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Par Kujiu

Le 24 Dec 2016 Ă  00:00

Un Noël à l’ancienne

Des enfants jouent avec des boules de neige autour d'un bonhomme de neige.## Préface

Cette histoire s’inscrit dans un futur cycle long, et pour lequel je ne me sens pas encore prêt. Je vous laisse donc dans cet univers, apocalyptique, froid et sous surveillance. Il existe quelques références extérieures, saurez-vous les retrouver ? Bonne lecture et bonnes fêtes à tous.

Un Noël à l’ancienne

L’enfant se réveilla, dans sa chambre aux murs gris. La couleur était interdite par la loi. Il se leva et alla directement faire sa toilette. Il disposait de quinze minutes pour cela, le compte à rebours s’afficha en rouge sur les murs de la chambre et de la salle de bain. Il revêtit son uniforme gris et alla directement à la cuisine, équipée uniquement d’un évier, d’un placard et d’une poubelle à aspiration. Il prît la boîte de nourriture dans le tiroir, l’ouvrit et mangea la mixture brunâtre, comme lors de tous les repas. Il termina alors que le compte à rebours du repas indiquait encore une vingtaine de secondes, il devrait faire attention durant le reste de la journée à bien respecter les horaires. De lourdes sanctions s’imposaient au bétail incapable d’agir selon les instructions de la machine. L’enfant mit la boîte vide et la fourchette que cette dernière contenait dans le tube d’aspiration de la poubelle. Il se lava rapidement les mains et quitta la cuisine. La place devait se libérer rapidement pour que sa mère puis son père puissent manger. Les discussions avant le travail n’étaient pas tolérées.

Andy, le robot humanoïde, attendait l’enfant dans le couloir pour lui passer ses chaussures de travail. Il en verrouilla les fermetures, et activa l’alarme. Les chaussures pouvaient aussi bien envoyer une décharge électrique en cas de désobéissance que tracer tous les mouvements en dehors de la maison. Cependant, ce modèle était voué à disparaître avec le marquage ADN nouvelle génération qui se répandait de plus en plus. L’enfant se dirigea vers l’école, en empruntant la voie par identification pédestre et en respectant les durées imposées par l’ordinateur. Il voyait le compte à rebours grâce à ses pupilles bio-technologiques. L’enseignement scolaire servait essentiellement à comprendre les actions requises par un métier, sélectionné selon les attributs de l’individu grâce à des algorithmes avancés. L’enfant suivait la filière gestion de carrière. Il apprenait comment évaluer l’efficacité au travail d’un être humain, selon les tests nécessaires. Le programme informatique indiquait également l’intérêt de la mise au rebut des corps inefficaces, sans indiquer le devenir des êtres. L’enfant rejoignit sa salle individuelle de formation, sans croiser personne d’autre. Les horaires étaient définis pour éviter toute perte de temps, surtout les contraintes sociales. Andy veillait à ce que l’enfant respecte bien les règles, à distance, grâce aux traces laissées par les chaussures dans le système Sibyl.

Les robots du type d’Andy communiquaient toutes les informations au système central de gestion du dôme. La commune était en effet enfermée pour se protéger des fléaux extérieurs. Les êtres humains ne résistaient pas à un environnement aussi hostile. Et il était bien plus malléable et corvéable quand il est enfermé. Quelques hommes, privilégiés par leurs castes, n’étaient pas soumis au même régime. Ils se prélassaient en longueur de journée, regardaient leurs fictions favorites ou encore les esclaves se tuer entre eux aux arènes communales. Ils profitaient des fruits et légumes du potager ou encore des « rebutés » du système, drogués et amorphes, pour les torturer à loisir. La SCL - Sibyl Corporated Limited - gérait la commune depuis des siècles voire des millénaires. Cette entité électronique régissait la vie de tout être selon les ordres des castes supérieures.

Une alarme retentit dans le silence morbide de cette cité. Des voix s’élevèrent sous une petite ruelle abandonnée.

« — Mais, Roger, je t’avais bien dit de ne pas toucher à ce câble !

— Je sais bien, Aline. Mais j’ai glissé. Et puis pour le moment, Sibyl n’a pas repéré l’endroit exact.

— Ça ne saurait tarder, il va falloir fuir avant.

