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Message # 1 − Après l'absence

Le plasticien et activiste allemand Gustav Metzger qui nous a quittés en 2017, théoricien de l’art autodestructif, a toujours refusé de vendre ses œuvres et, de 1977 à 1980, il entame même une « grève de l’art » où il se refuse à produire quoi que ce soit pendant 3 ans.

L’utilisation de l’art pour le changement social est minée par l’étroite intégration de l’art dans la société - Gustav Metzger

Il y a bien plus de présence dans l'absence et de beauté dans l'achèvement.

Après une carrière et une reconnaissance artistique aussi inattendue que conséquente, ce qui est intéressant et qui pour moi est primordial aujourd’hui, c’est de reconfigurer la façon dont je fais de l’art, pourquoi je le fais, pourquoi je m’abstiens de le faire et surtout, comment il peut fonctionner socialement. Je ne suis plus intéressé par les clients, les galeries et le succès, ni même par les spectateurs. Le lien étroit entre l’art et le mode de production capitaliste, la marchandisation des œuvres et la spéculation ont eu raison de toutes mes aspirations, de mon inspiration et de toutes mes illusions. La réussite fut pour moi une prison, elle a gangrené ma passion.

Après un voyage initiatique en Inde, j’ai décidé de réagir, de lever le pied et peu à peu, par paliers, poussant le processus à son paroxysme, j’ai entamé ma propre grève de l’art.

La vente de mes oeuvres a toujours été un acte compliqué pour moi (ce qui explique sa rareté), non pas que je sois sentimental ou matérialiste – je n’attache aucune importance à la préservation de ma « production », cela relève plus de l’engagement, du sens que je souhaite donner à mon travail, de ma liberté de créer et du refus de prendre part à la « machinerie publicitaire du monde de l’art » chère à Gustav Metzger.

Production, justement ! Produire ! Produire et non créer ! Voilà mon problème avec le monde de l’art : réduire l’œuvre à un bien consommable.

Le refus du travail est l’arme principale des travailleurs s’opposant au système ; les artistes peuvent utiliser cette même arme - Gustav Metzger

Pendant cette absence volontaire, j’ai renoué avec ma passion pour la littérature et l’écriture. Je me suis attelé à la rédaction d’un roman, écris des poèmes, des articles et quelques pamphlets. J’ai supprimé mes réseaux sociaux, purgé mon site web et réarrangé mon atelier.

Depuis ce changement radical, mes œuvres se sont raréfiées et sont souvent distribuées gratuitement au public par le biais de processus non marchands.

Je pense qu’il est temps de déserter l’art immobile et complice, de créer de nouveaux modèles économiques qui permettraient de s'extraire du système de glorification compétitive qui s'impose aujourd'hui comme le seul horizon imposé aux artistes. Le dépassement du soi en faveur du collectif pour proposer des créations non spéculatives dont le seul but est d'enrichir le bien commun. Il est temps de déconstruire la sacralisation de l'artiste et de l'œuvre d’art.

Ma présence en ligne se cantonne aujourd'hui à mon site personnel et à un compte sur le réseau décentralisé Mastodon.

J’ai retrouvé dans l’écriture une nouvelle liberté, un champ des possibles et la légèreté de celui qui n’a plus d’autre ambition que celle du partage.