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LE MONDE ECONOMIE | 07.11.11 | 16h46 Mis jour le 08.11.11 | 12h07
Mon tiser massivement les dettes, faire baisser l'euro sur le march des
changes, permettre la r introduction de monnaies usage interne... Les "plans
B" ne manquent pas pour tenter de trouver une solution la crise de la dette.
1. CHANGER RADICALEMENT LA POLITIQUE MON TAIRE
Il existe encore un moyen d' viter le grand krach, avec ses cons quences impr
visibles. Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale europ enne (BCE) a
d'ailleurs ouvert tr s timidement cette porte, jeudi 3 novembre, en abaissant
son taux directeur 1,25 % quand ses consoeurs am ricaine ou japonaise
restent proches des 0 %. "L'explosion de la zone euro doit tre vit e",
souligne Jean-Pierre Vesperini, membre du Conseil d'analyse conomique (CAE),
pourtant adversaire de la cr ation de la monnaie unique.
Quelque chose cloche en effet dans la logique actuelle des plans europ ens.
"Soit on se contente d'une analyse de type "bouc missaire" c'est la faute
des Grecs, etc. Soit on se dit : quelque chose de plus profond est en train de
se r v ler, on a une construction qui ne fonctionne pas", explique l' conomiste
Alain Grandjean, de sensibilit cologiste. "Les quations math matiques sont
tr s simples. Tant que les taux d'int r t r els (une fois l'inflation d duite)
sont significativement sup rieurs au taux de croissance, aucun d sendettement
ne peut marcher, par simple effet boule de neige de la dette", ajoute-t-il. On
peut donc interroger, d'abord, la pertinence de la politique mon taire europ
enne.
Ainsi, plaide M. Vesperini, "la meilleure solution pour pr server l'euro r side
dans la mon tisation des dettes souveraines par la BCE, afin de faire baisser
les taux d'int r t long terme qui tranglent aujourd'hui non seulement les
petits pays p riph riques, mais galement l'Italie et l'Espagne".
Il pr ne aussi une baisse des taux court terme par la BCE. "Ces deux actions
permettraient de faire baisser le cours de l'euro jusqu' sa valeur d' quilibre
autour de 1,15 euro , ce qui permettrait une sortie de crise", dit-il. La
mon tisation des dettes a t en effet peu utilis e par la BCE, ce stade ;
elle s'est engag e dans cette voie environ dix fois moins au total que la R
serve f d rale am ricaine (Fed).
Antoine Brunet, pr sident d'AB March s, enfonce le clou : baisser les taux
d'int r t et mon tiser la dette ne suffira pas, selon lui. "Il faudra, comme
vient de le faire la Suisse avec succ s, proc der des interventions massives
sur le march des changes. Tant que l'Union conomique et mon taire (UEM)
continuera de rester le dindon de la plan te, elle s'enfoncera dans une crise
de plus en plus grave et de plus en plus insoluble", dit M. Brunet.
Tous les pays europ ens ont souffert d'une perte de comp titivit face au yuan,
la devise chinoise, y compris l'Allemagne. Cette derni re a surtout regagn sur
ses partenaires et donc accru son exc dent dans la zone euro. "Le d ficit budg
taire n'est ni le p re ni le jumeau du d ficit commercial, il en est le fils",
r sume M. Brunet.
Comme les interventions sont impossibles pour corriger le cours de l'euro face
au yuan "du fait du contr le des changes draconien que la Chine maintient
depuis toujours", il conseille que la BCE vende "en grande quantit des euros
qu'elle peut mettre sans difficult contre des dollars, contre des sterling,
contre des yens, contre des wons... jusqu' ce que l'euro recule enfin de 1,40
1 dollar et indirectement de 8,90 yuans 6,35 yuans". "Le plan B consiste
donc en un changement copernicien de la politique de change de l'UEM", conclut
M. Brunet. Pour cela, il faudrait qu'un gouvernement conomique de la zone euro
"dessaisisse officiellement la BCE de la d finition de la politique de change",
qu'elle a assum e de facto, profitant de la division entre les Etats membres,
alors que le trait de Maastricht ne lui en confiait que la mise en uvre.
