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La société est au bord de l'explosion, ça se sent dans l'air que l'on respire. Les gens veulent se battre ou baiser, aimer ou tuer. Le Vietnam, c'est pas si loin là-bas. Les gens commencent à choisir leur camp. Tout va partir en flamme, mec. La planète hurle. Il faut que ça change, il faut fabriquer des mythes.
Je suis heureux ici, le soir, lorsque le soleil tombe sur la bordure de mon chapeau alors que je lis la correspondance de Thompson, une cigarette fumante à la commissure des lèvres, un café noir posé d'un côté de mes fesses tandis qu'un chat tout aussi noir se roule sur le banc de l'autre. Chaque brin d'herbe, chaque caractère imprimé, chaque coloration particulière de mousse sur les arbres paraît en accord avec la musique que j'ai dans les oreilles. Oui, incontestablement, je suis bien et n'ai aucune envie de bouger de ce banc autrement que pour remplir ma tasse d'un café chaud ou bien d'une bière fraîche (que j'ai à profusion).
Je commence à être dégoûté de la politique. D'aucun n'hésitait pas à comparer le Sarkozy de la première époque à Kennedy. Si Sarkozy était bien l'Américain comme on a pu le dire, ce serait plus tendance Nixon. Du moins l'ai-je cru un temps. À présent, je pense être lucide, et ça me file une peur bleue.
Lui et ses ministres ne font que perpétuer le théâtre de ses prédécesseurs. Ils ne maîtrisent rien, et leurs pantomimes ne sont que la manière la plus efficace de recouvrir la vérité d'un écran de fumée. Tout cela est d'une absurdité formidable, mais, par un phénomène similaire à celui qui fait s'accrocher la ménagère à la télévision diffusant *Plus belle la vie* ou *Secret Story* (qui sont, au fond, la même chose), toute personne suivant au jour le jour ce spectacle continu sera happée. Au final, les commentateurs politiques ne valent pas mieux que les fans de séries américaines : ils ne voient pas la réalité politique, qui est qu'elle ne peut rien faire de plus face à la liberté inhérente à l'être humain qu'agiter les bras de manière suffisamment sophistiquée pour masquer sa propre inanité.
On a cru que le communisme venait des ouvriers les plus instruits ; il vient en réalité des intellectuels les plus cruches. Il n'y a pas d'égalité entre les hommes. J'ai pourtant longtemps cherché cette égalité intellectuelle, en sachant que quelque chose clochait dans mon raisonnement. La preuve reste à être donnée. Peut-être m'y remettrais-je un jour.
S'il n'y a pas d'égalité, il ne faut pas en déduire que toute hiérarchie s'en trouve justifiée --ce serait une erreur de logique. « Et pourtant, me direz-vous, regardez : il n'y a pas d'égalité entre l'homme et l'animal, et nous mangeons du bœuf ! Un patron mange, passez-moi l'expression, ses employés en faisant courber leur échine à sa volonté. La hiérarchie est donc légitime ». Et je vous répondrai : mais en quoi nous est-il légitime de manger les animaux, tout autant composés de carbone, d'oxygène et d'hydrogène que nous ?
Tu prends un revenu médian, c'est-à-dire que 50 % des gens sont au-dessus, 50 % en-dessous. Tu as donc un type qui s'appelle Robert Médian, il touche 1500 € par mois net. Julie Seuil, elle, est astrologue. Pas déclarée, hein. Selon qui lui demande, elle gagne entre 50 et 60 % de ce que touche Robert, soit entre 800 et 950 €. Bah, tous ceux qui ont moins que Julie pour vivre sont pauvres. Tu vois, c'est tout bête.
Il y avait un truc qui me chiffonnait. Et les types qui ne travaillent pas, qui font la manche pour survivre, ils n'ont pas de revenu, nan ? Alors j'ai fouiné encore un peu plus. Je suis tombé sur le site de l'Insee et j'ai lu : « Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante. » C'est sur ça qu'ils basent leurs chiffres ? Sur des revenus déclarés au fisc en France métropolitaine ?
J'apprécie sincèrement la mention des étudiants. Bah oui : les étudiants ne peuvent pas être pauvres... S'ils le sont, ils ont des bourses !
