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Quand les adolescentes se d shabillent sur Internet

LE MONDE | 07.09.09 | 15h03 Mis jour le 07.09.09 | 15h03

Le site Skyrock.com, premier r seau social chez les 15-24 ans avec vingt-six

millions de blogs, est un miroir grossissant pour qui veut tudier les

pratiques extr mes des adolescents : talage de pens es suicidaires, apologie

de l'anorexie, exhibitionnisme - plus ou moins contraint - y sont monnaie

courante. Mais chaque rentr e des nouvelles trouvailles apparaissent : "On

attend septembre avec crainte, confirme V ronique Fima-Fromager, pr sidente

d'Action Innocence France. A chaque fois, ils nous sortent de nouvelles

conneries ! La tendance 2008, c' tait de filmer ses petits camarades en train

de faire pipi."

Cette ann e, l'ONG parie sur les "d dipix", des photos-d dicaces que des gar

ons demandent des adolescentes, parfois tr s jeunes, en change de

commentaires (com's) sur leur blog. Sur la plan te 2.0, en effet, la popularit

se mesure en nombre de visites et en volume de commentaires. Une logique que

Michael Stora, psychanalyste, qualifie d'"audimat intime".

Probl me : sur ce march de la reconnaissance virtuelle, les jeunes filles se

montrent souvent d nud es. Si un petit mot sur une feuille s' change contre

cinquante commentaires, la photo d'un bras en vaut cent, un d collet deux

cents, et une cuisse cart e trois cents. Un marchandage qui d passe le d

shabillage "jusque-l effectu sous le chantage ou la menace", comme le pr cise

Dominique Delorme, pr sident d'E-enfance. Il voque notamment le "sexting", une

pratique au cours de laquelle un adolescent prend des photos ou des vid os

caract re sexuel de sa petite amie avec son t l phone portable avant de les

faire circuler (Le Monde du 20 ao t 2009).

Lorsqu'ils rappellent les r gles de la "d dipix", SheiTaN, Juju, Amin-Ro et les

autres pr cisent dans leur langage SMS : "Ce concour est ke pour les filles" et

"Si tu veux tre anonyme prend une foto et met pa ta t te, c tout". Dr le de

conception du droit l'image. Savent-ils que publier des photos de mineurs sur

leur blog requiert l'accord de leurs parents ? Pour Michael Stora, "les ados

d'aujourd'hui sont n s avec le tout-image. Le "droit l'image", a ne leur

parle pas".

Le sp cialiste des adolescents et de la vie num rique g re la cellule de

soutien psychologique de Skyrock.com, fond e en 2008 pour les cas d'anorexie et

de suicide. Car la popularit croissante des Skyblogs a rendu n cessaire la

protection des plus jeunes. Depuis leur cr ation en 2002, les outils de

surveillance de contenu se sont multipli s : une blacklist de 1 500 mots-cl s

permet, par exemple, un filtrage automatique.

Surtout, une centaine de mod rateurs re oit chaque jour 2 500 signalements de

contenus contraires la charte d'utilisation ou la loi. Un million d'images

sont valid es et 32 000 sont supprim es, selon des crit res tr s pr cis : "Il

faut voir s'il y a une nudit provocante, explique J r me Aguesse, directeur de

la production d l gu la s curit et la pr vention chez Skyrock.com. Si on

voit les t tons ou les parties g nitales, les photos sont supprim es. Pour le

reste, vous tes dans le cadre l gal. Quant la question de la moralit , notre

qualit d'h bergeur fait qu'on ne se la pose pas." Seules cinq ou six de ces

alertes concerneraient des d dipix : "Une temp te dans un verre d'eau", pour J

r me Aguesse.

Reste que cette pratique, impossible chiffrer, marque une volution : "Le d

shabillage a commenc avec la photo sur les t l phones portables, c'est vieux

comme le monde, note V ronique Fima-Fromager. Ce qui m'inqui te, c'est le

prochain pas. L , les filles marchandent leur soutien-gorge. Qu'est-ce qu'on va

leur demander en change d'un bout de sein ?"

D'autant que la qu te de popularit va parfois tr s loin : "Un jour, j'ai

contact une adolescente car elle avait mis, sur son Skyblog, un texte sur son

d sir de mourir, raconte Michael Stora. Elle m'a r pondu : "Il ne faut pas vous

inqui ter vous savez, j'ai re u 400 commentaires et 2 000 clics !"" Skyrock.com

consacre un million d'euros, soit 5 % de son chiffre d'affaires, la mod

ration.

Pas assez pour touffer le scepticisme des associations de protection de

l'enfance. "Ils ont beau faire des chartes, ce qui fait vendre, l'image m me de

Sky, c'est le trash !", estime V ronique Fima-Fromager. D'autant qu'un buzz est

toujours bon pour une plate-forme au mod le conomique enti rement bas sur la

publicit . Les "d dipix", en tout cas, n'ont pas tard faire parler d'elles.

Marion Quillard