2. EURO DU NORD ET EURO DU SUD : LES LIMITES D'UNE SCISSION
Un virage 180 degr s dans la politique mon taire permettrait sans doute
d'interrompre la crise conomique et financi re dans la zone euro. Mais il
resterait un autre probl me de fond r gler : les divergences conomiques
entre les pays. A c t de la monnaie unique, la bonne logique voudrait des m
canismes de transferts fiscaux accrus, sur le mod le du f d ralisme allemand ou
am ricain, afin de compenser les carts de d veloppement conomique.
Mais cette volution ou son corollaire - l' mission d'une dette europ enne :
les eurobonds ont jusqu'ici t refus s, notamment par Berlin. "La strat gie
allemande eurolib rale est, dans les faits, non coop rative au sein de
l'Europe. Elle se pr sente comme : 'chacun doit faire des efforts'. En fait,
cela ne se passe pas comme a. Si le meilleur de la classe s'en sort, c'est
parce qu'il y a des mauvais l ves dans la classe", souligne l' conomiste Alain
Grandjean.
R duire les carts de comp titivit entre la Rh nanie du Nord et le P loponn se
par la rigueur salariale et budg taire dans cette derni re r gion a montr ses
limites. Afin de r quilibrer les conomies, l'option d'une s paration entre
les pays "vertueux" et les pays "laxistes", dans deux euros de diff rentes
valeurs, a t voqu e par des conomistes au d but de la crise.
Toutefois, si l'op ration se r v lait une simple scission et un "l chage" du
Nord par le Sud, elle aurait de tr s nombreux inconv nients pour les deux
parties. "Un euro du Nord autour de l'Allemagne aurait sans doute sa coh rence,
m me s'il se r valuerait fortement, ce qui handicaperait le commerce ext rieur
de cette zone. C'est la raison pour laquelle la France ne devrait en aucun cas
en faire partie", explique Jean-Pierre Vesperini, professeur des universit s.
"De son c t , l'euro du Sud risquerait de manquer de coh rence. Si ce devait
tre le cas, il constituerait une tape vers le retour la souverainet mon
taire", ajoute-t-il.
Les deux euros seraient toujours soumis aux grands vents de la sp culation. Une
d valuation violente de l'euro du Sud et les d fauts de paiement par
changement d'unit mon taire des secteurs priv et public du Sud seraient
attendre.
Pour viter finalement les effets syst miques, les conomistes r fl chissent
donc un syst me d'ajustement par le taux change l'int rieur de la zone
euro.
3. PASSER DE LA MONNAIE UNIQUE LA "MONNAIE COMMUNE"
"Compte tenu des normes diff rentiels de comp titivit entre l'Italie,
l'Espagne, le Portugal et les pays du Nord, la solution la plus vidente
intellectuellement est d'avoir des sous-r gions dans la zone euro. Ou bien,
l'autre option est de passer de la monnaie unique la monnaie 'commune', en
instaurant un syst me de changes fixes mais ajustables entre chacun des membres
(de l'Union mon taire). Cela suppose de r introduire un contr le des changes d
s lors que circulent, en parall le, une monnaie 'interne' et une monnaie
'externe'", explique M. Grandjean.
Cette id e de plan B sous la forme d'une double circulation mon taire -
permettant de r introduire les monnaies nationales l'int rieur de la zone
euro tout en gardant une unit de compte semblable l'ancien ECU (European
Currency Unit) vis- -vis de l'ext rieur est notamment d fendue, comme
solution de secours, par l' conomiste Gabriel Galand sur son blog "ch mage et
monnaie" ou par son confr re Ga l Giraud, chercheur au CNRS.
