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Zone euro : les plans B au banc d'essai

2011-11-08 06:49:58

LE MONDE ECONOMIE | 07.11.11 | 16h46 Mis jour le 08.11.11 | 12h07

Mon tiser massivement les dettes, faire baisser l'euro sur le march des

changes, permettre la r introduction de monnaies usage interne... Les "plans

B" ne manquent pas pour tenter de trouver une solution la crise de la dette.

1. CHANGER RADICALEMENT LA POLITIQUE MON TAIRE

Il existe encore un moyen d' viter le grand krach, avec ses cons quences impr

visibles. Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale europ enne (BCE) a

d'ailleurs ouvert tr s timidement cette porte, jeudi 3 novembre, en abaissant

son taux directeur 1,25 % quand ses consoeurs am ricaine ou japonaise

restent proches des 0 %. "L'explosion de la zone euro doit tre vit e",

souligne Jean-Pierre Vesperini, membre du Conseil d'analyse conomique (CAE),

pourtant adversaire de la cr ation de la monnaie unique.

Quelque chose cloche en effet dans la logique actuelle des plans europ ens.

"Soit on se contente d'une analyse de type "bouc missaire" c'est la faute

des Grecs, etc. Soit on se dit : quelque chose de plus profond est en train de

se r v ler, on a une construction qui ne fonctionne pas", explique l' conomiste

Alain Grandjean, de sensibilit cologiste. "Les quations math matiques sont

tr s simples. Tant que les taux d'int r t r els (une fois l'inflation d duite)

sont significativement sup rieurs au taux de croissance, aucun d sendettement

ne peut marcher, par simple effet boule de neige de la dette", ajoute-t-il. On

peut donc interroger, d'abord, la pertinence de la politique mon taire europ

enne.

Ainsi, plaide M. Vesperini, "la meilleure solution pour pr server l'euro r side

dans la mon tisation des dettes souveraines par la BCE, afin de faire baisser

les taux d'int r t long terme qui tranglent aujourd'hui non seulement les

petits pays p riph riques, mais galement l'Italie et l'Espagne".

Il pr ne aussi une baisse des taux court terme par la BCE. "Ces deux actions

permettraient de faire baisser le cours de l'euro jusqu' sa valeur d' quilibre

autour de 1,15 euro , ce qui permettrait une sortie de crise", dit-il. La

mon tisation des dettes a t en effet peu utilis e par la BCE, ce stade ;

elle s'est engag e dans cette voie environ dix fois moins au total que la R

serve f d rale am ricaine (Fed).

Antoine Brunet, pr sident d'AB March s, enfonce le clou : baisser les taux

d'int r t et mon tiser la dette ne suffira pas, selon lui. "Il faudra, comme

vient de le faire la Suisse avec succ s, proc der des interventions massives

sur le march des changes. Tant que l'Union conomique et mon taire (UEM)

continuera de rester le dindon de la plan te, elle s'enfoncera dans une crise

de plus en plus grave et de plus en plus insoluble", dit M. Brunet.

Tous les pays europ ens ont souffert d'une perte de comp titivit face au yuan,

la devise chinoise, y compris l'Allemagne. Cette derni re a surtout regagn sur

ses partenaires et donc accru son exc dent dans la zone euro. "Le d ficit budg

taire n'est ni le p re ni le jumeau du d ficit commercial, il en est le fils",

r sume M. Brunet.

Comme les interventions sont impossibles pour corriger le cours de l'euro face

au yuan "du fait du contr le des changes draconien que la Chine maintient

depuis toujours", il conseille que la BCE vende "en grande quantit des euros

qu'elle peut mettre sans difficult contre des dollars, contre des sterling,

contre des yens, contre des wons... jusqu' ce que l'euro recule enfin de 1,40

1 dollar et indirectement de 8,90 yuans 6,35 yuans". "Le plan B consiste

donc en un changement copernicien de la politique de change de l'UEM", conclut

M. Brunet. Pour cela, il faudrait qu'un gouvernement conomique de la zone euro

"dessaisisse officiellement la BCE de la d finition de la politique de change",

qu'elle a assum e de facto, profitant de la division entre les Etats membres,

alors que le trait de Maastricht ne lui en confiait que la mise en uvre.

