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Médias sociaux

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Aujourd'hui j'ai discuté avec jan6, un membre de tilde.team. On a échangé au sujet des médias sociaux et j'en tire les conclusions suivantes :

1. Il est absurde de décrire un média comme "ce qui médiatise", c'est-à-dire "ce qui met en relation". De ce point de vue, le nom chinois "王" (Wang), signifiant "roi", symboliserait un média : le roi (trait horizontal du milieu) mettrait en relation (trait vertical) la terre et le ciel (traits horizontaux du bas et du haut). Peut-être est-ce un biais de confirmation, une élégante structure quasiment fonctionnaliste et donc plus riche dans un "royaume de catégories réifiées" (Hybels 1995) qu'en pratique.

2. De même, définir un média social comme ce qui permet cognitivement la manipulation de ressources objectives ferait une belle thèse à Harvard (on dirait l'AGIL de Parsons), mais je pense réussir à prioriser mes valeurs scientifiques sur mon conditionnement à l'ascension sociale.

3. Selon jan6, un média soit quelque chose qui transmet des informations. Je pense qu'au lieu d'argumenter sur une unique définition, on peut donner une polysémie à ce terme : à la fois transmettre des informations, et à la fois de manière plus restrictive une organisation de professionnel·les, de développeur·euses, de journalistes, de graphistes, etc. (Je pense par exemple au site du New York Times, qui investit des ressources dans l'interactivité de son site web.) (Plus pratiquement, selon le Wiktionary, un média est un contenu, comme un tweet ou une image. Cette définition, nécessaire, me déplaît car elle me paraît lui donner une connotation statique et objective.)

4. Parler de "média social de masse" n'est pas plus logique que d'interroger la nature par exemple de Facebook : un produit destiné à des investisseurs, dont les utilisateuxices font autant partie que son code ou ses fonctionnalités. Ce qui serait vendu, ce serait l'interaction entre des utilisateuxices et des fonctionnalités (dont des publicités).

5. Je reste sur l'idée suivante, critiquée par jan6 : dans « Les Métamorphoses de la question sociale » (1995), Robert Castel montre le rôle de la sociabilité primaire, des relations d'interdépendance, de famille et de voisinage, pour protéger les individus de désaffiliation. La peste noire entraîne une chute démographique qui détruit les anciens liens d'interdépendance et nécessite des politiques sociales de la part de l'État, avant tout pour continuer à protéger ses membres de désaffiliation. L'absence de protection sociale après la peste noire a entraîné une mobilité sociale contrainte, un exode rural et un abandon des terres (car les paysan·nes ne pouvaient plus y survivre). Aux États-Unis, la protection des individus de la désaffiliation ne fait pas l'objet de politiques sociales, comme en France, similaires au salaire secondaire (chômage, retraites), à la sécurité sociale, ou au RSA. La protection sociale y est donc un marché comme un autre, et les médias sociaux américains s'inscrivent dans ce contexte où l'État n'intervient pas ou peu pour la protection sociale, paradoxalement surtout des plus vulnérables. Alors que l'État devrait protéger les individus de désaffiliation en développant la sociabilité primaire ou en remplissant son rôle (concernant particulièrement la culture), aux États-Unis et par extension en France, il laisse ce rôle à des entreprises comme Facebook, qui maltraitent cette démographie vulnérable pour satisfaire ses investisseurs.

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