Si tu penses ça, je t'arrête tout de suite. D'une, le calcul des bourses est basé sur le revenu des parents. Si les parents ne peuvent pas t'aider, parce qu'ils ont leur crédit à payer, tu es comme un idiot à survivre avec ton loyer à 300 €. De deux, faut pas se leurrer, les bourses, c'est pas Crésus. Regarde bien les attributions, et tu verras que c'est moins qu'un rsa.
Ah, mais on oublie les allocations ! Joie ! De l'argent qui ne couvre que la moitié de ton loyer lorsque tu ne déclares aucun revenu, ça c'est cool ! Ouais, mais les parents perdent au moins autant de leur côté, avec parfois un trop-perçu à payer.
Les étudiants sont censés être de grosses feignasses, n'est-ce pas ? Allez trouver un boulot ! C'est sympa, mais pour ça il faudrait en trouver en-dehors des heures de cours, dont l'emploi du temps peut être modifié jusqu'à toutes les semaines en iut. Pour ceux qui rêvent d'un statut salarié, il faut justifier d'un contrat de travail pour au moins 380 heures dans l'année (10 mois). Oui, 10 heures par semaine où tu n'es pas à bosser tes cours, pour gagner de quoi les faire. Il faut déjà le trouver, le contrat, au jour des cdd à court terme et autres intérims. Et si tu as le malheur de ne pas l'avoir, prends garde à ne rater aucun cours ou partiel pendant que tu passes la serpillière dans le bar d'à côté. Tu risques un renvoi dans un cas --malgré tes résultats--, la perte de tes bourses dans l'autre, voire leur remboursement.
Alors je fais partie de ceux qui ont moins d'un rsa pour vivre, tu vois, je n'ai pas le luxe de posséder une télévision. Peut-être le gain de santé que cela me procure compensera le Sida que j'attraperai en faisant le tapin comme 40 000 de mes camarades voulant simplement survivre à leurs études.
Michel Foucault a beaucoup étudié les sociétés disciplinaires, d'un milieu d'enfermement à un autre : la famille, puis l'école, l'armée, la prison, l'usine. Mais il a noté vers la fin de sa vie que le futur de ces sociétés disciplinaires serait des « formules insidieuses et souples ». Deleuze a donc repris ces travaux et en a déduit que nous basculions vers des sociétés de contrôle qui paraissent être d'abord de nouvelles libertés acquises.
La société de contrôle est donc une société qui s'appuie sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour offrir des libertés apparentes. Apparentes seulement, car elles servent à mieux contrôler les individus qui la composent.
Un exemple : la vidéo-surveillance. Les caméras de vidéo-surveillance permettent de réduire les vols, c'est en tout cas comme cela qu'elles sont présentées. Mais elles permettent aussi de nous surveiller chaque jour un peu plus.
Au niveau écologique, par exemple, inciter les gens à acheter des produits meilleurs pour l'environnement, comme des voitures hybrides ou des ampoules basse tension, est une bonne chose.
Au niveau de la santé, les exhorter à manger sainement est quelque chose de bon en soi, tout comme réduire le nombre de cancers du poumon en empêchant de fumer dans les lieux publics couverts. Comme nous le faisait remarquer M. F. ici présent, il n'y a pas si longtemps les professeurs pouvaient fumer en classe, le lieu devenait vite irrespirable. De même, proscrire l'abus d'alcool ou sa consommation par les plus jeunes empêche nombre d'accidents sur la route ou domestiques.
Enfin, Deleuze a noté que « beaucoup de jeunes gens réclament étrangement d'être motivés ». Autrement dit, si la société ne fait rien pour les motiver, il est possible qu'ils n'agissent pas correctement au niveau moral. Une décadence parmi les jeunes peut se répercuter sur les mœurs de la génération suivante, avec, à terme, une perte de notre statut économique par exemple.
Au-delà de cet aspect, est-ce vraiment à votre voisin de faire la police ? J'entends par là que si vous déviez de la règle établie, de la norme de la société de contrôle, vous pouvez être dénoncé par des gens qui pensent selon cette norme. C'est peut-être un danger de la société de contrôle : individualiser les gens au point que même vos propres enfants peuvent vous dénoncer.