— Attends, je rebranche ailleurs pour désorienter le système. »

L’enfant rentra le soir, les patrouilles des forces armées circulaient dans toute la commune à la recherche d’indices. L’enfant arriva juste à la fin du compte à rebours. Il ouvrit la porte, Andy l’assistant personnel l’attendait. L’androïde se jeta sur l’enfant et lui mit les fers sur les poignets. La famille entière était mise au rebut. Le robot informa l’enfant qu’il était tenu responsable, comme ses parents, d’un acte de rébellion et de vandalisme sur le système Sibyl. Un lieutenant des forces armées arriva peu après avec deux Kappa, des robots sur roues équipés d’une carapace protégeant une artillerie impressionnante. L’enfant fut embarqué dans un fourgon jusqu’à son lieu de détention.

Il fut placé dans une petite pièce contenant uniquement un banc solidaire du mur, la porte fut fermée. Il s’assit et resta cloîtré dans son silence. Pendant ce temps, le système Sibyl essayait de retracer les actions délictueuses sans y parvenir, Il était évident que l’enfant n’était pas l’auteur. Il était coupable car il en était décidé ainsi et une vérité du système Sibyl ne peut être contredite en aucun cas. L’enfant attendait son sort, les mains sur les genoux, le regard dans le vide et totalement inexpressif.

« — Josh, tu vas arrêter un peu, tu vois bien que le système a repris non ?

— Je te rappelle, chère Aline, qu’on est dans un conduit abandonné, dans le noir, à ramper dans la boue et qu’il n’y a strictement aucun équipement à proximité, alors je fais du bruit si je veux !

— Toi et tes grands airs, répliqua Aline, je te rappelle également que si je n’avais pas trouvé ce conduit, on y serait resté.

— Et ça va encore être de ma faute ! s’exclama Roger, à l’arrière de la file. »

Le trio de rebelles s’immisçait dans la citadelle interdite, le sanctuaire du système Sibyl. Aline et Josh, ainsi que leur fils Roger, avançaient désormais à pas feutrés le long de couloirs souterrains oubliés même du système central. Josh disposait d’une bonne vision de nuit suite à sa modification d’ADN. Il guidait les deux autres dans le noir. Aline et Roger préféraient une vision de jour, pour ne pas être aveuglés par le moindre rayon de lumière.

« — Aline, d’après mon terminal, ils ont enfermé quelqu’un à notre place, indiqua Roger.

— Toi, tu vas encore vouloir qu’on aille le récupérer avant qu’il ne finisse aux arènes !

— Et tu vas me le reprocher ? C’est toi qui a eu cette idée de libérer tout le monde du système pour une fête païenne que tu appelles comment déjà ?

— C’est Noël, et puis oui, je trouve qu’une fête, ça aidera les gens à se réintégrer. »

L’enfant restait toujours immobile dans sa cellule, en attendant le verdict. Des bruits de coups lui parvenaient du plafond. Il réfléchissait alors aux procédures à appliquer en cas de bruit suspect dans un bâtiment, et quels outils utiliser pour évaluer le travail des bâtisseurs. Une trappe s’ouvrit sur le plafond. La tête d’une femme apparut.

« — Salut, toi ! interjeta Aline à l’enfant. »

Mais l’enfant restait cloitré le regard dans le vide.

« — On a désactivé les robots, tu peux parler, ajouta Aline.

— Je vais avoir des problèmes si je parle.

— Ils ne le sauront pas, et ils vont te tuer si tu restes là. Viens avec nous ! »

L’enfant ne discutait jamais les ordres. Il attrapa ainsi la main qu’Aline lui tendait depuis l’aération du plafond. Josh le libéra des chaussures traceuses, de sa montre connectée et déconnecta les yeux de Sibyl. L’enfant suivit les trois rebelles le long du tunnel, sans parler. Ils arrivèrent alors à l’issue, la lumière irradiait de plus en plus fort. Le conduit menait directement dans le centre administratif fortifié. Roger s’adressa à l’enfant.

« — Tu as un nom petit ?

— Je suis le citoyen travailleur en formation numéro 76802309.

— Ce n’est pas un nom ça, que dirais-tu d’Arthur ?

— Je ne suis pas un noble, je ne peux pas avoir un nom.

— Mais si, c’est très bien, et puis il y’a bien eu un Arthur qui était pauvreet qui est devenu noble en retirant une épée d’un rocher.

— Bon d’accord, mais est-ce que Sibyl est d’accord ?

— Nous sommes dans la lutte contre Sibyl, ce système qui réduit la plupartdes humains à l’esclavage. On a décidé d’y mettre fin aujourd’hui, et tu vas nous être utile.

— Sibyl va nous tuer si on fait ça.

