pop, de Queen ou de Daft Punk. Puis Antoine ressent le besoin d'écouter une chanson qu'il avait presque oubliée. C'est les histoires d'a des Rita Mitsouko. Antoine aime bien ce groupe, en particulier Catherine Ringer qu'il imagine être quelqu'un de sympathique et d'intéressant. La chanson plaît beaucoup à Salomé, elle chante à tue-tête "en général !" en levant une main à la manière d'une danseuse de flamenco.
Et Antoine se demande si ses histoires d'A forment une histoire d'a, ou même une histoire tout court. Il se dit que pour cela il faudrait au moins que les deux protagonistes fassent connaissance. Malgré tout il décide que oui, il y a une histoire.
Antoine se dit qu'il devrait essayer de la raconter.