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2009-03-10 15:28:26
Fran ois de Bernard pr sident du Germ (Groupe d' tudes et de recherches sur les
mondialisations).
Le piratage num rique est une probl matique r sistant aux simplismes qui pr
tendent la r duire cela : une nouvelle forme de piraterie, immorale,
dangereuse pour l' conomie, la cr ation et l' conomie de la cr ation . Quant
au projet de loi Cr ation et Internet (1), c'est une mauvaise r ponse une
question de fond que politiques et industriels s'obstinent mal traiter depuis
une d cennie. Nous voici donc la veille d'une autre loi pour rien, qui ne r
glera aucun probl me (surtout pas celui des profits d clinants des majors), qui
ne fera qu'exacerber les conflits entre soci t civile et diffuseurs, et qui p
nalisera autant les auteurs que leurs publics en laissant de c t l'essentiel :
une ducation critique et responsable aux nouveaux moyens et usages num riques.
De fait, le changement de paysage d l' conomie num rique est de nature
anthropologique et sociologique, bien plus que technologique et conomique.
C'est le sens m me de la cr ation, de l'acc s aux savoirs et aux cultures qui
se trouve d mat rialis et modifi en profondeur. Or, ce qui a t labor en r
ponse sur les plans juridique et politique l'a t sur le postulat d'une
mutation seulement techno- conomique. Le r sultat en est une inad quation inqui
tante entre, d'un c t , les conceptions et les usages sociaux, d'un autre c t
, la gestion des contentieux li s.
Le premier cueil auquel nous sommes confront s est de stigmatiser le piratage
et les pirates en leur attribuant la responsabilit de l'effondrement du march
du disque (par exemple extensible d'autres secteurs). En r alit , les
ressorts de la crise d j ancienne des industries ditoriales et
informationnelles sont aussi multiples que ceux de la crise financi re
actuelle. Ils engagent une responsabilit beaucoup plus tendue que celle de
citoyens internautes ne se conformant pas aux r gles fluctuantes dict es par
des pouvoirs publics peu coh rents, des acteurs industriels en manque
d'imagination et des syndicats professionnels aussi perplexes que leurs
positions sont divergentes.
Le deuxi me cueil est de persister analyser les probl matiques concern es et
y laborer des r ponses politiques et juridiques dans un cercle tr s
restreint de d cideurs. En effet, cette pratique consanguine n'est pas
seulement critiquable d'un point de vue d mocratique : elle est aussi
contre-productive. Car elle ne peut que nourrir plus d'opposition, plus de
contestation, plus de transgression, bref : plus de piratage. Or, le prix
collectif de cette privatisation du d bat est consid rable et ne va cesser de
s'alourdir.
Le troisi me cueil, qui rel ve d'une faute d'analyse et de m thode, consiste
plaquer du droit normatif nouveau sur une configuration aussi volutive et
instable. Soulignons cet gard que face la crise financi re, on s'est au
moins dispens de mettre en place un nouvel arsenal juridique pr tendant r
pondre son d fi multiforme. On s'est limit des mesures plastiques, r
silientes, cens es permettre de surmonter cette crise, dans l'attente de l'
valuer sur le fond et de pr parer des dispositifs de moyen et long terme visant
viter la r apparition future de crises semblables.
Mais que faire pour triompher de pareils cueils ? Il est en premier lieu
indispensable de surseoir au vote du projet de loi Hadopi au motif de ses
insuffisances notoires, de son caract re unilat ralement r pressif, ainsi que
des obstacles suppl mentaires qu'il ne peut qu'engendrer une r solution
durable des probl mes qu'il est cens traiter.
Il appara t ensuite souhaitable d'organiser une consultation nationale des
artistes, acteurs ducatifs, sociaux, culturels et de la recherche sur la
question des Nouveaux moyens et usages num riques dans les domaines de la cr
ation, des savoirs et des informations . En effet, l' tat des lieux, les
diagnostics disponibles sont loin d' tre satisfaisants, tant les groupes d'int
r ts priv s les ont obscurcis. Cette consultation, qui r clame temps et r
flexion, devrait se conclure par des Etats g n raux des pratiques num riques,
associant aux protagonistes de la premi re phase les responsables politiques et
conomiques concern s.
Enfin, sur la base des r sultats de ces travaux, on pourrait alors reprendre le
d bat politique en s'int ressant celui men par les autres pays de l'Union
europ enne et le Parlement europ en. On prendrait galement soin de consulter
l'Unesco, l'Ompi, ainsi que les repr sentations qualifi es de tous les pays
engag s dans des d marches analogues. On ne proc derait ainsi la refonte du
projet de loi actuel qu'apr s qu'auront t men es bien ces diff rentes
tapes de consultation, de diagnostic et d' laboration de propositions.
C'est seulement au prix d'une telle exigence que l'on pourrait l gif rer sur
les usages num riques de mani re la fois pertinente, utile et p renne en
faveur de l'int r t g n ral.
(1) Encore nomm Hadopi , il sera discut partir du 10 mars l'Assembl e
nationale, pour un vote la h te pr vu avant la fin mars.