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La musique sur Internet est-elle condamn e tre pirat e ?

2009-04-21 06:46:35

LE MONDE | 20.04.09 | 15h26 Mis jour le 21.04.09 | 07h56

Paradoxe : les offres l gales d' coute ou de t l chargement de musique sur

Internet sont nombreuses, de qualit et parfois pl biscit es par les

internautes mais leur avenir conomique n'a rien d'assur . A ce jour, il n'y a

gu re qu'iTunes, le pionnier des magasins en ligne, lanc en 2003 par Apple,

qui est vraiment rentable. Du coup, des musiciens aux producteurs en passant

par les distributeurs, toute la fili re est inqui te. En France, Nathalie

Kosciusko-Morizet, secr taire d'Etat au num rique, a d cid de les r unir au

cours de tables rondes (la premi re a eu lieu mardi 14 avril) pour qu'"avant l'

t " merge "une s rie de propositions op rationnelles et rapides mettre en

oeuvre".

Le piratage domine

Musique enregistr e. Elle comprend les ventes physiques et num riques d'albums

et de titres. Les ventes se sont lev es 18,4 milliards de dollars (14,2

milliards d'euros) dans le monde en 2008, selon l'IFPI (l'International

Federation of Phonographic Industry).

Musique num rique. Elle a repr sent 20 % du total des ventes en 2008 (3,7

milliards de dollars), en progression de 25 % par rapport 2007. Environ 1,4

milliard de chansons ont t t l charg es de fa on l gale en ligne.

T l chargement ill gal. "95 % des titres musicaux t l charg s sur Internet le

sont de fa on ill gale", regrette l'IFPI dans son rapport annuel sur la musique

num rique.

Premiers apparus sur le Web, les services payants de t l chargement de musique

co tent cher maintenir. "Le stockage de notre catalogue num rique (3 millions

de titres) nous a co t plusieurs centaines de milliers d'euros. Et nous

reversons 70 % des ventes aux ayants droits. Au final, nous sommes tout juste

l' quilibre", explique Fran ois Gerber, directeur des activit s num riques de

la Fnac, l'un des quatre principaux services en France avec ceux de SFR, Orange

et Virgin, derri re iTunes.

Le principal probl me pour les professionnels, c'est que les internautes ne

seraient pas pr ts payer la musique en ligne, car elle reste trop facilement

accessible gratuitement sur des sites ill gaux de "peer to peer" (technique d'

change de fichiers). Et ce malgr la multiplication des offres payantes sans

DRM (protections limitant l' coute ou la copie sur diff rents supports). Au

niveau mondial, l'IFPI (International Federation of Phonographic Industry)

assure ainsi que 95 % des t l chargements de musique restent non autoris s.

M me les services d' coute de musique payante mais quasi illimit e ont du mal

d coller. Invit e de la premi re table ronde organis e par Mme

Kosciusko-Morizet, Laurence Le Ny, directrice de la musique chez Orange, a avou

que l'offre Musique max de l'op rateur t l com (12 euros par mois) avait donn

des r sultats "d cevants". Selon le cabinet Forrester, l'offre "Comes with

Music" de Nokia, lanc e fin 2008 au Royaume-Uni (l'achat de certains t l phones

donne acc s un an de t l chargement gratuit) pourrait aussi mettre du temps

trouver son public.

Pourquoi iTunes s'en sort-il donc avec les honneurs ? Son succ s est tr s li

celui de l'iPod, le baladeur num rique d'Apple. Lanc en 2001, il s'en est

encore vendu 22,7 millions d'unit s au premier trimestre de l'exercice fiscal

2009.

Sur le papier, les offres gratuites et l gales d' coute ou de t l chargement

qui ont merg ces deux derni res ann es (We7, Imeem, Last.fm, Spotify, Jiwa,

Deezer...) permettent la fois de contenter les internautes et de r mun rer la

plateforme de diffusion, les musiciens et leurs producteurs gr ce aux revenus

publicitaires. Mais la crise met mal ce sch ma, avec le ralentissement de la

croissance des d penses des annonceurs sur Internet. "Ce mod le est le moins

capable de g n rer des revenus suffisants court terme", estime Michael

McGuire, du cabinet Gartner.

"DES TENSIONS"

Aux Etats-Unis, Spiralfrog a ferm . Last.fm a annonc vouloir revenir un mod

le payant dans certains pays. Lors de la table ronde, mardi 14 avril, Jonathan

Benassaya, cofondateur du Fran ais Deezer (7 millions de membres inscrits), a

conc d "des tensions" dues aux d lais de paiement des annonceurs. Laurent

Petitgirard, pr sident du conseil d'administration de la Sacem (Soci t des

auteurs, compositeurs et diteurs de musique), est plus concret : "Ces

plateformes ne gagnent presque pas d'argent, donc ne reversent presque rien aux

auteurs. Pour le tube de l'ann e sur Deezer, un titre de rap cout 240 000

fois, nous n'avons revers que 147 euros aux musiciens !"

La fili re musicale est pourtant condamn e trouver une solution pour gagner

davantage d'argent en ligne. Parce que les ventes de CD continuent

s'effondrer et que les revenus du spectacle vivant (concerts, etc.) ne les

compensent pas. Le chiffre d'affaires des maisons de disque a ainsi t divis

par deux entre 2002 et 2008 en France. La Sacem n'a redistribu que 80 millions

d'euros aux auteurs en 2008 (dont 3,17 millions au titre de la musique num

rique), 50 millions de moins qu'il y a quatre ans.

Quelles sont les solutions envisag es ? Certains croient aux offres musicales

des r seaux sociaux (MySpace Music) : "Leurs membres sont davantage pr ts

payer pour couter de la musique que d'autres", soutient Mark Mulligan, de

Forrester, sur son blog. D'autres parient sur des jeux vid o du type Guitar

Hero, coul plus de 23 millions de copies en moins de trois ans, qui

incitent les joueurs acheter des chansons via les consoles de jeu. "Pour que

l'industrie renverse la tendance en sa faveur, il faut aussi que les maisons de

disque baissent leurs exigences financi res aupr s des sites Web", selon Paul

Verna, du cabinet eMarketer.

En France, le gouvernement a choisi la lutte contre le piratage, avec la loi Cr

ation et Internet. Mais, m me selon ses partisans, elle ne suffira pas.

L'hypoth se d'une contribution des op rateurs mobiles et des fournisseurs d'acc

s Internet est de plus en plus souvent voqu e.

C cile Ducourtieux