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LEMONDE.FR | 31.10.11 | 19h24 Mis jour le 31.10.11 | 19h31
Des manifestants du DAL (Droit au logement) devant le si ge de Paris Habitat,
rue Claude-Bernard, dans le 5e arrondissement de Paris, en 2006.AFP/STEPHANE DE
SAKUTIN
Quatre mois et demi de sursis. Pour des milliers de locataires menac s d'
viction, la tr ve hivernale est synonyme de r pit. Une p riode pendant laquelle
ils conserveront leur toit, m me en cas de proc dure judiciaire engag e par
leur propri taire. Comme chaque ann e, la tr ve s'applique du 1er novembre au
15 mars. L'occasion de dresser le bilan de l'ann e coul e.
D'apr s le secr tariat d'Etat au logement, "100 000 110 000 jugements sont
prononc s en moyenne chaque ann e, pour 10 000 expulsions effectives avec le
concours de la force publique". Contest es par les associations, ces donn es ne
rendent que partiellement compte de la r alit . "On est plus pr s de 40 000
50 000, si on consid re tous ceux qui partent avant l'intervention polici re",
observe Sylvie Guichard, directrice des missions sociales de la Fondation Abb
-Pierre. "L'expulsion, c'est d'abord une d cision de justice", rappelle-t-elle.
En 2010, les tribunaux ont trait 142 662 contentieux et rendu 107 925
jugements de rupture de bail. "Par rapport l'ann e pr c dente, la progression
est faible, de l'ordre de 0,9 %. Mais si on consid re les chiffres depuis onze
ans, la hausse atteint 35 36 %. Une augmentation qui va de pair avec
l'explosion des loyers", explique Sylvie Guichard.
Les motifs d'expulsions, eux, ne varient pas avec les ann es : pr s de 95 %
concernent des impay s de loyer.
> Voir notre infographie
> Lire l'enqu te de l'Agence nationale d'information sur le logement : "Pr
vention des expulsions, locataires et bailleurs face l'impay "
Sans surprise, les zones les plus touch es restent l'Ile-de-France, le pourtour
m diterran en, la r gion lyonnaise et le nord du pays. "Des bassins d'habitat
tendu, o les loyers sont g n ralement tr s lev s", note Michel Fr chet, pr
sident de la Conf d ration nationale du logement. Rappelant que "les trois
quarts des expulsions concerne le parc priv ", il d plore l'absence d'"un v
ritable service public" en la mati re. "En dehors des associations, il existe
des structures d di es au sein des maisons de justice et du droit,
l'initiative de l'appareil judiciaire. Le r seau des ADIL (agences d
partementales pour les informations sur le logement) joue galement un r le
d'information. Elles couvrent certains besoins, mais ce n'est pas suffisant",
dit-il.
Faute de structure globale, les politiques de pr vention s'organisent le plus
souvent au niveau municipal. Depuis plusieurs ann es, certains maires de
Seine-Saint-Denis ont pris des arr t s d clarant leur commune "territoire
anti-expulsion". En mars 2011, ils taient douze (Blanc-Mesnil, Bobigny, Bondy,
La Courneuve, Montreuil, Saint-Denis, Saint-Ouen, Sevran, Stains,
Tremblay-en-France, Villepinte et Villetaneuse) d cid s "en finir avec une
pratique qui est une atteinte manifeste la dignit humaine". Tous ont t d f
r s devant le tribunal administratif de Montreuil, avant de voir finalement
leur d cision annul e.
"Il y a un vrai probl me de coordination entre les structures sociales et
juridiques", regrette Sylvie Guichard, tout en soulignant que les dispositifs
en place demeurent m connus. C'est pour pallier ces manques que la Fondation
Abb -Pierre a cr en juin 2009 la plate-forme "All Pr vention Expulsion"
(APE, 0810 001 505). D'apr s le dernier communiqu de l'organisation, cette
permanence t l phonique a recueilli plus de 4 600 appels en deux ans. Embo tant
le pas cette initiative, le secr tariat d'Etat au logement a confi en 2010
l'Agence nationale d'information sur le logement la mise en place d'un num ro
unique gratuit, le 0805 160 075, destination des propri taires et des
locataires.
> Lire le bilan de l'APE pour l'ann e 2009-2010
"On compte environ 500 000 m nages en situation d'impay en France. Ceux qui
contactent l'APE ne sont pas forc ment repr sentatifs, mais ce qui est
frappant, c'est que les classes moyennes sont de plus en plus concern es. Bien
s r, l'immense majorit des gens qui nous appellent sont dans des situations de
grande pr carit , mais on trouve galement des salari s, beaucoup de personnes
affect es par des ruptures familiales", observe Sylvie Guichard.
En cas d'expulsion sans possibilit de relogement, les recours sont limit s. Au
titre du droit au logement opposable, toute personne qui a effectu une demande
de logement et qui n'a pas re u de proposition adapt e peut saisir une
commission de m diation dans son d partement, puis exercer, dans certains cas,
un recours devant le tribunal administratif. Mais la d marche peut durer jusqu'
un an. En attendant, les expuls s sont condamn s loger chez des amis ou
l'h tel, pour finir souvent en h bergement d'urgence.