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Une petite fille, blessée grièvement dans un accident de voiture à qui on greffe des implants en titane dans le crane pour la sauver.
Un père à la recherche de son fils disparu.
Julia Ducourneau est un sorcière.
J'avais découvert avec Grave, qu'elle savait insuffler de la magie à sa caméra, qu'elle savait là faire parler et révéler tous les détails d'une scène, mais aussi qu'elle pouvait insuffler un tempo hypnotique à ses longs plans séquences et faire presque halluciner le spectateur.
J'étais depuis Grave totalement envouté par son cinéma et je faisait partie du cercle secret des adorateurs de Julia Ducourneau, avant de voir Titane.
Mais Grave était son galop d'essai, Titane montre l'étendue de ses pouvoirs, et ils sont puissants.
Je m'amuse avec le terme traditionnellement péjoratif "sorcière", depuis le début, mais c'est ce que j'ai ressenti en regardant le film.
A mes yeux, les sorcières sont des femmes qui remettent en cause l'ordre établi, en faisant apparaître sa monstruosité et se veulent effrayantes parce que se revendiquant puissantes.
Il y a un peu tout ça dans le geste de Julia Ducourneau.
L'emploi du mot sorcière est un stéréotype de genre, on y assignent à résidence les femmes qui ne rentrent pas dans le moule et le renversement du genre est la thématique principale du film.
Que vous veniez avec vos certitudes, ou avec l'idée de les abandonner, le film Titane vous les feras perdre de toutes façons.
Le film fait en effet partie de ces films qu'il faut appréhender comme une expérience.
Il y une volonté chez la réalisatrice de dérouter le spectateur, elle avoue dans l'interview qu'on trouve dans les bonus du dvd, qu'elle ne suit pas forcément le plan initial qu'elle s'était fixée et peux en changer en cours de route.
Cette dimension là du film est incroyable, un peu comme si elle pétait la boussole, et nous laissait chercher nos repères.
Le film secoue les clichés du genre, en confrontant les images accolées aux hommes et aux femmes, de façon totalement iconoclaste.
Comme elle le dit également dans l'interview, dans Titane, le monde des femmes est violent et le monde des hommes est plus tendre.
Ce regard est totalement neuf.
Esthétiquement, une des plus belles scènes du film se déroule dans la caserne des pompiers, ou les hommes dansent en solo, en l'absence des femmes, pour conjurer les dangers auquel ils sont confrontés au quotidien.
Un peu comme un rite secret que découvre le personnage féminin du film (et nous avec elle).
Une autre séquence marquante est une scène où le personnage féminin pour changer d'apparence, doit se violenter elle même.
Cette séquence, dans un film classique avec un héros masculin serait banale, on imagine bien un Bruce Willis serrer les dents avant de se fracasser lui même, mais le fait que ce soit une femme fait ressortir toute la violence de l'acte, ça n'en est même que plus réaliste.
De violence et de douleur physique il est beaucoup question dans le film.
Certaines scènes sont assez extrêmes, à déconseiller aux âmes sensibles, surtout parce que le film touche à certains tabous, pas forcément à cause du caractère "graphique" de la violence.
C'est l'aspect que j'ai peut être moins apprécié du film, cette dimension "doloriste", où les corps souffrent, cette thématique n'est peut être ma tasse de thé tout simplement.
Le vrai tour de force du film, pour moi, est d'être à la fois un film plastique à l'esthétique léchée, et un film "organique".
Titane réussit à montrer des choses assez sales parfois et à vous faire ressentir, non pas du dégout face à elles, mais des émotions.
On se surprend à ressentir des émotions paradoxales à sa vision.
Titane est un film qui est à la hauteur de ses ambitions, et il faut forcément un grand talent pour y parvenir.
Je le dis depuis Grave, Julia Ducourneau est le ou la meilleur.e réalisateur.trice du cinéma Français actuel. Et de très loin.