Chercher à réduire les accidents, c'est aussi chercher à éloigner la mort, ne pas l'accepter, et donc une conception de la vie qui n'est peut-être pas celle que vous avez. La société de contrôle va donc égratigner vos convictions personnelles.
Enfin, peut-être certains d'entre vous verront dans la société de contrôle une sorte d'eugénisme : si vous n'êtes pas selon une certaine norme édictée, vous êtes rejetés.
Mais en matière d'avantages : le taux de criminalité de Singapour est parmi les plus bas du monde et le pays jouit du deuxième meilleur niveau de vie d'Asie après le Japon. A gagné le championnat international de mathématiques et de sciences par trois fois depuis 1995.
On pense immédiatement aux mèmes, ces éléments culturels répliqués et transmis par imitation d'individu en individu. La mémétique se fait fort d'étudier la propagation d'éléments culturels, or les convictions ne sont-elles pas des éléments culturels parmi d'autres ? Par exemple, la résurgence de théories platistes[4] quelques 150 ans après leur élaboration moderne par Samuel Rowbotham n'est pas sans faire penser à la viralité de ces vidéos de chat[5].
Or, la mémétique nous enseigne que les mèmes évoluent à travers nous, on ne peut que créer les conditions favorables à leur apparition et à leur réplication. Nous n'y sommes pour rien, en tant que soi conscient. De fait, nous ne serions même pas maîtres de nos propres convictions, et pourrions très bien nous représenter comme des porteurs d'information, d'Idées, sans prise réelle ni sur leur apparition ni sur leur propagation. Tout juste pouvons-nous les amalgamer pour en améliorer la portée.
Le code génétique lui-même n'est qu'une somme d'informations écrites « en dur », et s'il nous est possible de décider de le partager ou non, nous n'avons ni le contrôle sur ce qu'il fait de nous, ni le contrôle sur ce que nous pouvons en faire, en ce que nous ne pouvons pas d��cider par avance d'un chromosome plutôt que d'un autre[6]. Remarquons également que nous avons ce besoin de reproduction, qu'il est inscrit jusque dans nos gènes, pour sauvegarder ceux-ci --c'est sur cela que se base la vie.
Nous ne serions donc que des êtres agissant par et pour la sauvegarde et la propagation de gènes et de mèmes, donc basiquement d'information, tout cela dans un contexte darwinien du plus adapté à l'environnement. La culture ne serait qu'une suite ininterrompue de copies[7], il n'y aurait d'idée nouvelle que comme amalgame d'anciennes idées, de même qu'il n'y a de code génétique nouveau que comme amalgame d'anciens gènes.
De là en découlent au moins trois points. Le premier, c'est l'importance de la diversité pour l'espèce, et donc pour l'individu, ne serait-ce que comme élément de survie[8]. Le second, c'est que les inadaptés sont voués à l'extinction, qu'elle soit culturelle ou matérielle, si l'on s'en réfère à la théorie darwinienne[9]. Le dernier, enfin, c'est que nous agissons toujours pour l'espèce et non l'individu. Ce n'est pas notre survie matérielle qui est en jeu dans la reproduction et l'évolution, c'est bien celle de l'espèce dans son ensemble, par création de diversité.
Par l'esprit, avec ces convictions anticapitalistes qui font de ma survie même une question en suspens. De manière sociale, avec cette misanthropie qui me fait me replier alors que la connerie domine le monde, ce qui fait de ma survie intellectuelle (en tant que je peux transmettre mes idées) une question en suspens. De manière sentimentale enfin, où à l'heure des relations polyamoureuses[10] je n'arrive même pas à trouver une partenaire passagère, faisant de ma survie génétique une question en suspens.
En bref, c'est comme si l'espèce avait décrété que je n'étais pas un élément intéressant. Je suis inadapté.
Si le suicide est un sujet si délicat, c'est qu'il touche au problème existentiel propre à chaque personne. Contrairement aux autres décès, nécessaires puisque appliqués par le monde sur l'individu, le suicide pousse par sa contingence même à essayer d'en comprendre les raisons. Or, à part certains imbéciles heureux, tout le monde a déjà ressenti un jour que la vie ne valait pas d'être vécue.