— Ne t’inquiète pas trop pour ça, nous désactiverons Sibyl, il est temps que tuévalues aussi sa qualité de travail à elle. »

Le groupe de rebelles se dirigea vers la tour centrale. Le système n’était pas gardé puisque la population entière était surveillée. Cependant, un contrôle d’accès persistait sur une porte blindée au bas de la tour. Roger prit la main d’Arthur et l’amena de l’autre côté du bâtiment.

« — Tu vas m’aider à ouvrir cette petite trappe là, on tire à trois.

— D’accord.

— Un. Deux. Trois. s’exclamèrent-ils en cœur.

— Maintenant, examine un peu tous ces fils, ordonna Roger. Et puis essaie de me dire ce qui correspond au système d’ouverture de la porte.

— Il faut que je me souvienne. Je n’ai plus les accès au terminal. Vous avez du matériel pour tester dans votre sac ?

— Bien sûr, mais tu peux me tutoyer, on n’est pas de Sibyl nous. Et pour le terminal, j’ai ce qu’il faut.

— D’accord, il me faudra un analyseur de fréquence. Et j’ai besoin de la table de correspondance A38 sur les différents signaux de contrôle. »

Arthur récupéra le fréquencemètre pendant que Roger interrogeait son terminal portable. La fiche A38 était en accès restreint, Roger s’employait à contourner les différents systèmes de sécurité informatique. Il avait réussi à se procurer les clés et mots de passe nécessaires pour la plupart des opérations. La fiche apparut sur l’écran et Arthur put faire la distinction des câbles.

« — Alors le jaune ici, c’est le contrôle de la porte, l’alarme est ici dans le vert et l’alimentation dans le brun. Ce bleu ici, c’est le neutre. Et après, tu as les données d’analyse pour Sibyl dans cet autre jaune. Il faut donc couper ce jaune-ci mais il faut l’alimenter directement en 48V et rajouter une porteuse pour dire que tout va bien. Tu as un modulateur de fréquence ?

— Je te passe ça. »

Arthur réussit à ouvrir la porte d’accès sans éveiller le moindre soupçon. Roger était impressionné, et il ne pouvait pas s’empêcher de penser à la remarque que lui ferait sa mère. Arthur et Roger retournèrent vers la porte et rejoignirent Aline et Josh. Ils entrèrent tous les quatre dans la tour. L’intérieur était constitué d’une immense pièce unique en forme de dôme. Une grande quantité de câbles rejoignait de grandes machineries au centre. Arthur s’approcha du système.

« — C’est bizarre ici, ce n’est pas un centre de contrôle.

— C’est un échec ? demanda Roger.

— Non, c’est un centre énergétique. C’est l’alimentation de Sibyl, répliqua Arthur. »

Le groupe décida de couper l’électricité de Sibyl et retirèrent les fusibles. Ils détruisirent l’installation électrique. Une alerte retentit dans l’ensemble de la commune.

« — Alerte. Alerte. Alerte. Système énergétique défaillant. Arrêt de Sibyl dans quinze minutes. »

Les robots rejoignirent tous leur point de rassemblement pour préparer l’extinction. Le groupe de rebelles sortit juste à temps pour éviter les robots chargés de la réparation.

« — Alerte. Alerte. Alerte. Système énergétique non réparable. Arrêt de Sibyl dans dix minutes. »

Les chaussures de tous les citoyens cessèrent de fonctionner, les témoins lumineux s’éteignirent. Les dix minutes qui restaient à Sibyl s’écoulèrent avec le bruit de l’alarme annonçant l’extinction. Les nobles allèrent dans les véhicules d’évacuation pour quitter la commune. Ils étaient incapables de se battre ou de gérer une rébellion.

« — Alerte. Alerte. Alerte. Système Sibyl interrompu. »

Le groupe d’Aline annonçait la bonne nouvelle aux habitants et demanda à tout le monde de se rassembler sur la Grand Place. La fête de Noël put s’organiser en musique, avec les victuailles préparées à l’avance. Aline et Josh expliquaient comment vivre sans Sibyl. La population devait réapprendre à vivre. Mais quelque part, à des dizaines de mètres sous terre, d’énormes ordinateurs faisaient clignoter leurs voyants. Sibyl avait été vaincu par une bataille surprise, mais la guerre n’était pas finie et les données de cet échec étaient désormais inscrites dans le réseau. Il n’était donc pas une bonne idée d’asservir l’ensemble d’une population, le système préparait une vengeance sans merci.

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