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Un serpent

Au détour d’un texte publié dans ma capsule, tomber sur cet alexandrin :

la traque du serpent sous un amas de feuilles

Me souvenir d’un autre alexandrin, publié à la fin des années 1990 :

J'aimais l’anonymat du serpent sous les feuilles.

Une phrase d’un autre siècle, écrite dans une autre vie et sous une autre identité, mais qui renvoie au même fragment de ma mémoire, encore plus ancien. Oui, je me souviens de ce dessin. Je revois bien le serpent, qui était en fait une initiale, une lettre S revêtue — comme c’est original — d'un costume reptilien. Quant aux feuilles, impossible de me rappeler ce qu’elles faisaient là. Leur présence avait-elle une signification particulière, ou se contentaient-elles de faire de la figuration ?

Je me souviens d’avoir envoyé ce dessin par la poste, probablement accompagné d’un poémule insipide dont la trace s’est perdue. Anonymement, comme tout ce que je faisais en ce temps-là. C’était une époque bizarre où je me nourrissais d’une inquiétante mixture de réel et de fiction, deux ingrédients tellement fusionnels que je ne savais plus très bien où j’habitais. Je ne voulais surtout rien savoir des conséquences de mes actes ; sans doute craignais-je par-dessus tout d’apprendre un jour qu’ils n’avaient jamais eu la moindre conséquence.

Un reptile sans conséquence donc. Qui se contente de ressurgir, de loin en loin, lorsque j’ai besoin d’un alexandrin pour combler un manque au hasard d’un texte. J’en ai quelques autres en stock, de ces fragments de mémoire supplétifs que j’insère de temps à autre entre deux lignes. Qu’ils n’aillent surtout pas s’imaginer qu’ils constituent un quelconque ciment, que sans eux le château de cartes s’effondrerait. Non, ce ne sont que des bouche-trous, des éléments de finition parfaitement interchangeables selon l’humeur du moment.