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TĂȘbe

2020-05-10 21:58:46

by Phie

"Je suis lĂ ."

L'idĂ©e de me taper violemment la tĂȘte contre les murs me traverse souvent l'esprit, pour que la douleur rĂ©el, maĂźtrisable et rassurante remplace celle de mes nerfs qui s'affolent de ne rien ressentir.

Ce couteau froid, ce pic de glace sur ma tĂȘte pĂ©nĂštre ma chair, sans cesse, sans jamais la traverser. Je veux me fondre dans quelques substance lĂ©gales, me donner l'impression pour un soir de ne pas avoir la charge de mes maux. LĂ , c'est Ă  ce flacon posĂ© sur ma table de nuit de gĂ©rer ma douleur. Mon rĂ©confort tient dans ce liquide bleu que je dilue goutte aprĂšs goutte dans un verre d'eau. Je ne l'ai pas portĂ© Ă  ma bouche que j'en ressens dĂ©jĂ  les effets. Mes muscles s'apaisent Ă  l'idĂ©e de s'apaiser, et je respire. Pleinement. Mes Ă©paules s'affaissent et j'ai soudain envie de m'Ă©tirer.

"C'est un démon. Il a jeté son dévolu sur toi, il te cherche, il y a en toi, une brÚche, il s'est engouffré, à travers ton vice. Regarde-toi."

Qui es-tu pour prĂ©tendre connaĂźtre TĂȘbe ? Une brĂšche, une faille ? TĂȘbe ne sonne pas aux portes, TĂȘbe s'installe, prend ses aises, ne paie pas le loyer met son bazar et son vacarme.

Et, changĂ©, chamboulĂ©, je n'entends plus. Je ne vois plus. Chaque sens se rĂ©uni en un point unique, lancinant, pulsatile, Ă  chaque pensĂ©e qui s'Ă©gare, TĂȘbe se rappelle Ă  elle.

"Je suis lĂ ."

VoilĂ  la fatigue et mes yeux se ferment, le mĂ©dicament fait son effet. Il ne me soigne pas mais me fait oublier, me fait doucement plonger vers les sensations fictives des rĂȘves. TantĂŽt douces, tantĂŽt violentes.TĂȘbe me quitte un peu.

Mes yeux se rouvrent, et

"Je suis lĂ ."

Je sais que tu es lĂ , chaque seconde, je n'oublie pas.

Mes paupiĂšres tombent Ă  nouveau. J'entendais des voix, et puis je vois. La vie prend forme face Ă  moi, c'est ma mĂšre ? L'image est trouble. Je ne sais pas, non, une autre femme. La nuit se matĂ©rialise, elle fait d'une pensĂ©e une substance. Ce que j'entends dans ma tĂȘte passe Ă  mes oreilles, les images deviennent nettes et TĂȘbe s'efface, j'entre dans la dimension du rĂȘve, aussi ennuyante que celle du quotidien, sauf que TĂȘbe n'est jamais lĂ .Cinq annĂ©es de vie partagĂ©e, mais jamais un seul rĂȘve qui l'Ă©voque.

TĂȘbe est mon cauchemar que j'oublie chaque nuit quand je m'Ă©veille enfin.