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Le petit homme aux cheveux gris lisait le parchemin dĂ©sabusĂ© de ses mains nues, le temps passait le poussait sans mĂ©nagement vers la longue et sombre descente, par la fenĂȘtre ouverte une radio chantait « Oooh Anne-Sophie », il y avait comme toujours ce qui se chante et ce qui se murmure, le petit homme sentait bien que tel jour Ă tel endroit il avait pris telle mauvaise direction, il se pouvait mĂȘme que le monde tout entier se fĂ»t trompĂ© de route, en vĂ©ritĂ© il en Ă©tait certain pour la bonne raison quâil y avait depuis longtemps plus de murmure que de chant, ce fut peut-ĂȘtre cet amer constat qui incita le petit homme Ă se lever pour fermer la fenĂȘtre, il Ă©tait temps de tout fermer de se fermer de sâenfermer mais soudain la porte sâouvrit, un chant prĂ©cieux sâĂ©leva qui couvrit le son de la radio couvrit le murmure ou plutĂŽt lâentraĂźna Ă sa suite, la petite femme entra prit les mains du petit homme et lui dit « viens refaisons le monde », elle chuchota quelque chose Ă lâoreille du temps qui passait encore un peu et le temps fut renversĂ©.
La nuit apollinienne nâest pas la nuit. Le jour apollinien nâest pas non plus le jour. Il ne faut pas se fier Ă ce que lisent les yeux. Il ne faut se fier quâau grondement du dĂ©sir, cascade et fracas et vapeur et quand le dĂ©sir fait lâaverse, il faut se tenir debout juste dessous pour nâen rien perdre.
VoilĂ et je voudrais oui je voudrais vraiment que tout me vienne de toi, que tes nuits et tes jours qui ne sont ni des nuits ni des jours emplissent tout lâespace de mes bras ouverts, que tu retombes en pluie sur toutes les pages Ă venir.
Parce quâau fond je ne veux me fier quâĂ toi, de nuit comme de jour me fier Ă toi seule, câest-Ă -dire au dĂ©sir tout entier.
Debout sur la chaise je te vois debout sur la chaise câest ainsi que je te vois debout sur la chaise et
tu ne vas pas tomber il nây a pas de raison pour que tu tombes aucune raison qui puisse tâamener Ă tomber sauf
si je mâen mĂȘle sauf si je mâemmĂȘle ou tâemmĂšne ou tâemmĂȘle ou tâentraĂźne sauf si je suis mal entraĂźnĂ© pour
te tenir te retenir tâempĂȘcher de tomber car toutes les raisons sont rĂ©unies pour que tu tombes et câest lĂ que tu tombes câest lĂ
que presque tombée quelque chose te retient ce sont mes mains qui te retiennent je te retiens je suis mal entraßné pour
te retenir mais Ă cet instant tout mon ĂȘtre est concentrĂ© dans mes deux mains et je jure que tu ne tomberas pas dâailleurs
voilĂ que tu ris voilĂ que tu dis jâai failli tomber tu ne dis pas que jâai failli ne pas te retenir tu ris tu ne dis rien tu ne dis pas je tâaime et
pourtant tout ton ĂȘtre debout sur la chaise tout ton ĂȘtre est concentrĂ© dans les deux mains du verbe aimer câest
ainsi que je te vois et nous nâallons jamais tomber
La rue est une mĂšre anxieuse et toi tu cours sur le trottoir
tu cours tu cours Ă ma rencontre tu tâenvoles presque
ce sera la premiĂšre fois ce sera la suivante et toutes les suivantes
toute une rue toute une mĂšre toute lâangoisse du monde
soudain tout oubliée tes bras noués ma gorge serrée
tout droit debout dans ce qui ne peut plus ĂȘtre une rue
qui ne peut plus nous contenir ni cette fois ni les prochaines
Lâhiver que nous respirons est le plus chaud de tous les temps
le ciel tendu de toi Ă moi fourmille dâĂ©clats de voix
et ça tourbillonne ça fait tourner les tĂȘtes
nous dansons jusquâĂ la pluie jusquâĂ la dĂ©chirure
il sera temps demain de recoudre nos Ăąmes
pour lâheure lâabĂźme nous sied
lâhiver se chauffe Ă nos deux fois trente-sept degrĂ©s centigrades
Je ne tâai pas connue sur le pont Mirabeau
