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A l'usine Bosch de V nissieux, une le on de r industrialisation

2011-12-20 06:54:05

V nissieux (Rh ne), envoy e sp ciale - C'est une belle histoire. Elle permet

d'esp rer dans une fili re celle des quipementiers automobiles qui a connu,

ces derni res ann es, plus de drames que de success stories. En janvier 2012,

l'usine Bosch de V nissieux (Rh ne) commencera produire des panneaux

photovolta ques. En avril, la deuxi me ligne de montage sera mise en service

dans les locaux r nov s et flambant neufs o se fabriquaient, il y a peu, des

pompes Diesel.

En d cembre 2009, le site semblait promis une fermeture rapide. Il y a chapp

au prix d'une reconversion exigeante, pour laquelle se sont mobilis s,

pendant un an, les directions de l'usine (850 salari s) et de Bosch France (8

400 salari s), plusieurs dirigeants du groupe allemand (300 000 salari s),

l'ensemble des syndicats, un expert conomique (le cabinet Syndex) et des

intervenants ext rieurs, comme l'Agence de d veloppement conomique de la r

gion lyonnaise (Aderly) et les lus locaux.

Un cocktail in dit de bonnes volont s, d'intelligence des situations et de

dialogue social l'allemande dans une usine bien fran aise, avec une CFDT

majoritaire (56,3 % des voix) et une CGT en embuscade (28 %), a permis de

sauver l'usine et 400 emplois. Le fait que Bosch est une fondation pr serv e

des pressions d'actionnaires exigeant des retours sur investissement imm diats,

n'est pas pour rien non plus dans la capacit de l'industriel prendre des d

cisions de moyen et de long terme.

"TROUVER UN PRODUIT DE SUBSTITUTION"

Pour autant, tout n'a pas t simple. Le 3 d cembre 2009, Marc Soubitez, secr

taire CFDT du comit d'entreprise de l'usine, monte Paris pour rencontrer le

patron de Bosch France, Guy Maugis. Il se croyait pr par pour ce rendez-vous

discret au Train bleu, le restaurant de la Gare de Lyon. "Nous savions que la

principale pompe Diesel fabriqu e V nissieux n' tait plus aux normes et qu'il

faudrait lui trouver un produit de substitution. Mais je suis tomb des nues

lorsqu'on m'a dit qu'il n'y avait pas de solution et que Bosch allait aussi

fermer le site de Cardiff (850 salari s)", explique le syndicaliste.

V nissieux, toutefois, n'est pas n'importe quelle usine. C'est un des sites les

plus performants de la division Diesel et une usine qui a su s'adapter en 2004.

Ses salari s ont alors troqu , entre autres, leur accord 35 heures et trois ans

de mod ration salariale contre un investissement de 15 millions d'euros pour pr

server l'emploi.

Les deux piliers syndicaux, M. Soubitez et Serge Truscello pour la CGT,

trente-trois et trente-quatre ans d'anciennet , sont lus au comit

d'entreprise europ en et connus du directoire allemand. "Comme vice-pr sident

du comit d'entreprise europ en, M.Soubitez a souvent des informations avant la

direction", t moigne Marc Baeumlin, directeur technique de l'usine.

L' lu de la CFDT et le pr sident du directoire de Bosch, Franz Fehrenbach, se

connaissent et s'estiment. "A mon retour de Paris, j'aurais pu appeler la

mobilisation g n rale. Mais j' tais certain que Fehrenbach ne nous laisserait

pas tomber et que notre challenge, ce serait de r ussir maintenir le calme",

explique M. Soubitez.

De M. Fehrenbach, qu'il rencontre en janvier, M. Soubitez obtient un an de

sursis et la cr ation d'une commission de r industrialisation V nissieux.

Compos e des directions du site et de Bosch France, des d l gu s syndicaux

locaux et centraux de toutes les organisations sans exception, de dirigeants

allemands du groupe et d'experts ext rieurs, elle se r unira une fois par mois

pendant pr s d'un an. Sa mission : trouver une nouvelle fabrication ou un

partenaire ext rieur. Pendant cette redoutable ann e de transition, il n'y aura

pas un jour de gr ve.

Au printemps 2010, il est clair qu'il n'y a pas d'alternative dans la fili re

automobile. Pour marquer le coup, la CFDT organise un raid v lo jusqu'

Stuttgart, au si ge de Bosch, avec le soutien du syndicat allemand IG Metall.

La commission de r industrialisation poursuit ses travaux. Bosch France d

marche les pouvoirs publics.

La production effective de panneaux photovolta ques sur le site de V nissieux

(Rh ne) ne commencera qu'en janvier 2012. Bruno Amsellem/Signatures pour "Le

Monde"

Les syndicats, malgr des frictions, avancent ensemble et font la tourn e des

lus locaux et r gionaux, comme la maire communiste de V nissieux, Mich le

Picard, le d put communiste Andr Gerin dont M. Truscello avait dirig la

campagne aux municipales de mars 2001 ou le maire socialiste de Lyon, G rard

Collomb. "On est all frapper toutes les portes, mais on voulait d'abord une

solution Bosch", se souvient M. Truscello. "C'est une bonne bo te. Il n'y en a

pas beaucoup comme cela dans la r gion", confirme Patrick Leymarie, un autre d

l gu CGT.

25 MILLIONS D'EUROS POUR RECONVERTIR L'USINE

Pendant l' t , un projet de partenariat ext rieur sur une voiture hydrog ne

capote. En septembre, il n'y a toujours aucune perspective. "J'ai commenc

recevoir des lettres anonymes. On m'accusait de vendre du vent. Certains soirs,

je suis revenu sur les cha nes de montage pour discuter avec les gars", se

souvient M. Soubitez. "A l' poque, dit Alain Laurent (CFE-CGC), la ma trise a

eu beaucoup faire pour canaliser les nergies n gatives." La direction met en

place une cellule de soutien psychologique

La situation se d nouera un mois plus tard. Approch par Syndex, le patron de

la division nergie solaire, Holger von Hebel, se laisse convaincre de faire de

V nissieux la t te de pont du photovolta que en Europe du Sud et au Maghreb. D

but d cembre, le directoire de Bosch d cide d'investir 25 millions pour

reconvertir l'usine, soit quatre fois moins que ce qu'aurait co t , selon la

CGT, la fermeture du site.

Quatre-vingts personnes partent se former en Allemagne. Le site est sauv , au

moins moyen terme. Si, depuis 2009, 400 salari s sont partis avec des

indemnit s confortables et un accompagnement, 450 travaillent toujours V

nissieux. L'usine est en train de fusionner avec le site de Bosch Rexroth.

Dire de quoi demain sera fait n'est pas vident pour autant. En Europe, les

principaux investissements de Bosch sont davantage dans les Pouilles italiennes

et en R publique tch que qu'en France. "Et 2012 sera une mauvaise ann e pour le

solaire", s'inqui te la CGT. La CFDT r ve de d crocher la fabrication de la

future pompe hybride hydraulique test e chez un constructeur fran ais. "Mais

rien n'est d cid ", r pond M. Baeumlin.

Seule certitude : les salari s de V nissieux ont un sort plus enviable que ceux

de l'usine Photowatt de Bourgoin-Jallieu (Is re), quelques kilom tres, en

cours de liquidation.

Claire Gu laud

Article paru dans l' dition du 21.12.11