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Prostitution: l Etat veut faire payer le client

decryptage

Dans un rapport rendu hier, des d put s proposent de cr er un d lit d achat de

service sexuel.

Par ALICE G RAUD Lyon, de notre correspondante, MICHEL HENRY, THOMAS PONTIROLI

La mission parlementaire d information sur la prostitution a un but ambitieux :

En finir avec le mythe du "plus vieux m tier du monde" . Car la prostitution

est une violence subie, en majorit par des femmes. D s lors, la perspective

des politiques publiques ne peut tre que celle d un monde sans prostitution ,

crit la mission. Qui a aussi une m thode, propos e hier en rendant son

rapport: p naliser le client.

Pourquoi p naliser ?

Gauche et droite s accordent sur le diagnostic. Il faut s int resser au

client, longtemps pass sous silence mais acteur central de la prostitution .

Objectif : Lui faire prendre conscience des implications de ces actes. Et

donc, le p naliser. En cr ant, par une loi, un d lit sanctionnant le recours

la prostitution d une peine de six mois de prison et de 3 000 euros d amende.

La responsabilisation du client ne constitue que l un des aspects d une

politique d ensemble , pr cise la mission, qui souhaite un meilleur

accompagnement social des prostitu es, et une lutte contre la traite.

Pour Guy Geoffroy, rapporteur de la mission, neuf prostitu es sur dix sont

exploit es . La prostitution est donc d abord, pour le d put UMP, une question

de dignit humaine et d in galit hommes-femmes.

Selon la mission, la prostitution ouvrirait des droits sur le corps d autrui,

notamment f minin, ent rinant dans les esprits l id e qu il s agit d un produit

disponible que tout homme peut l gitimement s approprier . La p nalisation

corrigerait cette id e.

Et elle peut se r v ler efficace, assure Guy Geoffroy : d apr s une valuation

r alis e en 2010 en Su de, la prostitution de rue a diminu de moiti , passant

de 800 400 personnes en dix ans, apr s la loi de 1999 p nalisant les clients.

Mais il y a eu un possible report dans les pays voisins ou bord de ferrys sur

la Baltique. La p nalisation peut aussi tre populaire : si seulement 30% des

Su dois l approuvaient en 1999, ils sont 75% aujourd hui, selon Geoffroy.

En France, un homme sur huit a d j eu recours une prestation sexuelle tarif

e, selon le Nid (association de r insertion des victimes de la prostitution).

18 000 20 000 personnes se prostituent dans l Hexagone, dont pr s de 80% de

femmes. Selon une tude du Nid en 2004, 37% des clients vivent en couple, 50%

sont p res de famille.

Les clients iront-ils vraiment en prison ?

Le but d un tel d lit ne serait pas, bien entendu, d emprisonner tous les

clients , indique la mission. En Su de, sur 650 clients punis depuis 1999,

aucune peine de prison ferme n a t prononc e, uniquement des amendes. Le but

est plut t d indiquer aux clients quelles sont les cons quences potentielles

de leur acte . La premi re infraction ne donnerait lieu qu un rappel la

loi. La mission pr conise une entr e en vigueur diff r e de la nouvelle

infraction : pendant six mois apr s la promulgation de la loi, on se limiterait

faire de la sensibilisation aupr s des clients.

Autre mesure propos e, en compl ment : prescrire au client de fr quenter une

structure par exemple associative, l informant sur la r alit de la

prostitution . Ce serait une obligation de soin comme celles qu on inflige

aux toxicomanes. On rencontre ce genre de structures aux Etats-Unis et au

Canada sous le terme d coles de clients . Petit hic, que Claude Gu ant, le

ministre de l Int rieur, rappelait la semaine derni re : p naliser les clients

pose un probl me de droit. Il est difficile de faire de la pratique du client

un d lit puisque la pratique de la prostitution n est, elle, pas un d lit.

Les prostitu es seront- elles mieux prot g es ?

Pour les associations et syndicats de d fense des droits des prostitu es, tr s

majoritairement oppos s, la p nalisation est une mesure liberticide . Elles

rel vent que les parlementaires de la mission, pr sid e par la socialiste Dani

le Bousquet, confondent trop souvent prostitution et exploitation. Or, selon

Tiphaine Besnard, du Strass (syndicat des travailleurs du sexe), 90% des

prostitu es le sont par choix . Selon lui, seule la l galisation de la

prostitution permettrait de mieux d celer l exploitation et de lutter contre .

Les associations sont surtout inqui tes des risques de pr carisation (lire

ci-dessous) : avec un client devenu d linquant, les prostitu es n auront plus

le temps de le choisir, elles devront s isoler. La p nalisation des clients

risque de baisser leur nombre et d amoindrir les revenus des prostitu es.

Celles-ci craignent une augmentation du non-paiement des passes, donc des

viols, accompagn s d actes violents , explique Tiphaine Bernard. Sans compter

les cons quences sanitaires : Act-up craint un recul dans l utilisation des pr

servatifs.

Il y a aussi derri re ce projet une vraie injustice sociale, ajoute Karen,

porte-parole des prostitu es lyonnaises. Cette mesure ne touchera pas la

prostitution de luxe. Mais les petites prostitu es et leurs petits clients. Il

y a quelques semaines, Sarah-Marie Maffesoli, du collectif Droit et

prostitution, concluait ainsi les assises nationales de la prostitution Lyon

: P naliser le client est un moyen d tourn pour prohiber la prostitution.

Cela pose la question de la libert sexuelle de chacun. C est une loi

symbolique, port e par des f ministes d arri re-garde.