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Hier, Simone Veil a rejoint l'Académie française. Eh oui, elle a 81 ans, il est normal de la voir partir. Comment ça, elle n'est pas partie ? Mais l'Académie française c'est l'antichambre du cimetière ! Flaubert ne disait-il pas à son propos : « la dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut » ?
L'Académie française. Réunion d'intellectuels séniles, grimés en soldats d'opérette, comme si la défense de la langue française était une guerre meurtrière.
« Attention ! La Toile est le suppôt de Satan, c'est un vecteur d'abominables anglicismes et d'abréviations usitées ! Tous aux armes, citoyens ! Envoyez les bombes à dictionnaires ! Les canons de grammaire ! Les gaz néologistes ! »
Au reste, ces gâteux ne s'inquiètent que de la locution de la masse bêlante francophone, oubliant d'analyser leur position sur la tour d'ivoire maculée de défécations dues à l'âge et au fait que le port de la couche soit tombé en désuétude dans les hautes sphères.
Adieu, Veil. Je penserai à vous lorsqu'une ministre prononcera avec panache dans une entrevue que vous êtes partie en colonie de vacances dans votre jeunesse...
Confier à Internet nos capacités, ce n'est pas perdre en indépendance. Ce serait dire : n'utilisons pas les livres imprimés, cela empêche la mémorisation. L'imprimerie a été inventée, nous l'utilisons toujours. La calculatrice a été inventée, nous l'utilisons toujours. Pourquoi n'utiliserions-nous pas Internet dans notre éducation ? Ce serait même un moyen de parler, d'apprendre à écrire[1] et à s'exprimer, bref, une façon de devenir indépendant.
L'enseignement universitaire est totalement dépassé. Il s'agit pour du personnel non qualifié de transmettre à des étudiants passifs devant le savoir. Répétez d'année en année. Qu'est-ce qui vous empêche de filmer vos cours ? Qu'est-ce qui vous empêche d'écrire vos cours, de les distribuer de telle sorte que vos étudiants les lisent et engagent un débat la semaine suivante ? De poster cela sur la plate-forme numérique universitaire, avec des sources et des liens pour aller plus loin[2] ? Bien sûr, cela suppose un sincère apport de l'université, en plus d'une volonté de changer les choses.
Il y aurait alors une véritable démarche active de l'étudiant face au savoir. De plus, le support de révision serait *commun*, au lieu d'être composé de notes prises par chacun où tout le monde fait sa petite cuisine dans son coin avant le partiel. Ça rendrait également le caractère facultatif de la présence en cours magistraux beaucoup plus juste, puisqu'il est à l'heure actuelle bien difficile de récupérer des cours en cas d'absence --même justifiée.
La réponse semble être que l'université française n'a pas pour vocation d'évoluer, elle est garante de la pérennité de la stratification sociale déjà en place.
Lorsque j'allume ma télévision pour regarder une émission, je ne suis pas obligé de l'enregistrer sur magnétoscope pour pouvoir la regarder. Je ne peux pas non plus, sans magnétoscope, la donner à mon amie. Je ne peux pas, sauf actuellement mais pour des raisons autres, faire un arrêt sur image, parce que cela suppose que le diffuseur fasse un arrêt sur image, et qu'ainsi tous les bénéficiaires de la télévision se retrouvent privés d'image.
Mais sur Internet, à chaque fois que je vais sur un site web, la page est copiée sur mon disque dur, dans la mémoire vive. Je peux très bien modifier la page en direct avec du code informatique, supprimer une image, cela ne changera pas le site en lui-même mais seulement la copie que j'en ai. L'acte de lecture est indissociable de l'acte de copie. On voit donc que nous sommes face à un changement total de paradigme.
Il ne peut en être autrement : Internet est basé sur l'informatique, et le fonctionnement même de l'informatique est la copie. Lorsque vous regardez un dvd sur votre ordinateur, le lecteur multimédia ira copier l'information contenue sur votre dvd pour l'amener en mémoire où elle sera traitée (création de l'image sur le moniteur, en passant par le système vidéo par exemple). Ainsi, on peut dire qu'un ordinateur a un fonctionnement ressemblant à celui d'une cellule humaine, dans le cas de l'adn et de sa transmission.
Ce qu'il faut comprendre avec Internet, c'est que chaque terminal[3] est récepteur *et* émetteur d'information. Je ne parle pas ici des notions de client et de serveur. C'est très important à comprendre. Pour que l'on puisse qualifier un réseau d'Internet, il est impératif que les terminaux travaillent. C'est une chose que l'on a peu l'habitude de faire. On reçoit la radio, on reçoit la télévision, on reçoit le téléphone. Imaginez maintenant que pour recevoir vos factures, il faille téléphoner au bureau de poste. Vous émettez une information, et on vous renvoie une information. Pour recevoir, il faut demander.
Internet est donc intrinsèquement diffuseur d'information. Vous allez sur Youtube, vous écoutez un morceau de musique, vous le transmettez à vos amis sur Facebook, par mail, sur irc, qui eux-mêmes vont transmettre...
C'est pourquoi le web... tout ce qui se retrouve sur le web est public. C'est une règle simple à comprendre : à partir du moment où vous avez offert un accès public à une donnée, elle sera transmise à celui qui le souhaitera. Qui dit transmise dit copiée à l'identique. Il ne peut alors s'agir de vol ou de contrefaçon, et encore moins de piratage : il s'agit d'un exemplaire unique délivré par l'éditeur lui-même.
