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Sur Mastodon, en 2020, j’ai posté 119 morceaux de Frank Zappa (oui, j’ai compté). De mon point de vue, ce n’est vraiment pas énorme, mais vous avez le droit de me traiter de lourdingue…

Vous l’aurez compris, je suis Zappaddict.

Tout a commencé à la fin des années 70 quand j’ai commencé à écouter du rock. J’ai très vite été attiré par le rock progressif, le jazz-rock et d’autres musiques expérimentales plus ou moins bizarres pratiquant toutes sortes de mélanges de genres musicaux. Il faut dire que c’était un peu une mode à l’époque et pour moi Zappa était un parmi beaucoup d’autres. Je sentais bien qu’il était différent et unique, mais je n’appréciais pas à quel point et je ne comprenais pas vraiment ses paroles.

Le premier album que j’ai acheté était Joe's Garage, à sa sortie. Je l’ai trouvé plutôt en dessous de ce que je connaissais déjà (comme Apostrophe ou One Size Fits All) avant de m’apercevoir, des années plus tard, à quel point c’est un pur chef-d’œuvre. J’ai également acheté Hot Rats, Zappa in New York qui m’a partiellement révélé la performance que pouvaient être ses concerts, puis Chunga's Revenge, The Grand Wazoo. La mayonnaise commençait à prendre, je pouvais l’écouter en boucle sans me lasser, les styles de musiques étaient différents d’un album à l’autre, mais on pouvait reconnaître sa patte, je ne comprenais pas exactement pourquoi, comment et je sentais qu’il y avait beaucoup à découvrir.

En 82 je suis allé le voir en concert, la suite ne va pas vous étonner…

Dire que j’ai failli ne pas y aller, toutes sortes de bruits circulaient sur ses concerts, notamment qu’il n’aimait pas trop les Français et qu’il faisait un service minimum, qu’il ne parlait pas, car nous ne comprenons pas et qu’il passait le concert assis à fumer des clopes.

Bon, j’y suis allé, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, d’autant plus qu’il sortait tellement d’albums qu’il était difficile de suivre. Je pensais plutôt à du jazz-rock un peu foutraque, mais j’ai assisté à une espèce de concert de musique classique, avec Frank à la baguette.

Premier choc, le son est parfait dans cette salle bordelaise où ce n’était habituellement pas du tout le cas. Ils sont nombreux sur scène, réglés à la milliseconde, enchaînant 3 ou 4 morceaux sans coupure et s’arrêtant comme si on avait coupé l’électricité.

Ce n’était pas un orchestre symphonique jouant du classique, mais ça en avait la forme, j’étais incapable de reconnaître s’il y avait des moments d’improvisation ou si absolument tout était écrit. Cette perfection dans l’exécution d’une musique que j’appréciais particulièrement m’a provoqué un long “eargasm”. Quelle performance, je n’en croyais pas mes oreilles, j’étais éberlué, hypnotisé, sur le cul, comme on dit.

Ce soir-là j’ai compris combien Zappa était différent, génial et extrêmement sérieux dans tout ce qu’il faisait. Lui et ses musiciens n’étaient pas seulement des virtuoses, ils étaient de vrais professionnels, rien à voir avec une bande de rockeurs qui répètent dans leur garage en fumant des pétards…

J’ai appris bien plus tard qu’avant de partir en tournée, ils faisaient 2 mois de répétitions, 8 heures par jour, 6 jours sur 7. Dans une interview, il dit qu’il leur fait jouer et rejouer chaque morceau jusqu’à ce qu’il sorte par les yeux de tout le monde.

Ensuite, bien sûr, j’ai acheté et écouté tout ce que je pouvais trouver.

À la fin des années 80 j’ai fait de gros progrès en anglais et j’ai commencé à me pencher sérieusement sur ses paroles. Mon addiction a grimpé d’un cran.

Il est mort en 93, tristesse et colère !

J’ai également lu quelques bouquins, plutôt sur sa musique, la vie des artistes m’intéresse toujours beaucoup moins que leur œuvre. Je recommande chaudement Économie Eskimo, le rêve de Zappa de Pacôme Thiellement. Très intello, mais je l’ai lu pratiquement d’une traite, il dissèque les paroles de l’album Apostrophe, principalement.

Au début du web grand public, j’ai téléchargé pas mal de musique et lu des articles le concernant, plus j’en apprenais, plus ça me passionnait, plus je voulais en savoir davantage.

Le point culminant a été atteint aux débuts de YouTube. C’est simple, je n’écoutais pratiquement plus que Lui !

Si bien que mon épouse me disait : « Encore Zappa ! Mais t’es amoureux, ou quoi ? »

Je recherchais frénétiquement ses vidéos, j’en voulais toujours plus…

Un jour je suis tombé sur un commentaire en français qui disait : « Le problème avec lui, c’est qu’après tout paraît fade ».

C’était bien ça mon “problème”, quand j’écoutais autre chose, même des gens que j’adorais comme J.J. Cale ou Rory Gallagher, ma réaction était : Ouais, bof, c’est sympa, mais ça m’éclate pas.

J’ai fini par me forcer à écouter autre chose et à essayer de découvrir des musiciens ou des groupes plus actuels. J’y suis bien arrivé, je prends plaisir à écouter toutes sortes de musiques, mais je cherche toujours quelqu’un qui me ferait le même effet tout en pensant que ça ne doit pas être possible. Bref, pour moi, en matière de musique il y aura toujours Zappa et le reste.

Et comment voulez-vous que ça me passe, des albums continuent de sortir, il remaniait constamment ses morceaux et enregistrait tout. Il sortira encore des versions inédites intéressantes après ma mort, c’est à la fois frustrant et pas si grave vu que je ne me lasse pas de 95% de ce que je connais de lui et que je ne comprendrai jamais exactement tout ce qu’il a voulu dire.

Je laisse le dernier mot à Gail (sa veuve, partie le rejoindre en 2015) que je ne remercie pas d’avoir bloqué toute sortie (ou presque) pendant des années et fait retirer des vidéos au nom du droit d’auteur, mais au moins elle a dit quelque chose qui me plaît : « Il n’y a pas d’ex-fan de Zappa ».