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2009-07-28 04:00:51
La mer, monde du silence ? Po tique, mais faux. L'environnement marin est empli
de bruits naturels provenant des vagues, du vent et de la pluie, ainsi que des
sons mis par les organismes vivants. Auxquels s'ajoutent, et de mani re
croissante, les sons d'origine humaine. Une v ritable pollution sonore dont les
cons quences peuvent tre dramatiques pour les mammif res marins, et contre
laquelle se mobilise un nombre croissant de scientifiques et
d'environnementalistes.
Le 24 septembre 2002, entre les Canaries et le d troit de Gibraltar, des
bateaux de l'OTAN proc dent un exercice. Le m me jour, 14 baleines bec s'
chouent sur les plages avoisinantes. L'autopsie r v le des l sions au niveau
des oreilles internes. Cet chouage massif n'est pas le premier, mais cette
fois, le doute n'est plus permis : des sons de forte puissance peuvent
provoquer la mort de grands c tac s, d j fortement menac s par la chasse et la
p che.
Principaux accus s : les sonars militaires basse fr quence employ s pour d
tecter les sous-marins, et les canons air de forte puissance utilis s pour la
prospection p troli re offshore. "Depuis les ann es 1990, plusieurs chouages,
majoritairement de baleines bec, ont t corr l s avec des exercices navals
mettant en oeuvre des sonars actifs de forte puissance, et parfois galement
avec des tirs sismiques", confirme Xavier Lurton, coauteur d'un rapport sur
l'analyse des risques de la pollution sonore pour les mammif res marins.
"SMOG ACOUSTIQUE"
Responsable l'Institut fran ais de recherche pour l'exploitation de la mer
(Ifremer) du service acoustique sismique de Brest, ce sp cialiste rappelle que
la marine am ricaine comme l'industrie p troli re offshore ont consenti des
investissements importants, ces derni res ann es, "pour financer aupr s de la
communaut acad mique des tudes visant limiter ces risques". Et que
plusieurs pays (Australie, Nouvelle-Z lande, Br sil, Royaume-Uni) ont mis en
place des r glementations plus contraignantes en mati re d'exploration p troli
re offshore.
Tout n'est pas r solu pour autant, loin s'en faut. Car les flottes de commerce
croissent au rythme de la mondialisation, et emplissent les mers d'un constant
grondement. Selon le rapport de l'Ifremer, l'intensit sonore y aurait ainsi
augment en moyenne, depuis un demi-si cle, "de 10 d cibels dans la gamme des
centaines de Hz". Un "smog acoustique" d'autant plus g nant que les mammif res
marins ont recours l' cholocalisation pour communiquer, se rep rer ou
rechercher leur nourriture. La cacophonie ambiante leur fait perdre le sens de
l'orientation, les oblige abandonner certains habitats, multiplie les dangers
de collision avec les navires. Venant s'ajouter au bilan de la chasse baleini
re l gale (1 500 animaux par an) et aux captures accidentelles de dauphins et
de c tac s par les filets de p che (plusieurs dizaines de milliers par an), ces
perturbations menacent un peu plus la survie des esp ces les plus menac es.
"Pour mieux comprendre la mani re dont cette pollution sonore affecte ces
animaux, il faut d'abord tablir la source de ces bruits, et la mani re dont
ils se propagent", pr cise Michel Andr , directeur du laboratoire
d'applications bioacoustiques l'universit polytechnique de Catalogne
(Espagne). Son quipe travaille d finir le seuil maximal de bruit tol rable
par les c tac s, et tablir une cartographie de la pollution sonore sur les c
tes espagnoles. Michel Andr esp re largir ce dernier projet au niveau
mondial gr ce la campagne Changing Oceans, lanc e le 10 juillet, Marseille,
par la fondation suisse Antinea : une exp dition men e bord d'un ancien
navire de guerre visant recueillir des donn es sur une centaine d'aires
marines prot g es mais qui cherche encore l'essentiel de son financement.
URGENCE AGIR
En attendant, que faire ? En d cembre 2008, la neuvi me conf rence des
parties de la Convention sur les esp ces migratoires (CMS), la Communaut europ
enne a pr sent un projet de r solution invitant instamment la communaut
internationale examiner des mesures visant r duire le bruit sous-marin. Cr
ation de "zones de protection" dans les mers et les bassins ferm s, meilleur
contr le des niveaux sonores, constitution de bases de donn es indiquant la
provenance des sons produits par l'homme : tout ou presque reste mettre en
oeuvre.
Et il y a urgence agir. Selon le dernier rapport du Groupe
intergouvernemental d'experts sur l' volution du climat (GIEC), publi fin
2007, l'augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l'atmosph re va
entra ner une acidification des mers et des oc ans. Or, cette acidification
pourrait contribuer rendre l'environnement marin plus bruyant, en diminuant
la capacit d'absorption des sons basse fr quence. Si rien ne vient enrayer
cette volution, les baleines, demain, pourront-elles encore s'entendre chanter
?
Catherine Vincent