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Le gypaĂšte barbu, cet inconnu

par Cerise PlantĂšche

Le gypaĂšte barbu est un oiseau extrĂȘmement rĂ©sistant aux engelures et aux Ă©tats grippaux, ce qui lui permet de passer l’hiver en montagne et de faire du ski sans anorak, et ceci l’arrange bien parce qu’il n’est pas trĂšs riche. Beaucoup moins riche en tout cas que le traquet motteux qui, quant Ă  lui, n’hĂ©site pas Ă  se payer un charter pour les tropiques dĂšs les premiĂšres gelĂ©es.

Le gypaĂšte barbu est d’une nature trĂšs indĂ©pendante, pour ne pas dire indĂ©pendantiste. C’est sans doute pour cela qu’on ne le rencontre que chez les Corses ou chez les Basques, et qu’il se fait systĂ©matiquement fouiller Ă  la frontiĂšre.

Le gypaĂšte barbu est un rapace. La rapacitĂ© du gypaĂšte barbu n’a d’égale que sa pauvretĂ©, ce qui incite Ă  se demander ce qu’il fait de ses sous. Mais foin des mĂ©disances, aprĂšs tout, chacun mĂšne sa vie comme il l’entend. Comme tous les rapaces, le gypaĂšte barbu a un bec qui croche, des serres qui serrent et des ailes qui font flip-flap. Il se nourrit d’os et de petits animaux, parfois mĂȘme d’os de petits animaux. Quand il trouve un os d’élĂ©phant, il fait bombance pendant trois semaines et brĂ»le un cierge Ă  la mĂ©moire d’Hannibal.

Une fois par mois, le gypaĂšte barbu se rend Ă  SĂ©ville oĂč il se fait tailler la barbe. Le gypaĂšte barbu n’a jamais mis les pattes Ă  Saint-Claude alors, de grĂące, pas de sous-entendus graveleux. Le gypaĂšte barbu peut mesurer de 102 Ă  114 centimĂštres, selon qu’il est passĂ© ou non chez le barbier. S’il vous arrivait de croiser un gypaĂšte barbu ne rĂ©pondant pas Ă  ces mensurations, soyez charitable et gardez-vous de lui dire qu’il n’a aucune chance d’ĂȘtre un jour Ă©lu Miss Univers.

Le gypaĂšte barbu est ce qu’il convient d’appeler un oiseau rare. Tellement rare qu’il n’est pas rare (enfin si, ça l’est, puisqu’il l’est, j’emploie juste ici une expression commune (qui donc, n’est pas rare)) de l’entendre marmonner dans sa barbe, quand il se rĂ©unit pour taper le carton : « Ah dis donc, qu’est-ce que je me fais rare ces temps-ci  » Le gypaĂšte barbu, en raison de sa raretĂ©, n’est pas un oiseau courant. Ce n’est pas non plus un oiseau coureur ; pour cet article, voyez au troisiĂšme sous-sol, oĂč vous pourrez admirer notre sĂ©lection de casoars d’art ou d’occase, d’émeus Ă©meutiers et d’aptĂ©ryx gladiateurs.

Le gypaĂšte barbu porte un nom ridicule, mais maints autres oiseaux des montagnes ne sont guĂšre mieux lotis que lui : ce ne sont pas Messieurs Merle Ă  Plastron, Pipit Farlouse, Tarin des Aulnes, Casse-Noix MouchetĂ©, LagopĂšde Alpin et Accenteur Alpin qui me contrediront. Et pendant ce temps-lĂ , l’aigle royal se marre doucement. Y a pas de justice. Parfois, pour se donner de l’importance, le gypaĂšte barbu se fait appeler vautour des agneaux. « Et pourquoi pas marquise des anges ? » ricane sottement l’aigle royal, qui ne sait pas que dans son dos on le surnomme Bernard-Henri.

Quand on frappe Ă  la porte du gypaĂšte barbu et qu’une voix rĂ©pond : « GypaĂšte là  », on croit comprendre « J’y pas ĂȘt’ là » et on n’insiste pas. C’est la raison pour laquelle le gypaĂšte barbu ne reçoit jamais personne, et c’est bien triste.

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