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Le pitch est vite dressé : c'est l'apocalypse Zombie. Encore. Mais cette fois ça se passe à Paris. Et si le récit se déroule longuement dans les sous-terrains de la capitale, il se distingue du Métro 2033 de Dmitri Glukhovski par une catastrophe toute récente et abrupte, dont le résultat est la disparition complète de la société. Par ailleurs, les principaux protagonistes ne sont pas des mâles aux pectoraux sur-développés qui manquent de faire craquer leur débardeur poisseux à chaque inspiration, ni des pères de famille timorés mais pas trop et donc forcément héroïques et courageux, mais des clochards largement imbibés flanqués d'une paire de miliciens fascistes.
Rodolphe Casso a écrit sur la musique, le cinéma ou le jeu vidéo et cela se voit. Il y a quelque chose de cinématographique dans certains tableaux, dans cette insertion de plans très courts qui décrivent les interventions de ce qui reste des forces aéroportées de l'armée française. Il y a un rythme et des postures propres aux héros si prévisibles qui squattent les premiers rôles des films ou des séries américaines à gros budget. Il y a aussi la présence de la musique, depuis Brel ou Dassin jusqu'à la Drum and Bass ou la Techno hardcore aux BPM élevés ; des bruits et surtout le silence, un enjeu parmi d'autres dans le cache-cache avec les revenants qui est ici poussé jusqu'au bout de sa logique de façon presque foutraque. Car il y a surtout de l'humour et de l'ironie, tendre pour les personnages vers lesquels va la sympathie de l'auteur ou plus vacharde pour les pieds nickelés chaussés de rangers qui se rêvent en sauveurs du pays (le reste du monde, barbare, n'ayant de toutes manières aucune valeur).
Car outre le plaisir trivial, les morts-vivants sont ici l'occasion d'observer certaines franges de la société comme George A. Romero souligne lui la société de consommation. Et comme ce dernier, Rodolphe Casso évite la terminologie ayant court dans toute bonne série B faisant état de revenants. Ici, le « Zombie » est cité une fois sur le ton de l'incrédulité et rapidement évacué pour un autre qui justifie aussi bien le Z.
Rodolphe Casso prend un plaisir évident à apporter les grandes manœuvres militaires sur le périphérique et à détruire les perspectives et les bâtiments de Paris aujourd'hui vitrifiés pour le tourisme. Mais il développe surtout tout au long du récit une culture largement populaire saupoudrée d'éléments d'érudition, historique en particulier. Le résultat est intéressant à bien des égards, mais le style et le rythme peuvent en souffrir à l'occasion et les listes de métaphores, bien trouvées au demeurant, s'allongent parfois bien au-delà de la nécessité. L'ouvrage prend aussi trop souvent les atours d'un guide touristique, et si l'on peut être séduit par l'histoire des différents monuments parisiens ou le détail des pièces du palais Bourbon, il est sans doute plus rare que l'on soit passionné par une connaissance approfondie de la forme et la couleur des faïences de chacune des stations de métro.
Malgré ces défauts d'équilibre dans le texte, PariZ est une lecture plaisante. Et pour qui cherche un livre amusant sur une pandémie globale (ou aime collectionner les coquilles, vraiment trop nombreuses dans cette édition) PariZ est une aventure post-apocalyptique agréable entre gros moyens hollywoodiens et excentricité qui ne perd jamais complètement de vue certains problèmes, tout à fait réels eux, de notre société.
(3558 signes. Première publication le 25 août 2021 sur NooSFere)