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la pluie me plaît
le vent me va
et n’ai pas peur
que le tonnerre me gronde
viennent les nuits fracassées
dans le noir déchiré de grands traits de lumière
que les torrents débordés à gros bouillons écumeux
emportent loin les branches des arbres qui s’ennuient
vers la fin du dimanche et le morne lundi
* * *
flickering and lonely light
lumière vacillante et solitaire
drifting away from the night
dérivant plus loin que la nuit
who could frame and soothe your pain
qui pourrait soulager ta peine
when you try to reach in vain
quand tu essaies en vain de rejoindre
the ever fleeing distant suns
les lointains soleils toujours fuyants
* * *
combien de portes passées
peu importe
le passage livré seul compte
pour qui franchit le seuil
délivré pas sage
sans retour ni mesure
ceux qui comptent
que l’oubli les emporte
* * *
aussi longtemps qu’il le faudra
nous lancerons des mots furieux dans le grand noir
et Ă force de feux de joie
nous franchirons sans peur la maigre frontière
qu’aura tracée la nuit dans l’aube
il ne sera qu’à nous
le temps étiré des journées de l’été
où tous les chants de nos voix réunies
tendront vers le soleil leur unique note
* * *
am in despair
âme qui rien n’espère
je file bleu
I feel blue
je crève fort d’amour
I crave for love
open this door
Ă peine si je dors
* * *
ce halo-lĂ
qui demeure
lueur mouvante
sous vos paupières
fermez les yeux
vous verrez mieux
les éclairs à l’intérieur
* * *
geai oublié
qui siffle et rauque en vain
seul dans le bosquet
que chante l’oiseau quand aucun
oiseau ne lui répond ?
l’enfant des buissons et des
fourrés que j’étais le savait
je ne sais plus
j’ai oublié
* * *
mots dits mots doux
prononcés à l’essai
parcelles de paroles
oboles parées pour elle
si long silence
délai de grâce
délice de la réponse
dans le son de sa voix
la saveur de ma vie
* * *
j’attends au bord de la rue
que tout le monde soit passé :
la fille de l’air de rien avec son chien
et le camion vert des Ă©boueurs
le soleil rasant sur la voiture de l’auto-école
qui frĂ´le au passage
un formidable petit déjeuner servi en terrasse
pour deux amants fatigués
le vélo jaune et lourd à assistance électrique du facteur
la danse douce de la circulation qui agite en permanence
le rond-point oĂą ne se rencontrent heureusement pas
une grosse moto noire, quatre voitures nerveuses
une trottinette impériale aux trajectoires avantageuses
j’attends encore car ma rue est infinie
je ne sais pas si je comprends
le vertige de la vie des gens
je voudrais que mes journées soient ajournées
perdues mes heures
nue ma rue
et vide ma vie
* * *
Ă chaque regard
ses yeux sont de clairière
ses paupières un feuillage
une forêt à perte de vue où s’égarer
Ă chaque parole
ses mots sont de plume et de lame
ses phrases un ruisseau vers sa pente
un filet d’eau bruissante
pour l’oiseau assoiffé
à chaque enjambée
son pas est une conquĂŞte
son corps un arc tendu vers demain
une flèche lancée contre aujourd’hui
* * *
trajet tracé
sur une carte ancienne
retrouvée dans le vide-poche
côté passager
parti trop longtemps
pour qu’on s’en souvienne
vie de proche
trop lointaine
itinéraire en erreur
écart de route aérienne
au bout du jour l’horizon blême
promène pour toujours son ciel de traîne
* * *
quand au coin de la fenĂŞtre
s’élancent d’autres nuages
lancer vers le printemps
le chant de nos gorges
enrouées trop souvent
s’étirer
bien plus haut que le ciel
doigts tendus mains ouvertes
imaginer
Ă quoi rĂŞvent les oiseaux
quand ils dansent
* * *
quand le soleil surfera sur les vagues
pour y lancer son chant triomphant
when the sun rides the waves
to cast its anthem of triumph
quand la lune lassée des étoiles
