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Le gypaĂšte barbu en famille

par Cerise PlantĂšche

(paru dans Rustica des Montagnes entre jan et vier 1994)

Le gypaĂšte barbu a une vie de famille beaucoup plus simple que ne l’est sa vie amoureuse : il n’aime guĂšre sa famille et la frĂ©quente le moins possible. Il faut dire que la famille du gypaĂšte barbu est particuliĂšrement embrouillĂ©e. Chez les rapaces diurnes, on distingue notamment les FalconidĂ©s, les AquilidĂ©s, les ValturidĂ©s et les ÆgypiidĂ©s. En fait, on ne les distingue pas toujours : c’est ainsi que le busard (FalconidĂ©s) ressemble comme un frĂšre au balbuzard (AquilidĂ©s), que l’épervier, qui a tout du faucon, est classĂ© parmi les aigles, alors que c’est tout le contraire pour le pygargue, et que le percnoptĂšre est un vautour qui fait bande Ă  part chez les ÆgypiidĂ©s. Notre gypaĂšte barbu lui-mĂȘme n’est pas trĂšs net : il tient Ă  la fois du vautour (gups) et de l’aigle (oetos), mais il appartient officiellement Ă  la classe des faucons. Ajoutons Ă  cela que les rapaces diurnes sont presque tous affublĂ©s de pseudonymes, dont certains sont communs Ă  des oiseaux issus de classes diffĂ©rentes ! Pas facile de s’y retrouver
 Nous vous prĂ©sentons aujourd’hui quelques membres de cette extravagante famille.

Le pygargue (ou orfraie, ou aigle des mers ; Falconidés)

Le pygargue ressemble Ă  l’aigle, il a le goĂ»t de l’aigle, mais ce n’est pas un aigle. D’aprĂšs M. Robert Lepetit, son nom signifie proprement « à derriĂšre blanc », ce qui donne Ă  penser que ce petit coquin ne dĂ©daigne pas montrer salement sa signification propre Ă  tous les passants. Le pygargue aime Ă  s’entendre dire qu’il est trĂšs chouette alors qu’il ne l’est pas du tout, et il passe son temps Ă  pousser des cris d’orfraie qui n’effraient personne.

La crécerelle (ou émouchet ; Falconidés)

La crĂ©cerelle est un petit rapace diurne qui, comme tous les petits rapaces diurnes, passe ses nuits Ă  dormir, Ă  faire des cauchemars et Ă  tomber de sa branche en faisant un Ă©pouvantable bruit de petit rapace diurne. J’ai l’impression qu’il y avait un jeu de mots Ă  faire, lĂ . Tant pis.

Le gerfaut (ou Gertrude ; Falconidés)

CĂ©lĂ©brĂ© par le grand poĂšte JosĂ©-Luis de Vilallonga dans son vers le plus connu — et le plus hiateux — : « CommunvoldegerfoorducharniĂ©natal », le gerfaut est un rapace qui sĂ©vit dans les pays nordiques, oĂč il passe son temps Ă  draguer les beaux animaux blonds aux yeux bleus, tandis que son cousin le gypaĂšte barbu doit apaiser son appĂ©tit en appĂątant des petites taupes papoteuses, pataudes et patatoĂŻdes, sans mĂȘme rĂ©ussir Ă  Ă©pater la galerie. Y a pas de justice.

L’émerillon (ou faucon s’marre ; FalconidĂ©s)

L’émerillon est un joyeux drille, bon vivant et pince-sans-rire, trĂšs apprĂ©ciĂ© dans les noces et banquets oĂč il n’a pas son pareil pour dĂ©rider l’assemblĂ©e. Les lecteurs de « Rustica des FalconidĂ©s » le connaissent bien, puisque c’est lui qui rĂ©dige chaque mois la rubrique « Émerillons un peu ».

Le balbuzard (ou balbuzard ; Aquilidés)

Parmi les buses, busards et autres businessmen, le balbuzard n’est ni le plus bĂȘte ni le plus lourdaud, mais c’est indiscutablement le plus dĂ©plumĂ©, car il est chauve comme l’oeuf qui l’a vu naĂźtre. Le balbuzard est un rapace piscivore ; ce n’est pas pour autant qu’il pĂȘche Ă  l’épervier (voir plus loin). Il fut immortalisĂ© dans la cĂ©lĂšbre scĂšne de « DrĂŽle de drame » oĂč Michel Simon dit Ă  Louis Jouvet : « Je vous assure, cher cousin, que vous avez balbutiĂ© "balbuzard, balbuzard"  »

L’épervier (ou Ă©mouchet, ou mouchet, ou tiercelet, ou Arturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo Cartoffoli dĂ© Milano, Euh... Je... Hem... C’est bon pour une fois)

L’épervier, vier, vier est un oiseau, zeau, zeau qui ne suscite plus qu’indiffĂ©rence, rence, rence depuis qu’on a mis Hugues au frais, frais, frais. De toute façon, c’est un aquilidĂ©. Aquilidé ? Ah ! quelle idĂ©e
 À liquider ! Cela dit, l’épervier peut Ă  l’occasion servir de filet de pĂȘche, mais le balbuzard rĂ©pugne Ă  l’utiliser (voir plus prĂšs).

Le circaÚte (ou milan blanc ; Aquilidés)

Le circaĂšte se situe Ă  mi-chemin entre le faucon (kirkos) et le vrai (oetos). Comme son nom l’indique, il est souvent rond (kirschos) comme une queue de pelle (guignoloetos), ce qui ne l’empĂȘche pas d’écrire de remarquables circaĂšmes (sorte de poĂšmes circulaires) maintes fois publiĂ©s dans les Cahiers de la CircaĂ©sie sous le pseudonyme de Jean le Blanc. Évitez de lui dire en le poussant du coude : « AĂšte ton cirque, Onflexe ! », car il dĂ©teste qu’on le pousse du coude.

Le faucon pÚlerin (ou faucon commun ; Falconidés)

On l’appelle faucon commun pour le distinguer des faucons propres, des faucons rares, des faux faucons et des faucons cons. On l’appelle faucon pĂšlerin pour le distinguer du faucon la-croix et du faucon la-vie-catholique. On l’appelle faucon parce que Dieu, dans son infinie sagesse, lui a donnĂ© ce nom. On l’appelle parfois Titine, mais Dieu, dans son infini manque d’humour, trouve que c’est idiot.

Le GypaÚte imberbe (ou vautour des agneaux tondu ; Févrieridés)

Le gypaĂšte imberbe est en tout point semblable au gypaĂšte barbu, exceptĂ© dans un domaine prĂ©cis qui, dans l’état actuel de mes recherches, m’échappe complĂštement. Toute personne susceptible de m’éclairer Ă  ce sujet sera la bienvenue.

La conclusion (ou faucon s’tire)

Amis des oiseaux rares, bonsoir.

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