Evidemment, cette monnaie commune n'aurait plus le m me usage quotidien. Mais
elle permettrait un r quilibrage progressif des conomies, sans passer par les
d valuations massives qu'accompagnerait, du jour au lendemain, la seule
introduction d'une nouvelle drachme, d'un nouvel escudo, d'une nouvelle peseta,
etc.
Ce serait donc un moyen de r duire progressivement les divergences conomiques
entre les pays, sans d stabiliser l'ensemble.
Ce syst me mon taire ne r soudrait pas tous les probl mes et n'emp cherait pas
que la BCE doive, au pr alable et au passage, mon tiser partiellement les
dettes publiques.
De m me, il devrait s'accompagner de plans massifs d'investissements dans toute
la zone, pour r aliser sa conversion conomique, nerg tique et
environnementale, permettant une croissance durable.
Ceci suppose aussi de mobiliser des financements aupr s de l'institut d'
mission Francfort. Ajout des formes de contr le des changes internes, ce
serait une r volution financi re. Mais l'innovation peut trouver sa place. M.
Galland propose, par exemple, de d finir des cours de change-cible entre les
monnaies nationales et de taxer proportionnellement, de plus en plus fort, les
transactions de change qui s'en loigneraient.
4. LAISSER L'ALLEMAGNE ET LES AUTRES "FAUCONS" S'ENVOLER
Dans la n gociation sur le sauvetage des pays en difficult , il est r guli
rement rappel qu'aucune clause de sortie n'est pr vue dans le trait de
Maastricht.
L'euro serait une voie sens unique, moins de d cider d'en sortir par un
acte souverain de rupture des trait s. Peu de pays sauf y tre accul s et
devoir choisir entre deux maux, comme la Gr ce ont int r t consid rer cette
hypoth se.
Mais les pays financi rement "bien portants" sont aussi ceux qui perdraient le
moins dans ce cas.
En effet, d j en exc dent, ils peuvent se permettre de voir leur monnaie se r
valuer et gagner ainsi en pouvoir d'achat vis- -vis de l'ext rieur.
La seule question d licate resterait celle des cr ances vis- -vis des Etats et
des conomies rest es dans l'euro, qui, de facto, se d pr cieraient. Mais cette
question peut tre n goci e. Car quitte ce que quelqu'un sorte, autant pour
ceux qui restent que ce soit le plus fort.
L'euro d pr ci face un nouveau deutschemark permettrait aux autres conomies
de regagner leur comp titivit . "En cas d' clatement, la solution la moins
douloureuse serait que l'Allemagne quitte la zone euro. Elle serait sans doute
suivie par des pays qui lui sont proches : l'Autriche, le Luxembourg, les
Pays-Bas, la Finlande et l'Estonie", pr voit M. Vesperini.
Cette solution ne serait pas la plus rationnelle, aujourd'hui, pour notre
premier partenaire conomique, m me si elle a un cho outre-Rhin : "La
nostalgie du deutschemark dans l'opinion publique allemande et son refus de
soutenir plus avant les pays en difficult favorisent cette option. La sortie
de l'Allemagne aboutirait une forte r valuation de sa monnaie qui la
priverait du coeur de ses exc dents commerciaux, ceux qu'elle r alise avec le
reste de la zone euro. Mais elle pourrait finir par l'accepter si la politique
mon taire de la BCE devenait trop contraire aux principes de la Bundesbank",
ajoute M. Vesperini.
En brisant le couple franco-allemand, la sc ne pr parerait de nombreuses d
convenues.
Mais en cas d' chec de la zone euro trouver la strat gie de sortie de crise,
en cas de divorce d j consomm et de risque d'une explosion de l'UEM par la
contagion des sorties des Etats les plus fragiles les uns la suite des
autres, provoquant un effet domino , ce serait un pis-aller un peu moins
mauvais.