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J’ai de l’affection pour l’effacement, pour les traces qui s’atténuent puis, qui disparaissent lentement, sans laisser de traces, justement. J’aime les photos qui jaunissent et qui s’effacent patiemment. J’aime les stigmates du temps. Plusieurs anciens tirages numériques n’ont pas résisté au délavage et ne sont aujourd’hui, plus que de belles feuilles blanches immaculées. Combien de disques durs ne répondent plus, combien de formatages malheureux, de nuages qui s’évaporent… Il y a dans l’éphémère toute la fragilité de la vie, toute la beauté aussi. Paradoxalement, pour l’artiste, c’est le désir de marquer dans le temps qui est de mise. L’œuvre est créée pour durer. Elle s’inscrit dans un désir d’histoire, de pérennité. Voici donc un bel exemple de dualité.
Je n’ai aucun attachement pour mes œuvres originales, leurs disparitions physiques ne m’affectent aucunement. Et pourtant, j’accumule leurs reproductions dans des livres, les inclus dans des projets d’envergure qui finiront imprimés, multipliés, dans le but de laisser une trace de leurs conceptions. Ce fameux désir de transmission, de filiation. N’y a-t-il pas, ici, la preuve d’un trouble, d’un combat intérieur, la volonté d’exprimer des émotions profondes à travers mon art et, peut-être par pudeur, de les effacer méticuleusement. C’est peut-être pour cela que j’ai une attirance profonde pour les performances artistiques et pour le land art. L’œuvre est éphémère et la photographie est le seul témoignage de sa réalisation. Le témoignage de trop ?
J’aime les photos qui jaunissent… Les traces qui s’effacent, les méandres de l’esprit et les cœurs partagés.