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Du progrès

Lassé par le bruit continuel des voitures (et l'attitude des chauffards qui les conduisent), de la même manière qu'en environnement urbain, on doit se protèger du bruit en s'enfermant chez soi, j'ai décidé de m'enfermer dans la musique. Rouler en vélo en ville est pour moi une telle agression sonore que je me suis procuré des écouteurs pour ajouter de la musique au bruit. Mes premiers écouteurs avaient des fils reliant un téléphone à mes oreilles.

Évidemment, l'effet de cet enfermement sonore va à l'encontre de ma philosophie du vélo qui fait du bonjour aux gens qui me regardent passer un moment important de mes déplacements. Pareillement au casque qui propulse le vélocipédiste dans l'attitude du cycliste pressé et l'empèche d'être parmis les piétons, les écouteurs ne devraient jamais être utilisés en bicyclette. Mais, de la même manière que les voitures imposent une relation de peur constante de l'accidemnt par leur volume et leur comportement, elles imposent aussi un univers sonore véritablement stressant non seulement par le bruit de leurs moteurs et de leurs klaxons, mais aussi par celui du roulement de leur pneux. La vitesse et la quantité de ces machines augentant, cela devient pour un ciclyste simplement intolérable.

Je n'y croyais pas, mais mes écouteurs m'ont permis de diminuer réellement mon stress relativement au traffic routier. Je n'entendais plus les vrombissements furieux des machines contrariées par ma « lenteur », les coups de freins de conducteurs persuadé qu'ils pouvaient passer juste avant moi, au mépris de la priorité, voire simplement les dépassement de machinnes de plusieurs centaines de chevaux à quatre vingt kilomètres par heure, à quelques dizaine de centimère de moi, omnubilé par le gain de quelques minutes, qui sans discontinuer parcouraient les quelques kilomètres les séparant de la maison dans laquelle ils allaient s'enfermer.

Seulement voilà, des écouteurs reliés à un fil, c'est peu pratique pour un cycliste, à moins d'utiliser du sparadrap pour les fixer. Mais à chaque déplacement, cela devient vite une épilation continuelle. Je me suis donc procuré des écouteurs bluetooth, première génération. Plus de fil baladeur, hormis celui qui reliait les deux écouteurs. Mais en le faisant passer sur ma nuque, le progrès était là. Au début en tout cas. Car bien vite, je me suis rendu compte qu'il fallait les recharger et qu'on oublie vite de le faire. Bon pour peu qu'on ait un vélo électrique et il « suffit » de recharger les écouteurs en même temps que la baterie. Le problème est donc mineur, contrairement à un autre inconvénient imprévu : le placement du récepteur bluetooth sur le fil reliant les écouteurs. Ce récepteur faisant aussi office de bouton pour régler la musique, il a été placé à droite pour être facilement accessible de la main (droite, tant pis pour les gauchers). Cette dissymétrie provoque un déplacement du fil par gravitation vers la droite, ce qui tend sa partie le reliant à l'écouteur gauche. Il finit alors par pendre tellement à droite qu'il provoque un déplacement de l'écouteur gauche dans l'oreille. Au final, soit celui-ci tombe, soit on entend bien moins la musique. De plus, la partie droite du fil qui pend s'accroche un peu partout et finalement l'un des écouteurs peut se mettre à dysfonctionner, voire comme dans mon cas à ne plus fonctionner du tout.

Faut-il alors s'en racheter un et de ce type ? Évidemment non, car le progrès est passé par là et il existe maintenant des écouteurs réellement sans fils, même entre chaque oreilles. Heureux homme, me suis-je donc dit, voilà ce qu'il te faut.

Mais quoi acheter ? Il est intéressante de noter que ce type d'écouteurs est bien plus cher que les autres. Normal, se dit-on, puisque les inconvénients sont moindres, pardon, les progrès sont multiples. Enfin, multiple ... c'est juste le fil qui a été retiré, car le problème de la baterie persiste.

Pour choisir, un critère peut être la forme de la partie de l'écouteur qui se met dans l'oreille. Celle-ci est importante, car sans fils, il faut que les écouteurs tiennent bien pour ne pas subitement les perdre en roulant. Exit donc ceux qui ne sont pas munis d'un système d'atache à l'intérieur du pavillon de l'oreille. On se retouve alors très souvent avec un caoutchouc souple qui vient coller au pavillon de l'oreille. Ce système permet de minimiser les bruits extérieurs, ce qui pose problème, car quand on ne diffuse pas la musique, l'environnement extérieur est très assourdi. Comme les cas où on arrête la musique sont ceux où on veut entendre l'extérieur, avec par exemple une personne qui s'adresse à nous ou lors de situations complexes où il est nécessaire de faire attention au monde extérieur, comme c'est parfois le cas en ville, c'est difficile.

Un autre critère de choix est évidemment le prix. Quels sont donc les arguments qui justifient des différences ? Essentiellement, il s'agit du filtrage des bruits venant du micro. En effet, celui-ci ne se trouve plus relativement proche de la bouche, mais sur les écouteurs. Pour pouvoir bien détecter la voix, il faut donc amplifier le signal et cette situation introduit des bruits parasites qu'il faut alors filtrer d'une manière logicielle. Cette amplification fait apparaître le bruit du vent de manière assez importante pour que la musique devienne inaudible. Par ailleurs, le prix vient aussi du fait que certains écouteurs ne permettent pas de régler le volume, mais seulement d'activer ou de couper le son, contrairement aux écouteurs filaires pourtant moins cher. Finalement la désactivation du filtrage du bruit de fond produit une annonce de la désactivation de la technologie mentionnée publicitairement. Ainsi pour pouvoir ne plus bénéficier de celle-ci, il faut écouter systèmatiquement le message spécifiant qu'elle a été désactivée. Enfin, si vous désirez avoir accès à d'autres réglages, il faut installer une application spécifique qui ne manque pas de vous demander l'autorisation de vous tracer.

Tout cela est-il vraiment un progrès ? Clairement non. Aujourd'hui les objectifs manifestes de la technologie sont de faire payer les fonctions de base qui faisaient partie autrefois du produit. Cette monnaietarisation peut prendre les deux formes classiques d'un produit auquel on retire des fonctionnalités pour créer une gamme de produits de prix différents ou celle d'une fausse gratuité impliquant de renoncer à sa vie privée.

Le coût des évolutions techniques est prohibitif, sans compter le temps passé pour comprendre comment faire fonctionner correctement ces appareils. Prohibitif, parce que le coût réel en terme de développement et de prix effectif du matériel est sans commune mesure avec celui du prix final. Dans ces conditions, parler de progrès est simplement une escroquerie.