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Je faisais le malin la dernière fois sur les JRPG (cf. ma critique de Paper Mario The Origami King), mais la vérité est que je n’ai pas fait assez de RPG. Je n’ai pas le pedigree des *nerds* du papier-crayon, ces magiciens capables de consacrer leurs soirées à imaginer ensemble des mondes qui ne tiendraient pas dans mille pages de littérature, ni dans cent gigas de jeux vidéo, n’est-ce pas CD Projekt ? Je n’ai même pas fait Fallout : New Vegas (Obsidian Entertainment, 2010). Pourquoi je parle en fait. Pourquoi je m’embête avec Disco Elysium, ce jeu soi-disant “vidéo” où tout se passe dans le tiers droit de l’écran, et par “tout” je veux dire “des murs de texte”, le reste ne servant en fin de compte qu’à l’illustrer ? N’a-t-on pas fait un minimum de progrès technologiques depuis Planescape Torment (Black Isle Studios, 1999) ? Ne ferais-je pas mieux de lire un bouquin, au hasard celui du scénariste Robert Kurvitz, qui n’a fait ce jeu que parce que personne ne lui a acheté son livre ? (je sais qu’il n’existe qu’en estonien, c’était une question rhétorique)
Je ne saurais donc dire si Disco Elysium et ses pavés sont la révolution du jeu de rôle, celui dans lequel on peut être qui on veut, où nos choix ont réellement des conséquences, vous connaissez la chanson. Je sais juste que c’est un cauchemar. Un cauchemar de gauchistes, même : dockers syndiqués, vétérans de guerres civiles, teufeurs, racailles, antifas, gens-des-beaux-arts et autres théoriciens de Twitter ont tous leurs doubles maléfiques parmi les décombres du monde, tous impuissants à en changer la marche. Au-dessus de ces losers magnifiés plane le mec que l’on joue, l’incarnation de l’échec insurmontable, peut-être un alter ego de Kurvitz, lui aussi en proie à des démons bien ordinaires. Dans presque tous les RPG auxquels j’ai joué (très peu donc), on devient de plus en plus fort jusqu’à devoir tuer Dieu. Dans Disco Elysium, si vous parvenez à tenir une semaine sans avoir causé une mort, c’est déjà pas mal : tout pue la défaite dans cet univers, et tout ce que vous pouvez faire pour y échapper, ce sont des lancers de dés. Mine de rien, cela en fait une expérience bien plus cathartique que tous ces jeux où la dépression vient fermer toute perspective et priver de toute *agency*. Oui, même dans ce monde que personne ne viendra sauver, si vous dites les bonnes choses aux bonnes personnes, quelque chose de chouette pourrait vous arriver.
Certes, peut-être que Disco Elysium est un jeu de vieux, où on ne fait que lire et crapahuter entre les quatre ou cinq mêmes recoins de la carte, en attendant de tomber sur la bonne ligne de dialogue qui fera avancer l’histoire. Peut-être que je n’ai pas fait assez de RPG pour voir que c’est le degré zéro de la narration vidéoludique. Mais ce n’est pas ça qui me fera bouder mon plaisir de jouer au détective amnésique. Des murs de texte aussi captivants à lire, je n’en vois pas souvent dans les jeux vidéo ; on pourra toujours en reparler lorsque j’aurai lu plus de livres.