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À son démarrage, Superhot donne au joueur une seule règle : le temps ne bouge que lorsqu’on bouge. Certes, trouver une unique règle sur laquelle bâtir un jeu entier est un trait de génie incontestable, mais il reste encore à bâtir le jeu en question ; et forcément, Superhot doit se donner d’autres règles pour pouvoir tenir debout. Les balles sont donc très lentes, car à une vitesse plus réaliste elles seraient impossibles à esquiver ; les ennemis visent à côté une fois sur deux, de façon à ce qu’on ne puisse pas anticiper chaque tir ; et d’ailleurs, le temps bouge même lorsque l’on ne bouge pas (les développeurs le justifient assez brillamment par l’activité cardiaque du joueur). Quand le jeu nous fait visionner le replay après chaque niveau réussi, on a l’impression de voir John Wick rejoué par des balais-brosses. On se dit donc, assez rapidement, que Superhot est moins un jeu d’action qu’un jeu de réflexion.
Malheureusement, on n’y réfléchit pas tant que ça. Superhot propose en général un puzzle par niveau, parfois deux. On essaie d’aller à gauche, ça ne marche pas ; après quelques morts, on essaie à droite, et là ça marche. On peut prendre un flingue qui traîne ou essayer de l’ôter des mains d’un autre type, mais les deux se valent car, dans tous les cas, les ennemis vont converger vers vous pour se faire cueillir un par un. À un moment donné, on peut se téléporter dans le corps d’un ennemi (le corps qu’on laisse meurt aussitôt) ; sept niveaux plus tard, le jeu est terminé. Les niveaux de Superhot sont très étroits, à l’image d’un Hotline Miami (Dennaton Games, 2012) ; et de la même façon qu’Hotline Miami 2 et ses cartes trop grandes nous faisaient comprendre pourquoi Hotline Miami 1 était meilleur, le dernier niveau de Superhot démontre qu’en dépit de l’idée géniale sur lequel il repose (et sur lequel reposait le prototype de 2013 dans lequel tout était déjà dit), Superhot ne scale pas.
Mais est-ce bien grave, un jeu d’action qui ne scale pas ? Au final, Superhot est suffisamment bref pour ne pas lasser, et son concept est suffisamment fort pour divertir, même s’il n’est abordé que superficiellement. Sa direction artistique, simple et efficace, fait très bien le job. La couche narrative, qui cède à la mode métafiction de l’époque (Undertale et Pony Island étaient sortis quelques mois avant), est uniquement là pour l’enrobage, tout comme les démos en art ASCII et le mini-jeu du bûcheron. Mais, de la même façon que le thème musical du générique de fin, un (excellent) vieux morceau du groupe polonais Republika, parle des chiens de Pavlov dans une langue que la majorité des joueurs ne comprendront pas, Superhot fait ce qu’il fait de son concept de base uniquement pour être cool. Et on ne lui en demande pas davantage.
Après coup : il se peut que les développeurs aient eux-même conscience de ne pas avoir exploré toute le potentiel de Superhot. Son portage en réalité virtuelle semble être un prolongement logique (à condition d’avoir les moyens financiers pour y jouer), et son expansion au format roguelike pourrait apporter la substance qui manque au jeu d’origine.
- LP