je nâaime pas les ponts je nâaime pas les failles quâil faut enjamber
je tâai connue sans faille rien ne nous sĂ©parait
ni lâaccident des Ăąges ni les croyances somnifĂšres
nous Ă©tions oui câest cela nous Ă©tions unanimes
nous nous serions connus Ă tout autre moment
en tout lieu en tout temps nous nous serions toujours connus
qui pouvait nous en empĂȘcher
Je dis bonjour madame
à la petite fille juchée sur des échasses
je dis comme elle est grande et lâĂ©tĂ© applaudit
il y a trop de lune
dans ce fragment de ciel
mais cela nous suffit
le repas sera long mais nous avons toutes nos vies
toutes pliées devant nous toutes multipliées
et lorsque le chemin sâavance
nous le prenons Ă notre bord
pour lâemporter au-delĂ de nous-mĂȘmes
jusquâĂ la marelle Ă©tourdie
qui nous verra grandir bonjour monsieur bonjour madame
il y a sur ce nuage plus dâenfants quâil nâen saurait porter
cela devrait nous suffire
Jette tout jette les mots
jâai retrouvĂ© les Ă©toiles
il ne faisait pas si chaud
au hasard sur le papier
sur le ciel de la maison
au cĆur de cet hiver-lĂ
quâils se cherchent dâautres sens
jâai juste levĂ© les yeux
mais nos ruisseaux réunis
quâils dĂ©neigent dâautres traces
et je les ai retrouvées
plus tenaces que le gel
et dâun simple tremblement
elles se réinventaient
brĂ»laient dâun mĂȘme dĂ©sir
de tes lÚvres éveillées
je les ai toutes comptées
et ce nâĂ©tait plus lâhiver
que la parole sâanime
puis jâai repliĂ© le ciel
ce nâĂ©tait que toi et moi
mot Ă mot entre les lignes
et jâai rangĂ© la maison
sous les draps dâun temps nouveau
Le chemin se cabre
nous tombons enfin
cascade et fracas et vapeur
tombés en tombés de tombés sur
ensemble fragmentĂ©s recomposĂ©s tout emmĂȘlĂ©s
nous voilà de nouveau tout nouveaux renouvelés
jetons tout jetons les mots
viens refaisons le monde
vieux monde vieux silence tapi dans sa peur
viens je dis viens je dis refaisons le monde
maintenant
Du vent de lâeau du sang des rĂȘves
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
le temps mâappartient le temps se dĂ©robe
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
je nâai peur de rien lâeffroi me saisit
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
je reviens de loin je nâai pas bougĂ©
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
je suis un enfant jâai deux cent mille ans
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
il faut changer le monde il faut rompre les digues
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
balayer le vieux monde enchanter lâavenir
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
nous sommes des enfants le temps nous appartient
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
nous revenons de loin nous nâavons peur de rien
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
balayons lâeffroi enchantons la peur
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
dérobons le temps revenons de tout
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
enfants du vieux monde enfants immobiles
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
balayons les digues allons de lâavant
des chants des cris du temps des flammes
du vent de lâeau du sang des rĂȘves
Aimez nâaimez pas
dansez ne dansez pas
espĂ©rez nâespĂ©rez plus
nos voix entrelacées ont brisé les barreaux de la cage
alors aimez aimez ne perdez plus de temps
alors tombez tombons dans ce puits dâespĂ©rance
alors griffons griffez la joue des mauvais jours
le chant de notre amour est entré dans la danse
vous nous reconnaĂźtrez dans la poussiĂšre du matin
dans le désordre des étoiles au parchemin des nuits
vous nous reconnaĂźtrez et nous vous rejoindrons
alors aimez dansez luttez alors créez
ââââââââââââââââââââââââââââââââ