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"Toute la moralité du monde ne vaut pas trois millions de dollars"
Lola est le deuxième volet d'une trilogie consacrée à la reconstruction de l'Allemagne après la seconde guerre mondiale.
Un des personnages du film mentionne "dix années bénies sans guerre", ce qui nous permet de situer temporellement l'histoire.
Il n'y a pas d'indication des lieux dans le film, ce détail est d'importance, il laisse à penser que l'histoire pourrait se dérouler n'importe où en Allemagne.
Nous savons que nous sommes dans une petite ville (village? Bourg?) que Lola décrit comme rongée par la corruption de quelques-uns.
La première scène du film donne d'emblée le ton, nous voyons ces quelques uns discutailler en habitués dans les toilettes du bordel de la ville, de l'arrivée de Von bohm, un agent de l'état.
Car au niveau national, L'heure est a la planification de l'économie par l'état, et Von Bohm est un de ces agents dépêchés sur place pour assurer la réalisation d'un projet immobilier.
Von bohm est d'abord accueilli par les édiles comme un des leurs, le partenariat avec l'état promettant d'être juteux , surtout pour Shukert, l'entrepreneur local.
Le thème et le ton du film pourrait être ceux d'un film italien: la corruption est un vrai sujet là bas, et Lola a les ingrédients et la cruauté des meilleurs comédie satiriques italiennes.
Mais, pour autant que je puisse en juger, le regard de Fassbinder a quelques chose de différents, il se veut adapté pour l'Allemagne:
Les "petits arrangements" deviennent des pactes rationnels et sont admis peu à peu comme des états de faits, nul débat grandiloquent, comme en Italie.
Les luttes et les débats sont "tolérés", tant qu'ils permettent de garder sauves les apparences et de préserver une forme de statu quo social.
Le regard de Fassbinder est éminemment politique et sans rien spoiler, il massacre en sous texte l'idéal du compromis social démocrate.
Il lui offre néanmoins la possibilité de s'exprimer avec le débat entre Von Bohm et son assistant, qui est un opposant à la ligne officielle.
Mais la trahison du peuple, si trahison il y a, se déroule entre gens biens, rationnellement, sans heurts et au nom du bien commun.
Shukert, le représentant de la libre entreprise comme il se décrit lui même, admet implicitement dans une scène qu'il "travaillait" Von Bohm au corps, attendant le bon moment pour l'inviter dans son restaurant préféré.
Ironiquement, cette familiarité souhaitée par Shukert va pourtant entrainer un raidissement moral chez Von Bohm...
Le personnage de Lola qui donne son titre au film est "double" : "a la ville" elle est chanteuse, chanteuse classique précise sa mère, mais elle travaille dans le bordel de la ville et c'est une femme entretenue, ce qui fait d'elle une "putain" officieuse.
Elle est sans illusion sur le monde qui l'entoure, son seul regret est de côtoyer les élites de la ville, sans être toutefois conviée à la fête.
Son personnage est travaillé par un besoin de respectabilité, même de façade.
Quand je cale un film de Fassbinder, je sais que je vais être pris en main par un vrai metteur en scène, tout va être millimétré parfaitement, direction d'acteur, cadres,lumières etc...
Pas de surprise sur ce film, c'est encore une fois nickel.
Ce qui me frappe sur ce film, c'est la finesse d'écriture, le scénario est très habile.
Comme souvent, Fassbinder est lucide, trop lucide "for his own good", mais le film est encore très pertinent aujourd'hui.