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Écofurieux ?

On entend parler d’écoanxiété depuis quelque temps, pour décrire la détresse intellectuelle dans laquelle se retrouvent certaines personnes face à l’écocide en cours.

Mon premier réflexe quand j’entends parler de ça, c’est de me dire que ce n’est pas eux qui ont un problème, que ce sont probablement les seules personnes lucides sur l’état du monde. Que si on veut les aider, il ne faut pas les raisonner, mais mettre ce qu’on peut en place pour limiter les catastrophes déjà enclenchées et éviter celles encore évitables.

Dans une conférence récente, Frédéric Lordon récuse le terme d’écoanxieux, explique qu’une anxiété correspond à une peur floue, alors qu’on connait précisément les causes de ce qui nous arrive, et propose le terme d’écofurieux.

Mais cela lève une question compliquée, douloureuse, pourquoi est-ce qu’on est pas tous écofurieux ? Pourquoi est-ce qu’on est pas tous dans la rue avec des fourches à l’heure actuelle, alors que 6 des 9 limites planétaires définies par la communauté scientifique sont considérées franchies, les températures flambent, la biodiversité s’effondre, et que dans le même temps 90 députés d’extrême droite sont entrés à l’Assemblée Nationale, les médias sont détenus par la grande bourgeoisie, le gouvernement envoie la police armée contre sa population et notre démocratie semble bien morose.

Je serais incapable d’expliquer l’état du monde à mes enfants sans fondre en larmes, de désespoir tant que de culpabilité. J’étais encore au lycée quand Mickey 3D chantait « Respire » où il décrit la honte qu’on aura du monde qu’on laisse derrière nous. Je ne pensais pas que ça arriverait si vite.

Et quand je dis tous en fait je veux dire moi, c’est trop facile de rejeter la question au groupe, pourquoi moi personnellement ne suis-je pas plus indigné, révolté, militant ? Est-ce que la réponse tient simplement au confort matériel à court terme dont je dispose ? Au divertissement qui nous permet d’endormir notre indignation ?

Il y a une question intéressante sur le rôle de l’humour qui est abordé par Charline Vanhoenacker puis Bertrand Chameroy chez Blast, où ils expliquent que l’humour politique sert de soupape pour contenir la colère populaire :

[BLAST] l’humour comme porte d’entrée vers la politique avec Bertrand Chameroy Mais est-ce souhaitable?

Je recommande aussi chaudement la vidéo de Bolchegeek à propos de Don’t look up sur ces sujets :

Don't Look Up a-t-il échoué ? POPulaire, la chronique pop de #Bolchegeek

Je vous propose de terminer sur cet extrait de Fabe qui rap déjà en 1998 :

Fabe – « En fait si j’écris c’est pour éviter de descendre dans la rue en poussant des cris »

Mais nous qui n’écrivons pas, qu’est-ce qui nous empêche, et ne serait-il pas grand temps, finalement, de tous descendre dans la rue en poussant des cris ?