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Shanshui (à propos d'une lecture)

Un vers venu de Chine

Comme indiqué dans

/bibliothèques/juin.gmi

je lis le livre de Yolaine Escande. Au détour de la page 156, une photographie d'une sorte de kiosque ou porche, tel qu'en ont construit les Chinois sur les parcours de leurs sites réputés. Sur les piliers de cette architecture sont écrits des vers ou des phrases. L'une est donnée translittérée. Une autre n'est pas donnée du tout. Une troisième, un peu coincée dans la reliure, est donnée dans sa traduction française.

Elle dit :

arrivé ici, c'est enfin que l'on avance d'un pas.

J'ai immédiatement demandé à l'auteur la translittération de cette phrase.

Yolaine Escande a bien voulu me répondre, qu'elle en soit remerciée. Voici donc ce qui est écrit (translittération puis chinois - le haut et bas ici gauche et droite)

Dao ci chu cai jin yibu 到此處才進一步

Que j'entends :

Atteint ce point un pas de fait seulement

La phrase écrite chinoise laisse ouverte la signification. Le français imposerait de réduire les vibrations, de fermer les volets à ce trop de lumière. Doit-on penser qu'une fois atteint cet endroit, on peut aller un pas plus loin? où que, de parvenir à cet endroit, c'est alors que l'on a fait un pas, mais qu'il ne faut pas s'en glorifier parce que l'on n'en a lamais fait qu'un seul ? Je pense, pour ma part, que c'est le sujet qui peut en décider. L'un dira qu'arrivé là, il va pouvoir marcher.Un autre estimera s'être avancé d'un pas puisqu'il est là. Ce sont expériences de randonneurs. Celui-ci dit que sa randonnée commence une fois arrivé à tel col. Cet autre, arrivé au col, estime avoir entamé sa randonnée.

En cherchant, on trouve aisément. Ces phrases sont écrites désormais sur la toile chinoise. Peut-être, telles les morales de notre fabuliste national, sont-elles passées au statut de proverbe ou de pont-aux ânes.

到此处才进一步；

原请君毋废半途。

Atteint ce point, vous n’avez encore fait qu’un pas.

Puissiez-vous ne pas abandonner ce chemin à mi-parcours.

La seconde partie est écrite sur un autre pilier. On entend bien là ce que l'on entendrait en français, phrase venue tout droit du discourcourant, mais anoblie de son extraction et inscription, prenant valeur de pensée profonde et de sagesse confucéenne ou taoïste. Cependant, à la Chine, cette phrase a peut-être été écrite par un lettré, puis lue et répétée, comme la morale des fables de La Fontaine cité plus haut. La lecture du Zhuangzi permet de vérifier que les plus doués des poètes chinois savaient conserver la saveur populaire de leur langue, à la façon chez nous d'un Rutebeuf, d'un Rabelais, et même d'un Malherbe. Cependant, toujours dans le Zhuangzi, il y a des passages rigoureusement alambiqués... Sans doute y a-t-il des inscriptions sur pierre, pilier ou falaise, de ce type.

/gemlog/