entrera fière et seule
dans la forĂŞt propice
when the moon of stars weary
noble and alone enters
the auspicious forest
je plongerai nu dans le ciel
me noierai dans les nuages en Ă©charpe
pour couler Ă pic
au fond de l’espace
I will dive naked into the sky
drown myself in twirly clouds
and sink down to space
* * *
invisible inutile et fuyant horizon
au bout des champs au bas du ciel
beaucoup trop plat
au-dessus des collines naviguant
pas bien droit
imaginaire et infertile ligne de fuite
sur l’océan distante illusion d’accalmie
sous les nuages du soir horizon perdu
et pourtant c’est vers toi que le regard se porte
de tous ceux qui espèrent
un autre jour une autre planète
ou peut-ĂŞtre au moins
une fenĂŞtre ouverte
horizon trompeur
je veux que tu chavires
et que sous ton voile déchiré
apparaisse enfin
un notre monde à l’envers
* * *
quels sont ces visages
qui tentent et s’effacent
passants pressés
partis dĂ©jĂ
sur le fil du silence
d’un pas trébuchant
on avance un peu
chacun reste longtemps
contempler les rochers
les oiseaux du couchant
la mer indifférente
à la pluie on demande l’oubli
la solitude aux rues vides
et Ă la nuit profonde
son repli
* * *
chaque pas
comme parfois maladroit
mot jeté mal ajusté
arrive
imprévu singulier
au bord des lèvres séchées
par la soif de parole pleine
pourtant soudain
surgit dévoile expose
et féconde un siècle de
chansons
ainsi chaque pas de nos jours
engage et trace
dans la poussière des doutes
un millier de destins
* * *
les mots que tu dis
choisis
les regards que tu lances
clairs
ton sourire engageant
chacun de tes pas assurés
ta main posée
Ă sa place
un rien pourtant suffit
et tout s'Ă©croule
ton cœur tombe
tu perds pied
suffocant
sous la glace
renonce aux vieux remparts
entre simple faible et nu
dans la place forte
oĂą nul donjon ne veille
* * *
nous voici
nous sommes des pylĂ´nes
dans la plaine immense
si haut dans le vent
les câbles nus nous relient
les disques de verre nous isolent
nous sommes des pylĂ´nes qui parlent
si distants dans l'espace
en bourdonnement continu
signaux confus entre les poutrelles
et les treillis de traverses
nous sommes des pylĂ´nes qui rĂŞvent
que loin derrière les collines
franchies à grandes encâblures
l'horizon s'incline
la tension cesse
et on s'embrasse
* * *
traverser la forĂŞt les chemins la colline
traverser la nuit pleine
les vents du ciel et la tempĂŞte
traverser d’un seul souffle
et les rĂŞves et la crainte
de n’avoir pas su les comprendre
laisser la rive
trouver sans peine
trois pierres qui affleurent
pour passer l'eau vive
* * *
laisse aller les gestes
laisse aller les mots
les histoires de grand-mère
et les arts martiaux
laisse aller le fer rongé de rouille
qui perce le bois sec
laisse aller les godasses et les chemises
les bouledogues les ptites souris les Ă©crevisses
et tous les chemins pour rien
laisse aller ta vie
laisse aller tes morts
laisse aller
* * *
je ne veux rien de ces jours trompeurs
ni cette aube enchantée prometteuse
ni le rouge Ă©clatant du couchant
j'aime au matin cet incertain jour
aux vitres criblées de gouttes hésitantes
aux pâleurs sourdes de ciel trempé
sans rien qui mène au moindre trajet
et me laisse essayer son immense espace
* * *
on pourrait
envoyer vers les Ă©toiles
dix mille fusées dérisoires
pour snober les trous noirs
et soulever un peu leur voile
on pourrait retourner
toutes les pierres des chemins
pour y trouver autant de trésors
qu’au pied de l’arc-en-ciel
on pourrait chanter mille chansons d’amour
pour conjurer notre immense abandon
on pourrait dire aussi
que rien n’a vraiment d’importance
que rien n’est plus beau qu’une simple romance
et laisser nos voix reposer en silence