Camus écrivait dès les premières lignes du *Mythe de Sisyphe* : « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. » Et en effet, la nature humaine semble être la souffrance. Eh ! on a inventé des religions entières pour expliquer pourquoi la vie n'est que souffrance. Que l'on parte de Pandore ou de l'exil de l'Éden, il ne s'agit que de couleurs particulières pour accommoder le tableau par ailleurs nu et terrifiant : l'être humain est né de la souffrance, et sa vie est souffrance[11]. Une grande partie des constructions culturelles ne sont là que pour tenter de sublimer cette souffrance, ou du moins pour la faire battre en retraite pendant un temps. Lorsque Nietzsche, au-delà de son avant-propos au *Gai Savoir*, nous exhorte à vivre comme si notre vie devait être répétée éternellement, ce n'est pas autre chose que cela : essayer de vivre de sorte que la somme de nos douleurs soit déficitaire.
Ajoutez à cela l'une des blessures les plus graves que l'on puisse infliger à un être humain : le suicide touche directement l'ego des proches, en montrant que leur simple existence n'est pas suffisante pour justifier celle des autres. Il est donc assez logique de trouver le sujet du suicide délicat.
Le Loir-et-Cher était en 2008 le quatrième département de France métropolitaine en matière de taux de suicide avec ses 27,79 décès volontaires pour 100 000 habitants (c'était 10 points supérieur à la moyenne nationale, 18 points au-dessus de la moyenne européenne)[12]. On pourrait comprendre cela du fait qu'il est composé d'une grande partie d'agriculteurs, mais également de demandeurs d'emploi, deux populations à risque d'individus qui ont « étrangement » tendance à mettre fin à leurs jours[13]. La France dans son ensemble n'est pas réellement mieux lotie, puisqu'elle occupe la dix-septième place au classement avec plus de 10 500 suicides par an (sans compter les quelque 200 000 tentatives), participant à hauteur de 13 % à la mortalité volontaire mondiale (800 000 par an environ). Ajoutons que sur le plan national, le suicide fait davantage de victimes que les accidents de la route[14], et sur le plan global, davantage que les guerres.
Si les femmes sont celles qui font le plus de tentatives, ce sont bien les hommes qui mettent réellement un terme à leur vie, puisqu'ils représentent plus des deux tiers des suicides français. Et s'il existe bien une disparité d'âge, on constate néanmoins qu'il s'agit de la première cause de mortalité des 25--34 ans (20 % des décès), et la seconde des 15--24 ans (16,3 % des décès).
Le ministère des Affaires sociales et de la santé propose une page web « Que faire et à qui s'adresser face à une crise suicidaire ? » où l'on y apprend que le gouvernement est pleinement conscient de la situation, et propose de maigres liens vers différentes associations. Sos Suicide ne propose que des lignes téléphoniques, et la messagerie instantanée de sos Amitié n'ouvre qu'entre 19 h et 23 h. Mettons une seconde que j'ai des pensées suicidaires. Ayant une anxiété au téléphone, ou tout simplement dans l'incapacité de téléphoner du fait d'une couverture on ne peut plus honteuse du réseau téléphonique français, que dois-je faire ? Attendre le lendemain soir, ou en conclure que la société n'en a rien à faire que je crève ?
Le fait que cette page web ait été actualisée pour la dernière fois il y a trois ans, que les sites des différentes associations ressemblent à ce qu'il se faisait de mieux il y a dix ans, que les souffrances psychologiques (type *burn out*) soient écartées d'un revers de la main, que les médias ne traitent que de mortalité accidentelle (morts au volant, terrorisme, faits divers...) ajoute du poids à cette conclusion qu'en réalité la société n'en a rien à faire. L'individu projetant de mettre fin à son existence est considéré comme déjà sorti de la société, celle-ci ne veut pas perdre de temps avec lui. Si les efforts déployés par la société ne sont pas suffisants, elle légitime de fait cette pratique[15]. Et puis, pourrait-on ajouter sur une touche d'humour noir, si ça peut faire baisser le taux de chômage...