C'est pourquoi ici la notion même de *copyright* est désuète.
D'après certains calculs, une taxe de cinq euros par mois serait suffisante pour couvrir le prétendu manque à gagner des éditeurs causé par le téléchargement dit illégal. De plus, ça permettrait aux *majors* de véritablement s'impliquer dans Internet : pour gagner plus, il faudrait alors que de plus en plus de gens se connectent à Internet en France.
Mais ce serait un volte-face difficile. Ce serait arrêter de poursuivre les gens et devoir abandonner la notion de *copyright*. En effet, puisque tout est téléchargement sur le net, comment différencier celui qui partage en p2p de celui qui met en écoute sur son site, ou intègre à une vidéo Youtube ? La réponse est simple : se tourner vers des licences libres. Pas gagné pour ceux dont le principe même de création est d'avoir l'exclusivité.
Ce n'est pas parce que l'on télécharge que l'on aurait payé le film. Surtout que les plus gros téléchargeurs sont aussi ceux qui achètent le plus. Le téléchargement permet de tester le produit. Vous vous demandez s'il est intéressant d'acheter tel cd ? Téléchargez-le. En plus, ça vous ferra une copie numérique de qualité si vous n'avez pas de lecteur de cd sur votre ordinateur (ce qui peut arriver...) ou si tout simplement les *majors* en empêchent la copie (ce qui est illégal, rappelons-le). Vous souhaitez offrir une copie du cd à votre nièce ? Faite-le. De toute manière, lorsque vous avez acheté vos cd vierges, vous avez payé les ayants-droits, alors pourquoi se priver s'ils ne sont pas lésés ? En achetant votre disque-dur d'un téraoctet, vous avez payé 23 € de taxe aux ayants-droits, soit pratiquement le même montant que la taxe prévue par Martine Aubry.
En 2007, on chiffrait la taxe sur la copie privée à 163 millions d'euros. Sachant qu'en la supprimant, les entreprises pourront souffler : pensez à Archos, dont 5 % de son chiffre d'affaires part dans cette taxe. Un prix en baisse, un regain d'un certain pouvoir d'achat... Je vous laisse faire le calcul.
Le datajournalisme est un mode intéressant de journalisme. C'est en quelque sorte l'archéologie journalistique, au sens foucaldien. Néanmoins, l'objectivité ne peut exister, même en faisant des relations entre les données éparses. Le choix de ces données, leur mise en relation, fait toujours partie d'un processus qui s'approche plus de la création que de la simple énonciation des faits. C'est pourquoi, partant de ce postulat qu'il ne peut y avoir qu'un journalisme subjectif, il est intéressant de suivre un mode d'écriture que je qualifie de Tech Beat ou de Gonzo 2.0.
« Eh les mecs, au lieu de faire des dessins sans perspective sur des murs comme nos ancêtres le faisaient dans les cavernes, pourquoi ne pas dire qu'il s'agit d'une forme d'écriture ? Comme ça, cela fera les pieds aux égyptologues français ! »
Ainsi les scribes se mirent-ils à l'écriture en tant que snobs, se réclamant de Thot pour faire passer la pilule. Ils pensèrent à utiliser des feuilles de papyrus, qui étaient très onéreuses à l'époque au vu de la mortalité infantile en Sibérie. Et c'est ainsi que le savoir se transmit de génération en génération par écrit, réservé à une élite sachant lire. Il y avait bien quelques contestataires comme ces rouges de trouvères qui braillaient sur des chansons de geste, mais on finit bien par les convertir à l'écriture. Prenant la suite directe des scribes, toujours dans une théocratie populaire, les moines copistes se permirent d'effacer en palimpsestes de si beaux écrits antiques et non en toc afin de poudrer ces feuilles à demi vierge --comme ma sœur qui fait bordel à Kuala Lumpur-- à la gloire d'un dieu barbu.
Plus tard, après la prétendue invention de l'imprimerie par un orfèvre allemand, on vit fleurir nombre de traités. Mais Diderot, le philosophe en robe de chambre, décida de gaspiller du papier pour qu'il soit brûlé par l'Église. Ce fut l'*Encyclopédie*. Depuis, nous n'avons guère progressé, l'homme a beaucoup gaspillé de papier pour ne rien dire, comme par exemple l'autobiographie de Julio Iglesias, qui se trouve aussi intéressante que sa position sur la politique extérieure et monétaire de la Malaisie. Heureusement, peu après l'invention d'un réseau électronique nommé Internet, Tim Berners-Lee créa le web qui démocratisa l'accès au savoir sans gaspiller de papier et permit l'écriture approximative d'adolescents acculturés sur des journaux électroniques aux couleurs criardes.
Quand les *majors* comprendront-ils que le partage est la meilleure publicité qui soit ?
La taxe sur la copie privée est une taxe sur la copie illégale. Autrement dit, c'est comme si les douaniers taxaient les gens passant la frontière pour punir les passeurs.
1. J'entends par là « apprendre à écrire de façon avancée ». Je ne conseille certainement pas de commencer à écrire avec un clavier, les automatismes acquis lors de l'écriture manuelle sont essentiels au bon développement de la pensée.
2. Surtout à l'ère numérique où les ressources abondent alors que dans le même temps les professeurs demandent de lire un livre bien particulier, disponible en un seul exemplaire à la bibliothèque universitaire. Aux étudiants les plus fortunés de se le procurer dans le temps imparti...
3. Pour celles et ceux qui voient en l'informatique un terme désignant la magie : un terminal est simplement un ordinateur.
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Permaliens :
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