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--|Laisser sa trace 2022/10/30|--

Aujourd'hui, je voudrais parler de cette peur que je partage

avec certaines personnes. La peur de disparaître. Le besoin

de laisser une trace. C'est un besoin paradoxal pour moi car,

logiquement, le plus pratique pour moi serait que personne

n'ait aucun souvenir de moi et que je puisse me balader

librement avec une identité gratuite (un peu comme quand tu

es oublié dans la cour de l'école alors que tout le monde est

en classe). Je pense que cette liberté serait bénéfique pour

la plupart des gens, ils seraient plus libres, mais cela leur

causerait un grave tort, un tort au niveau de l'esprit, ça leur

ruinerait leur moral. Pourquoi est-ce que j'écris ce texte ? Pour

que quelqu'un le lise ? Pourquoi est-ce que je veux que

quelqu'un le lise ? Pour laisser une trace. Pourquoi vouloir

laisser une trace ? Pour ne pas disparaître sans que ça passe

inaperçu, ce serait désastreux. Peut-être est-ce un problème

d'ego... peut-être est-ce un problème d'hypocondrie couplé à

une peur de mourir... peut-être est-ce juste l'envie qu'on

me parle ou qu'on parle de moi; je ne sais pas mais c'est un

besoin assez important pour bafouer toute logique qui pourrait

régner sur mon esprit.

Je suis sur une instance Mastodon d'art, et pour être honnête,

je pense que seulement une dizaine de personnes sur cette

instance ont un besoin de se différencier fondamental afin de

faire en sorte qu'on se rappelle d'eux ne serait-ce que pendant

un mois ou un an. La vie numérique passe à toute vitesse, je

suis autant coupable que les autres, je passe d'un artiste à

l'autre sans me soucier de ce qui pourrait se passer dans leur

carrière ou dans leur vie, s'ils sont méprisés, s'ils sont

adorés, je passe outre, j'écoute juste, en changeant d'artiste

du moment tous les dix jours. Les seuls qui restent, ils se

démarquent, sinon, ils disparaissent. Internet est comme le

monde de la BD ou le monde du cinéma, tu le parcours à toute

allure, sans te soucier de quoi que ce soit, sans regarder

quelque chose de correct quatre-vingt-dix pourcent du temps.

Internet te fournit en artistes jetables, que tu vas remplacer

au bout de deux jours, tu t'exclames « Oh, que c'est bô ! » et

tu oublies leur nom le lendemain. Mais dans un sens c'est

avantageux, car dans la vie réelle, les artistes médiocres sont

toujours là, mais tu ne peux que les oublier à vitesse

petit v. Les expositions, souvent passables, montrent des choses.

Rien qui va vous lancer vers une vénération de l'auteur, vers

un culte de la personnalité voué à l'artiste, juste un « Mouais,

c'est pas mal ». Même certains artistes influents sont toujours

dans cette hauteur de Mouais qui peut impressionner,

on dira que c'est techniquement fort, que c'est "plaisant" (mon

mot favori), mais contrairement à certains qui arrivent à

focaliser presque unaninement les spectateurs, les critiques

actuels, ou les divers internautes que j'ai croisés, ils

n'arriveront pas à se marquer assez dans l'imaginaire collectif

pour dépasser le stade de village de l'art. Ils ne seront

jamais une métropole.

Je ne serai jamais une métropole, mais je peux essayer d'être

un village. Passer de zéro à deux-cents (je ne parle bien

évidemment pas d'abonnés sur les réseaux hein, ça ne vaut

rien), mourir et disparaître en dehors de la mémoire de mes

proches à mourir et rester dans la mémoire de certaines

personnes car ce que j'ai fait au cours de ma vie a eu un

effet sur eux. Être capable de rendre quelqu'un triste. On

n'est même pas triste quand nos proches meurent, alors être

triste quand un inconnu disparaît. C'est un objectif, effacer

cette peur de disparaître; même si je sais qu'elle ne partira

jamais. Comment est-ce que Michou ou Jake Paul vivent leur vie

en étant au courant qu'ils vont disparaître de l'imaginaire

collectif après trente ans ? Est-ce que ça leur va ? Que leur

seul souvenir soit un vieux t-shirt ou un poster ? J'ai cité

Jake Paul, mais je ne sais même plus s'il fait des vidéos, il

a déjà été oublié. Comme tous les vidéastes Minecraft du début

des années 2010. Ils partent avec beaucoup d'argent mais n'ont

rien fait de concret. Ils ont été inutiles, ont été une

distraction qui a fait perdre du temps à une partie de la

population. Certes, ça a pu soulager certaines personnes qui

vivaient une période difficile à ce moment-là, mais autant

s'évader avec quelque chose de qualitatif, pas avec des excréments.

C'est ça la plupart de la production que j'ai vue en BD, au cinéma,

en romans, en dessins, en peinture, en vidéos, des excréments.

Fin

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