Dès lors, la logique voudrait que je ne m'occupe que de ce sur quoi j'ai une emprise, en bon épicurien[16]. La question qui se pose alors : sur quoi ai-je de l'emprise ? Le champ des possibles est si restreint que l'on peut légitimement affirmer que je n'ai aucun contrôle.
Puisque je n'ai aucune emprise, c'est à moi de changer. Je n'ai pas l'ego d'affirmer que le monde devrait se soumettre à ma volonté, c'est bien à moi de changer.
Nous sommes arrivés à l'époque de l'hyperréalité, où la conscience perd sa capacité à distinguer le réel de l'imaginaire. De manière prosaïque, on pourrait rejeter cette idée en disant que la réalité virtuelle n'est pas encore assez avancée. Mais en réalité, c'est l'épiphénomène de la « post-vérité[17] » qui nous le montre : les gens ne sont plus capables de distinguer réalité et simulation, ou *simulacre* au sens de Baudrillard. La célèbre phrase de l'hyperréalité comme « simulation de quelque chose qui n'a jamais réellement existé » tape en plein dedans. Il suffit de constater l'évolution de la publicité ces trente dernières années : d'une réalité parfois froide où l'on vante les mérites d'un produit, nous sommes passés à la tentation d'une vie fantasmée.
La vérité, en tant que conformité à la réalité, s'est retrouvée reléguée au second plan. Prime l'image, le simulacre. De sorte qu'il n'est pas étonnant de voir cette culture de l'image de soi, du *selfie*, de la conformité à tout prix à la norme imagée qu'ont les plus jeunes générations. Cette société du spectacle où se mettent d'eux-mêmes en avant comme marchandises les individus, ce n'est qu'un effet de bord.
Une majorité silencieuse, de plus en plus de gens, une masse informe, absorbe ainsi les images de manière passive, sans esprit critique, devenant un média en lui-même. Cela rappelle bien entendu la télévision --et je ne pense pas que ce soit un hasard--, mais le phénomène est surtout exacerbé par les réseaux sociaux[18].
Politique, si vous êtes un homme, j'espère que vous apprécierez cette longue poussée dans mon rectum.
Il est étrange de penser qu'à l'heure où l'originalité, le paraître-unique, s'inscrit comme valeur de la femme contemporaine, elle ne pense à se vêtir, se maquiller, se parfumer, bref se créer une identité propre qu'à partir d'une gamme de prêt-à-porter fabriquée à la chaîne.
Pourquoi ai-je l'impression d'être revenu en trente-trois, à ceci près que l'antijudaïsme est remplacé par l'anti-islamisme ? J'ai honte de ma famille, j'ai honte de mes collègues, j'ai honte de ce pays. J'ai l'impression d'être entouré d'aveugles : quelle que soit la perle de lumière que je puisse élever, ils n'y sont pas sensibles.
Nous voulons simplement exister, comme le rat dionysiaque.
Je ne crois pas en la révolution parce que je ne crois pas en la fin de l'histoire et de la civilisation, thème hégélien et marxien.
1. Je pense par exemple à ces entreprises bénéficiant d'aides de l'État, dont le fameux cice n'est qu'un avatar moderne, puis s'empressant d'évader fiscalement le tout de sorte qu'ils ne participent plus à l'économie nationale.
2. Nicholas Christakis a d'ailleurs montré en quoi les produits commerciaux, le rhume et les comportements se propagent par contagion dans un réseau.
3. L'esprit critique jouant ici le rôle du système immunitaire, participant à une certaine hygiène mentale.
4. Les platistes sont les partisans d'une théorie de la Terre plate et non sphérique.
5. Que certains associent d'ailleurs au parasite *Toxoplasma gondii*. Il est intéressant de noter que des liens entre toxoplasmose et dépression, idées suicidaires ou schizophrénie sont supposés, bien que les études sur le sujet soient encore assez jeunes.
6. En tout cas, c'est le cas en grande partie au moment où j'écris ces lignes. Nul doute qu'il sera en notre pouvoir, dans un futur proche, de modeler notre progéniture selon nos désirs.
7. Le parallèle entre copie culturelle et copie génétique serait à dresser, notamment à l'heure du numérique, puisque dans un cas comme dans l'autre nous n'avons que copie à l'identique à partir d'une source première comme moyen de propagation.