2. EURO DU NORD ET EURO DU SUD : LES LIMITES D'UNE SCISSION

Un virage 180 degr s dans la politique mon taire permettrait sans doute

d'interrompre la crise conomique et financi re dans la zone euro. Mais il

resterait un autre probl me de fond r gler : les divergences conomiques

entre les pays. A c t de la monnaie unique, la bonne logique voudrait des m

canismes de transferts fiscaux accrus, sur le mod le du f d ralisme allemand ou

am ricain, afin de compenser les carts de d veloppement conomique.

Mais cette volution ou son corollaire - l' mission d'une dette europ enne :

les eurobonds ont jusqu'ici t refus s, notamment par Berlin. "La strat gie

allemande eurolib rale est, dans les faits, non coop rative au sein de

l'Europe. Elle se pr sente comme : 'chacun doit faire des efforts'. En fait,

cela ne se passe pas comme a. Si le meilleur de la classe s'en sort, c'est

parce qu'il y a des mauvais l ves dans la classe", souligne l' conomiste Alain

Grandjean.

R duire les carts de comp titivit entre la Rh nanie du Nord et le P loponn se

par la rigueur salariale et budg taire dans cette derni re r gion a montr ses

limites. Afin de r quilibrer les conomies, l'option d'une s paration entre

les pays "vertueux" et les pays "laxistes", dans deux euros de diff rentes

valeurs, a t voqu e par des conomistes au d but de la crise.

Toutefois, si l'op ration se r v lait une simple scission et un "l chage" du

Nord par le Sud, elle aurait de tr s nombreux inconv nients pour les deux

parties. "Un euro du Nord autour de l'Allemagne aurait sans doute sa coh rence,

m me s'il se r valuerait fortement, ce qui handicaperait le commerce ext rieur

de cette zone. C'est la raison pour laquelle la France ne devrait en aucun cas

en faire partie", explique Jean-Pierre Vesperini, professeur des universit s.

"De son c t , l'euro du Sud risquerait de manquer de coh rence. Si ce devait

tre le cas, il constituerait une tape vers le retour la souverainet mon

taire", ajoute-t-il.

Les deux euros seraient toujours soumis aux grands vents de la sp culation. Une

d valuation violente de l'euro du Sud et les d fauts de paiement par

changement d'unit mon taire des secteurs priv et public du Sud seraient

attendre.

Pour viter finalement les effets syst miques, les conomistes r fl chissent

donc un syst me d'ajustement par le taux change l'int rieur de la zone

euro.

3. PASSER DE LA MONNAIE UNIQUE LA "MONNAIE COMMUNE"

"Compte tenu des normes diff rentiels de comp titivit entre l'Italie,

l'Espagne, le Portugal et les pays du Nord, la solution la plus vidente

intellectuellement est d'avoir des sous-r gions dans la zone euro. Ou bien,

l'autre option est de passer de la monnaie unique la monnaie 'commune', en

instaurant un syst me de changes fixes mais ajustables entre chacun des membres

(de l'Union mon taire). Cela suppose de r introduire un contr le des changes d

s lors que circulent, en parall le, une monnaie 'interne' et une monnaie

'externe'", explique M. Grandjean.

Cette id e de plan B sous la forme d'une double circulation mon taire -

permettant de r introduire les monnaies nationales l'int rieur de la zone

euro tout en gardant une unit de compte semblable l'ancien ECU (European

Currency Unit) vis- -vis de l'ext rieur est notamment d fendue, comme

solution de secours, par l' conomiste Gabriel Galand sur son blog "ch mage et

monnaie" ou par son confr re Ga l Giraud, chercheur au CNRS.

