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Les entreprises des pays mergents sont les plus rentables

2008-05-20 06:13:44

LE MONDE | 19.05.08 | 15h06 Mis jour le 19.05.08 | 17h23

Les grandes entreprises des pays mergents ayant atteint une taille suffisante

pour menacer leurs concurrents des pays d velopp s ne sont plus des cas isol s.

Selon l' tude "Mondialisation 2.0, pays mergents, entreprises merg es", publi

e lundi 19 mai par Ernst & Young, elles repr sentaient, en d cembre 2007, 19 %

de la capitalisation boursi re cumul e des mille premi res entreprises

mondiales. Ce taux n' tait que de 5 % en 2000. Le nombre de ces firmes figurant

au palmar s est pass de 100 221 dans le m me laps de temps. Au sommet de la

pyramide, huit groupes issus des pays mergents figurent d sormais parmi les 20

premi res capitalisations mondiales.

Les BRIC - Br sil, Russie, Inde et Chine - concentrent plus de la moiti de ces

nouveaux champions : 53 % des entreprises mergentes en nombre et 68 % en

valeur en sont issues.

Le secteur de l' nergie a t l'un des premiers tre conquis par ces nouveaux

acteurs, soulignait d j , il y a un an, une tude de la banque am ricaine

Goldman Sachs. Mais le ph nom ne n'est plus limit aux firmes publiques (ou

l'ayant t ) qui exploitent les richesses du sous-sol. "Dans tous les secteurs,

il existe d sormais des acteurs importants dans les pays en d veloppement", pr

cise Alexis Karklins, associ en charge du d partement valuation d'Ernst &

Young.

Leur tr s forte croissance ne s'est pas faite au d triment de la rentabilit ,

comme cela est parfois le cas, quand les firmes sacrifient leurs r sultats pour

financer leurs investissements. Bien au contraire. Les auteurs de l' tude

d'Ernst & Young ont analys les ratios boursiers et financiers d'un chantillon

de 32 entreprises figurant parmi les 221 du palmar s global. Ces firmes ont t

s lectionn es de fa on panacher les origines g ographiques, les secteurs

d'activit , ainsi que leur exposition internationale. Certaines sont ainsi des

championnes sur leur march domestique mais peu connues l'international ;

d'autres sont d j des multinationales. Les r sultats de ces firmes issues de

pays mergents ont t compar s ceux de 66 entreprises europ ennes,

japonaises ou am ricaines concurrentes.

Globalement, le taux de croissance annuel moyen de leur chiffre d'affaires sur

cinq ans, de 2002 2006, est 2,9 fois sup rieur celui des firmes des pays d

velopp s. Leur taux de marge op rationnelle 2006 est de 25 %, contre 14 % pour

les pays d velopp s. L' cart est presque le m me pour le taux de marge nette

(16 % contre 8 %). Ces r sultats, et le potentiel qu'ils repr sentent, sont

salu s par la Bourse. La progression des cours des entreprises des pays

mergents, du 31 d cembre 2006 au 31 d cembre 2007, est en moyenne 2,5 fois sup

rieure (et 2,2 fois sup rieure sur 5 ans) celle des pays d velopp s.

Les entreprises domestiques, qui n'ont pas encore cherch s'implanter en

dehors de leurs fronti res, tels l'op rateur de t l phonie mobile chinois China

Mobile, ou le brasseur mexicain Grupo Modelo (producteur de la bi re Corona),

connaissent des taux de croissance ou de rentabilit encore sup rieurs ceux

de l'ensemble de l' chantillon.

Pour se d velopper l'international, ces nouveaux g ants aux reins financiers

solides pourront proc der par acquisitions : "A nous de rendre notre territoire

attractif", conseille M. Karklins, qui souligne, par ailleurs, que le tableau

n'est pas forc ment sombre. Car ces nouveaux concurrents participent l'am

lioration du niveau de vie de leurs salari s. Et donc l'ouverture de nouveaux

march s pour toutes les multinationales. Et les fran aises en particulier,

puisque "la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre

d'entreprises du classement Fortune 500", ajoute M. Karklins.

Pour rester dans la course, les dirigeants de ces firmes pourront s'inspirer du

livre Globality : Competing with Everyone from Everywhere for Everything

("Mondialisation : tre en concurrence avec chacun, d'o qu'il soit et sur

n'importe quoi"), de Harold Sirkin, James Hemerling et Arindam Bhattacharya

(ed. Business Plus, 26,99 dollars, 285 p.), para tre en juin. Les auteurs,

consultants du cabinet de strat gie Boston Consulting Group (BCG), avaient d j

recens les 100 multinationales issues des mergents en train de bousculer

l'ordre mondial (Le Monde du 5 d cembre 2007).

Dans Globality, ils d crivent les d fis que toutes les entreprises du monde

devront relever : celui des co ts bien s r, mais aussi des ressources humaines,

du marketing, en ne se contentant plus d' cr mer une frange de client le mais

en agissant "en profondeur", de la mobilit et de la rapidit d'action, et bien

entendu de l'innovation, en n'h sitant pas chercher les bonnes id es ailleurs

qu' l'int rieur de l'entreprise. "Les dirigeants des firmes des pays mergents

n'ont souvent pas beaucoup d'argent investir en recherche et d veloppement.

Ils sont donc tr s pragmatiques, tr s ouverts, envoient leur personnel

l'universit si n cessaire, proc dent des acquisitions sur d'autres

continents. Tout le monde peut jouer le jeu", commentait r cemment M.

Hemerling. Un jeu qu'il qualifie aussi de "tsunami" et dont on ne sort donc pas

toujours vivant.

Annie Kahn

Article paru dans l' dition du 20.05.08.