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La r forme de Wall Street, "une avanc e consid rable pour piloter les risques

2010-09-07 07:35:52

rlp

LEMONDE.FR | 06.09.10 | 14h46 Mis jour le 06.09.10 | 15h32

Cette semaine, Le Monde.fr d crypte les grands mouvements de r gulation

conomique et financi re men s pendant l' t , en interrogeant des conomistes sp

cialistes du sujet. Premier volet : la r forme de Wall Street avec Michel

Aglietta, conomiste au Centre d' tudes prospectives et d'informations

internationales.

Le 21 juillet 2010, Barack Obama signait une loi de r gulation financi re

prement n goci e : les r gulateurs de la Fed sont aujourd'hui pied d' uvre

pour laborer le d tail des nouvelles r gles. Dans les banques, certains

changements ont d j t amorc s. Retour sur les points les plus importants de

la r forme, les tapes qui restent franchir et le nouveau rapport de forces

qu'elle ent rine.

Quels sont les grands acquis de la loi sign e en juillet par Barack Obama ?

Michel Aglietta : De mani re g n rale, l'id e de cette r solution est d' viter

que les autorit s et les r gulateurs ne soient pris en otages par les banques,

en cas de crise. Autrement dit, que les banques puissent faire faillite sans

que le syst me dans son ensemble soit menac de destruction. Le premier volet a

t de d cider des activit s qui ne pourraient plus tre des activit s

bancaires. Ensuite, de prendre des dispositions qui fassent porter le co t de r

solution d'une crise par les cr anciers des banques, plut t que par les

contribuables, notamment en obligeant les actionnaires faire des apports en

capital lorsqu'on voit que la situation financi re de la banque se d grade

fortement. Enfin, la loi obligera les banques pr senter elles-m mes et

l'avance des plans de d mant lement : ce sont les "leaving will", sortes de

testaments. On s'est en effet aper u que les activit s taient tellement

inextricables qu elles taient tr s difficiles s parer dans un temps court,

en situation de r solution bancaire.

Quelles concessions importantes ont t faites entre les premi res propositions

et la version approuv e par le S nat ?

La r gle Volcker introduit l'id e que les activit s dites de trading sur fonds

propres soient s par es des activit de banque de d p t et de banque d'affaire.

Une solution aurait pu tre de revenir l'ancien, le Glass-Steagall Act mis en

place en 1933, qui tait une s paration radicale de la banque d'investissement

et de la banque commerciale [les dispositions concern es ont t abrog es en

1999]. Mais dans un contexte d'int gration internationale, le lobby bancaire a

soulev la question de la concurrence, les grandes banques europ ennes tant

des banques universelles. Cette option a t tr s vite cart e. Par ailleurs,

la s natrice Blanche Lincoln d fendait une proposition visant carter toutes

les activit s sur produits d riv s, ce qui tait beaucoup plus radical. Cela

n'a pas t fait. En revanche, il a t d cid de rendre le march des d riv s

beaucoup plus "polic ", plus surveill . Les r glements devront s'y faire de

mani re centralis e, en r duisant le risque par des m canismes de compensation.

Il y a donc un r el progr s en termes de r gulation ?

Oui. Sur les produits d riv s, les diff rentes banques, au lieu de faire des

transactions en cha ne les unes sur les autres, n'ont comme contrepartie que la

chambre, qui demande un calcul des positions chaque jour, des garanties la

hauteur des risques pris C'est un cadre qui r duit consid rablement les cumuls

de prises de risques qui ont lieu dans les march s de gr gr . La r gle

Volcker, elle, essaie de s parer certaines activit s dont les exc s sont

apparus dans cette crise, en les faisant effectuer par des filiales s par es,

capitalis es de mani re ind pendante. Mais il faut noter que pour une autre

crise, le d clencheur pourrait venir d'autres activit s.

Le pouvoir des autorit s de r gulation am ricaines sur le secteur bancaire

sort-il renforc de ce processus ?

Sur ce plan, le volet concernant le risque syst mique est un point tr s

important, et tout fait nouveau. Il est la cons quence d'un examen de ce qui

s'est pass pendant la crise. On consid rait, avant la crise, que le risque

syst mique avait t d pass parce que les march s taient devenus sophistiqu

s, capables de se r guler eux-m mes.

La r forme tablit une responsabilit nouvelle de la banque centrale : la

stabilit du syst me dans son ensemble. Un conseil de surveillance de la

stabilit financi re, pr sid par le secr taire d'Etat au Tr sor, a t cr .

Il a pour objectif d'alerter sur le risque syst mique et de tenter de l'

touffer avant qu'il ne devienne incontr lable, en tablissant une surveillance

renforc e sur les institutions qui sont "syst miquement importantes". Sont

concern es toutes les institutions financi res qui ont une surface suffisante

pour que leurs difficult s puissent avoir des r percussions sur les autres l

ments du syst me : cela inclut toutes les banques d'investissement et un

certain nombre de hedge funds importants.

La loi met sous le contr le de cette entit des tablissements qui chappaient

tout contr le. Ils vont devoir r pondre de leurs activit s de mani re

beaucoup plus importante qu'autrefois. Des stress tests pourront tre conduits,

non pas a posteriori, comme ceux de 2009, mais d s que les indicateurs montrent

une alerte. Suivant les r sultats, les tablissements pourront tre oblig s

renforcer leur situation financi re. C'est dans la loi. C'est une avanc e

consid rable dans la capacit piloter les risques globaux.

Ceux qui jugeaient que la r forme n'allait pas assez loin parlent pourtant de

"victoire du lobby bancaire" et critiquent l'influence laquelle pourrait tre

soumise la Fed au moment de d finir les r gles de mise en uvre

Tout le processus de r gulation se fait dans un jeu de pouvoir. L'argument des

banques qui consiste dire que "le co t de ces mesures est trop important et

nuira l'offre de cr dit" est un peu sp cieux car il ne prend videmment en

compte qu'un seul c t de la m daille. Bien s r, cela coute plus aux banques

sur le plan individuel. Mais sur le cr dit, l'objectif est justement qu'elles

pr tent moins dans des situations o le cr dit d rape. Pour les grands d

tenteurs d' pargne, une r gulation de ce type cr e une moins grande aversion

pour le risque ; ces entit s pourraient donc accepter de pr ter de l'argent

pour des dur es plus longues, ce qui peut compenser. Autrement dit, sur ce

plan, c'est une r gulation qui donne moins de poids aux banques et plus

d'autres entit s.

Quant la Fed, elle est sur tous les fronts, mais elle n'est tout de m me pas

la main des banques. Il y a eu un d bat pour savoir d'o la r gulation devait

se faire. La Fed est en relation avec les banques au quotidien : cela peut bien

s r g n rer des liens, voire des conflits d'int r ts. Mais d'un autre c t , la

connaissance d taill e des pratiques est un point important. En outre, elle

agit maintenant sur toutes les questions de cr dit sous le contr le d'une

agence de protection des consommateurs.

La mise en uvre du changement a-t-elle d j commenc au sein des banques ?

Il y a des mesures qu'elles doivent mettre en uvre tr s rapidement : la s

paration des activit s de type hedge fund par exemple. D'autres attendent des r

gles techniques pr cises, en particulier sur les plans de d mant lement

bancaire. Les autorit s de r gulation doivent se mettre d'accord et noncer les

r gles d taill es. Les d partements de supervision de la Fed y travaillent

actuellement. En 1933, il a fallu deux ans pour que les r formes d cid es

deviennent op rationnelles

Propos recueillis par Marion Solletty