8. Ce dialogue du *Ghost in the Shell* de Mamoru Oshii résume à merveille ce point : « Si nous pensions tous de la même façon, nos actes seraient prévisibles. Et puis, plus on a d'opinions sur une situation donnée, mieux c'est. Et ce qui est vrai pour le groupe l'est également pour l'individu. C'est simple à comprendre : à force de nous spécialiser, nous devenons plus vulnérables, et c'est la mort. »
9. Il ne s'agit pas ici de faire preuve d'eugénisme, attention. On ne parle pas de hiérarchie de gènes ou de mèmes, mais bien de la *fitness* de ceux-ci, leur capacité à s'adapter à leur environnement, et ainsi à se propager.
10. Où les plus adapté·es sortent avec plusieurs conquêtes.
11. « De tout temps les sages ont porté le même jugement sur la vie : *elle ne vaut rien*... [...] Socrate lui-même a dit en mourant : "Vivre --c'est être longtemps malade : je dois un coq à Esculape libérateur." Même Socrate en avait assez. » (Nietzsche, *Le Crépuscule des idoles*, II, 1)
12. Avec un taux standardisé de 22,2 en 2012, le Loir-et-Cher se place dorénavant à la onzième place.
13. L'Inserm a constaté en 2015 que le taux de suicide augmente avec le taux de chômage, et un travail publié en 2010 concluait déjà à un risque de suicide multiplié par 2,2 chez les chômeurs par rapport aux actifs. Le sociologue Christian Baudelot note dans *Suicide : l'envers de notre monde* qu'« une chose est sûre : en France, les hommes inoccupés se suicident beaucoup plus que les hommes occupés [...]. Mais le rapport entre les taux de suicide des actifs inoccupés et des actifs occupés n'est pas stable, il varie dans le temps. [...] Ces variations suggèrent que ce n'est pas l'inactivité en soi qui favorise le suicide, mais les conditions sociales et psychologiques qui les accompagnent et la façon dont elles sont vécues. [...] Le lien entre chômage et suicide n'a rien non plus d'universel. Il n'est pas du tout établi dans trois pays voisins --l'Italie, l'Allemagne et la Grande-Bretagne--, où les taux de chômage se sont envolés sans que les suicides ne suivent. »
14. Dans une étude de l'urc eco de l'Hôtel Dieu à Paris, l'impact économique des suicides et des tentatives de suicide a été évalué à 9,8 milliards d'euros en 2009 (8,6 milliards d'euros pour le suicide seul). Parallèlement, dans un article des *Tribunes de la Santé*, Jean Chapelon note que, bien que le nombre d'accidents mortels ait baissé, les moyens alloués à une prévention routière ont augmenté, ce qui offre un impact économique des accidents mortels plutôt stable aux alentours de 25 milliards d'euros. À quiconque se demandant pourquoi la sécurité routière semble passer avant la prévention du suicide, vous avez la réponse : le coût d'une vie humaine, et donc son importance économique, est plus élevée dans le cadre d'un accident de la route...
15. De la même manière que pour la fraude fiscale : les efforts déployés sont loin d'être assez importants, malgré les moyens présents. La fraude fiscale est encouragée par la société, que ce soit légal, moral ou non.
16. À la manière de Georges Moustaki : « ma liberté, [...] je t'ai trahi pour une prison d'amour et sa belle geôlière », *Ma Liberté*, 1967.
17. Dont le porte-étendard est cette tendance de la *fake news*, mais on peut également citer l'influence de la figure d'autorité de Trump, le retour en force des théories platistes, les complotistes de tout bord, qu'ils soient partisans de l'*inside job* ou des aliens... Il est tout de même symptomatique, et par le moins effrayant, de constater que des gens restent convaincus d'une réalité fantasmée en se basant exclusivement sur un poisson d'avril ! Notons également que je déteste au plus haut point ce terme de « post-vérité », qui suppose que l'on aurait dépassé la vérité. La notion même me semble être un jouet conceptuel plutôt flou, qui reste encore à théoriser pour en découvrir un objet somme toute creux.
18. Éternelle lame à double tranchant, pouvant aussi bien libérer qu'asservir.
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