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De par mes connaissances d’informaticien, je ressens le devoir de partager et je l’espère vulgariser mon avis sur le vote électronique.
On voit souvent passer cette idée de passer au vote électronique ou numérique, souvent de la part de personnes qui n’ont pas les connaissances requises en informatique, parfois malheureusement de la part de personnes qui devraient avoir les idées claires sur le sujet. Je pense par exemple à Axelle Lemaire qui étant en poste de secrétaire d’État chargée du numérique déclarait y être favorable.
Disons les choses clairement une fois pour toutes, le vote électronique fiable, c’est de la science fiction. Le vote électronique ne peut pas et ne pourra jamais fournir les mêmes caractéristiques que notre vote papier utilisé pour la consultation des citoyens (je parle pour la France, je connais peu les autres pays).
Je ne dis pas que le vote électronique ne peut être utilisé pour rien, il y a des utilisations déjà fonctionnelles de vote électronique, par exemple au sein du projet Debian. Mais ces systèmes sont pour un vote public.
Le vote en France, pour toutes les élections comme les référendums, est secret et improuvable. Le but est de rendre difficile sinon impossible la contrainte de vote. Que cette contrainte soit via une somme d’argent ou une menace, elle doit être rendue difficile et être impossible à grande échelle. C’est pour cette raison qu’il y a un isoloir, qu’il est obligatoire d’y entrer avec au moins deux bulletins et d’en sortir avec une enveloppe close. C’est pour cette raison que le moindre signe permettant d’identifier un bulletin le rend nul. Ces mesures empêchent donc de pouvoir prouver ce qu’on a voté, ce qui rend toute contrainte vaine.
Mais, s’il est impossible de prouver, et donc de vérifier son vote, comment avoir confiance qu’il a bien été comptabilisé ? C’est là qu’entrent en scène les autres éléments de notre système de vote : on lache notre bulletin dans une urne transparente, qu’on est autorisé à fixer jusqu’à dépouillement, qui est public. Les résultats sont ensuite rendus public et on peut vérifier que les résultats nationaux sont bien la somme de ceux des bureaux.
N’importe quel système de vote électronique passé ou à venir ne pourra offrir qu’une seule de ces deux propriétés. Soit le système propose un moyen de confirmer que notre vote a été pris en compte, auquel cas la contrainte de vote est aisée, potentiellement à très grande échelle si cette vérification se fait en ligne. Soit on ne peut avoir aucune confiance dans le système de vote puisqu’il peut ignorer à souhait notre vote et inventer des résultats.
Et pour les libristes (j’en suis !), non, avoir le code source du système de vote ne prouve rien, comment être sûr que c’est ce code qui est réellement exécuté ? Personne ne peut l’affirmer, à part la dernière personne à avoir eu accès à la machine.
Voir le strip de XKCD Ă ce sujet:
Il faut comprendre qu’un vote électronique improuvable, c’est équivalent à dire : « Dites moi chacun votre choix dans l’oreille, et j’annoncerai le résultat ». Ça peut marcher pour choisir où aller en vacances en famille, mais pas pour choisir qui gouverne un pays.
Désolé de briser les rêves de certains, mais non, on ne va pas ré-intéresser les jeunes aux élections en leur permettant de voter depuis leur smartphones. Si les jeunes ou les français plus généralement se désintéressent des élections, c’est parce que les milieux politiques et médiatiques français sont pitoyables, et comme de nombreux problèmes actuels (tous ?), la solution ne sera pas technologique. Il est temps d’accepter que l’informatique ne peut pas tout et qu’il existe des choses qui doivent rester dans le monde physique.
Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.
Arthur C. Clarke
Il faut également garder en tête que le système de vote doit rester compréhensible par tout un chacun. Des gens ont déjà l’impression que leur vote est vain, imaginez si on leur demande de le confier à un gloubiboulga technologique auquel ils ne comprennent rien… Le jour où je me trouve face à un vote électronique, ce sera probablement l’abstention dans mon cas. Mais même les mesures de l’abstention ne seraient pas dignes de confiance avec un vote électronique, c’est-y pas beau ?
Malheureusement, le vote électronique est déjà utilisé en France dans certains endroits, ainsi que pour les français de l’étranger. Le vote postal est aussi possible dans certaines situations je crois, ce qui pose les mêmes problèmes. Le vote électronique est aussi très utilisé par les primaires des différents partis ou organisations politiques, qui jouent un rôle de plus en plus important dans l’élection présidentielle.
Encore une fois, veuillez noter que c’est seulement un problème pour les votes secrets. Pour un vote public, par exemple celui des députés sur un projet de loi, il n’y a aucun problème à utiliser le vote électronique puisque le vote est public et qu’on peut donc s’assurer qu’aucune manipulation n’a eu lieu. Il arrive d’ailleurs que les députés se trompent de bouton et réctifient leur vote après coup.
Si l’on veut réfléchir à réformer l’élection présidentielle française, il vaut mieux se tourner vers les limites du scrutin unimajoritaire à deux tours, qui est bourré de défauts, empirés par l’omniprésence des sondages. Vous pouvez à ce sujet lire les pages wikipédia sur les différents systèmes de vote et le théorème d’impossiblité de Arrow. La conclusion est peut-être qu’il n’est de toutes façons pas très malin d’élire une seule personne sur la base de promesses pour qu’il décide ensuite seul pendant 5 ans, quelque soit le système de vote.