Evidemment, cette monnaie commune n'aurait plus le m me usage quotidien. Mais

elle permettrait un r quilibrage progressif des conomies, sans passer par les

d valuations massives qu'accompagnerait, du jour au lendemain, la seule

introduction d'une nouvelle drachme, d'un nouvel escudo, d'une nouvelle peseta,

etc.

Ce serait donc un moyen de r duire progressivement les divergences conomiques

entre les pays, sans d stabiliser l'ensemble.

Ce syst me mon taire ne r soudrait pas tous les probl mes et n'emp cherait pas

que la BCE doive, au pr alable et au passage, mon tiser partiellement les

dettes publiques.

De m me, il devrait s'accompagner de plans massifs d'investissements dans toute

la zone, pour r aliser sa conversion conomique, nerg tique et

environnementale, permettant une croissance durable.

Ceci suppose aussi de mobiliser des financements aupr s de l'institut d'

mission Francfort. Ajout des formes de contr le des changes internes, ce

serait une r volution financi re. Mais l'innovation peut trouver sa place. M.

Galland propose, par exemple, de d finir des cours de change-cible entre les

monnaies nationales et de taxer proportionnellement, de plus en plus fort, les

transactions de change qui s'en loigneraient.

4. LAISSER L'ALLEMAGNE ET LES AUTRES "FAUCONS" S'ENVOLER

Dans la n gociation sur le sauvetage des pays en difficult , il est r guli

rement rappel qu'aucune clause de sortie n'est pr vue dans le trait de

Maastricht.

L'euro serait une voie sens unique, moins de d cider d'en sortir par un

acte souverain de rupture des trait s. Peu de pays sauf y tre accul s et

devoir choisir entre deux maux, comme la Gr ce ont int r t consid rer cette

hypoth se.

Mais les pays financi rement "bien portants" sont aussi ceux qui perdraient le

moins dans ce cas.

En effet, d j en exc dent, ils peuvent se permettre de voir leur monnaie se r

valuer et gagner ainsi en pouvoir d'achat vis- -vis de l'ext rieur.

La seule question d licate resterait celle des cr ances vis- -vis des Etats et

des conomies rest es dans l'euro, qui, de facto, se d pr cieraient. Mais cette

question peut tre n goci e. Car quitte ce que quelqu'un sorte, autant pour

ceux qui restent que ce soit le plus fort.

L'euro d pr ci face un nouveau deutschemark permettrait aux autres conomies

de regagner leur comp titivit . "En cas d' clatement, la solution la moins

douloureuse serait que l'Allemagne quitte la zone euro. Elle serait sans doute

suivie par des pays qui lui sont proches : l'Autriche, le Luxembourg, les

Pays-Bas, la Finlande et l'Estonie", pr voit M. Vesperini.

Cette solution ne serait pas la plus rationnelle, aujourd'hui, pour notre

premier partenaire conomique, m me si elle a un cho outre-Rhin : "La

nostalgie du deutschemark dans l'opinion publique allemande et son refus de

soutenir plus avant les pays en difficult favorisent cette option. La sortie

de l'Allemagne aboutirait une forte r valuation de sa monnaie qui la

priverait du coeur de ses exc dents commerciaux, ceux qu'elle r alise avec le

reste de la zone euro. Mais elle pourrait finir par l'accepter si la politique

mon taire de la BCE devenait trop contraire aux principes de la Bundesbank",

ajoute M. Vesperini.

En brisant le couple franco-allemand, la sc ne pr parerait de nombreuses d

convenues.

Mais en cas d' chec de la zone euro trouver la strat gie de sortie de crise,

en cas de divorce d j consomm et de risque d'une explosion de l'UEM par la

contagion des sorties des Etats les plus fragiles les uns la suite des

autres, provoquant un effet domino , ce serait un pis-aller un peu moins

mauvais.