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Open space, open stress

(Reuters)

Bureau. De plus en plus de salari s souffrent de la mode du sans cloisons.

CHLO ANDRIES

QUOTIDIEN : mardi 11 mars 2008

Travailler en open space . Dans un bureau ouvert. Rien que de le dire, a en

jette. Tout de suite on devrait se sentir libres, motiv s, les chakras

ultra-ouverts. Plus de dix ans que les designers de bureaux nous bassinent avec

a. Comme si c tait l eldorado de la vie au travail, la solution pour faire

tomber les barri res, d velopper la synergie entre les employ s, j en passe. R

sultat, les salari s sont de plus en plus nombreux bosser dans de grands

bureaux pleins craquer. Et 60 % d entre eux seraient au bord de la crise de

nerfs, selon le Journal du Net.

Pierre, 30 ans, confirme. Il a travaill pendant un an dans un bureau de 100

personnes. Sans cloisons. Les premiers jours, c tait le r ve. Une impression

que tout est possible, que les chefs sont accessibles, que a bouillonne. A

peine un mois plus tard, le jeune open spacer p te les plombs. Tout le monde

surveillait tout le monde. Impossible de surfer sur le Net sans que le coll gue

de derri re n ait les yeux riv s sur mon ordinateur. Ni de t l phoner sans la d

sagr able impression d tre en permanence sur coute. Pour couronner le tout,

le jeune cadre en pince pour une petite brunette au bout de l open space. Je

la regardais tout le temps, piais ses faits et gestes, n arrivais plus me

concentrer. L horreur.

M me topo pour J r me, ex-salari d une entreprise automobile. Apr s trois ans

dans un open space d une vingtaine de personnes, le trentenaire est pass pro

des strat gies machiav liques d vitement. Pour prendre une pause-caf avec un

coll gue, sans que tout le monde ne ragote ou rapplique, on s envoyait des

mails, pour se pr venir. Puis on partait, chacun son tour, pour se retrouver

l tage inf rieur. Quant au c r monial du d part de la bo te chaque soir, c

est du grand art. Entre 18 h 3 et 18 h 12, tout le monde partait au

compte-gouttes, pour prendre les quelques trains en direction de Paris. Le but

du jeu tait de calculer le temps suffisant pour ne pas croiser le coll gue sur

la route, sans louper le train pour autant. Tout a, J r me ne veut plus le

vivre. J tais compl tement chloroform dans mon boulot par cette tyrannie

invisible. Heureusement pour lui, la moiti des entreprises au moins ont

conserv les bureaux ferm s d antan.

Prototypes. Mais la tendance est bien l ouverture. Pour Th r se Evette,

sociologue, l open space est devenu une doctrine que personne ne remet en

question. Il faut ouvrir les espaces, pour plus de communication et donc d

efficacit . Or la qualit et la productivit de ces changes restent mesurer.

Comme le rappelle la sociologue : Dans les ann es 60, cette tendance tait d

j apparue avec les bureaux paysagers, avant de retomber dans les ann es 80.

Patrons comme employ s n y trouvaient pas toujours leur compte. Mais depuis dix

ans, on y revient et a ne s arr te pas. Cela est aussi souvent li la volont

de rentabiliser les m tres carr s. Et le probl me, c est que les solutions

propos es ne sont que des toilettages cosm tiques.

Justement, parlons-en de ces solutions, imagin es par les designers de bureaux

et autre space planners . Philippe Meurice est architecte sp cialis dans l am

nagement des bureaux. Pour lui, l essentiel est de penser l espace en

fonction des t ches de chacun. Des zones ouvertes, pour une vingtaine de

personnes maximum qui travaillent ensemble, mais aussi des coins d tente et des

salles closes pour permettre chacun de s isoler. Dans les faits, a marche

parfois, mais souvent, voil ce que a donne.

Dans l entreprise de J r me, quelques mini-salles isol es ont pouss a et l .

Une fois qu on est dedans, c est plut t pas mal. Mais il faut s inscrire sur

le planning. Donc pr voir une semaine l avance le moment o l on aura besoin

de s isoler. Quant la bo te de pub o travaille Marie, 42 ans, elle a opt

pour des cloisons et coll une moquette sp ciale antibruit. C est vrai que le

bourdonnement a disparu. Mais les cloisons s arr tent pile hauteur du cou. R

sultat, on continue de s pier.

Conscients du mal- tre des salari s, les experts continuent de plancher. Et

inventent des prototypes destin s tre implant s dans les open space. Le must

en la mati re, c est la digital yurt ( pargnons au lecteur la gen se fumeuse d

une expression que seuls des space planners peuvent comprendre). En gros, il

s agit d un petit cocon moiti ferm dot d un canap en demi-cercle, le tout

baign d une lumi re jaune tamis e. A voir, tout a ressemble plus un nid de

drague qu autre chose, mais Benjamin Girard, charg de communication chez

Steelcase, le fabricant de ce petit ovni, nous explique le pourquoi du comment

: Il s agit de cr er un espace cosy, avec l id e qu en laissant aller le

corps, on pourra lib rer l esprit. Tout un programme. Bon, personne n a encore

achet la yurt, mais apr s tout, il s agit d un projet prospectif.

Kit de survie. En attendant que les inventeurs de tous poils accouchent,

quelques courageux salari s ont trouv une solution qui pourra au moins nous

distraire. Un petit malin a commercialis un kit de survie en open space sur

Internet. Pour 19,99 dollars (13 euros), vous pouvez donc vous faire livrer un

petit paquetage comprenant entre autres des boules Qui s, une pince linge et

un r troviseur. Sinon, sur Facebook, J r me a cr le Groupe de lib ration des

d tenus des open space fran ais. a ne sert strictement rien, mais a d

foule.