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28 octobre 2012 19:06
enqu te Les blogueurs sont de plus en plus courtis s et pay s par les
entreprises pour faire la promotion de produits, au risque de flirter avec l
ill galit et de perdre toute cr dibilt .
Par MICH LE FOIN
Quand on interroge un blogueur influent sur son rapport aux marques, il
commence par se raidir, puis l che : Je vous pr viens tout de suite, je ne
vous donnerai aucun chiffre sur ma r mun ration ! Soup ons et raccourcis sur
ces stars de la blogosph re vendues aux marques ont laiss des traces Le
blogueur ind pendant des premi res heures aurait-t-il vendu son me en se
professionnalisant ?
Il ne faut pas faire d amalgames, temp re Na l Hamameh, directeur associ de
You to You, une agence de communication interactive. 99,9% des blogs n attirent
gu re plus d une centaine de visiteurs par mois. En clair, si plusieurs
millions de personnes tiennent aujourd hui un blog en France, ceux qui peuvent
int resser les marques se comptent plut t par centaines. Pour ces derniers, la
mue vers la professionnalisation s est faite tr s rapidement. Ainsi, en peine
trois ans, le blog Presse-Citron d Eric Dupin a atteint 2 millions de pages
vues par mois et est devenu une r f rence dans le domaine high-tech. La mode
est galement un cr neau porteur. La blogueuse, c est la bonne copine
virtuelle qu on consulte en amont d un achat. En cinq ans, certaines sont
devenues de v ritables leaders d opinion , explique Elodie Jacquemond, agent de
blogueuses.
A tel point que l influence des blogueurs les plus connus en terme de
prescription d achat approche d sormais celle des m dias traditionnels. Selon l
enqu te Technorati 2011 sur la blogosph re mondiale, 42% des consommateurs
utilisent les blogs comme source d information et 30% ach tent un produit sur
la base des informations qu ils y ont trouv es.
Publi-reportage
Alors aujourd hui, tout est bon pour taper dans l il de cette copine
virtuelle . C est ce que les agences de com appellent le marketing d influence
. Du simple communiqu , l envoi de cadeaux, en passant par des v nements tr
s selects jusqu o sont pr tes aller les marques pour placer leurs produits
sur un blog renomm ? Les entreprises ont tout int r t respecter l ind
pendance du blogueur si elles veulent cr er un affect autour de la marque ,
estime Alexandra Andr , pr sidente de Vecteur d image, une agence conseil en
strat gie d influence.
Et pourtant, certaines entreprises y vont franco. On me livre des cadeaux chez
moi, sans m en avertir, et je suis ensuite harcel e pour en parler sur mon blog
! s insurge Marie (MarieLuvPink). Le blogueur grenoblois Olivier Jadzinski
confirme ces pressions. Il a accept l invitation d une grande marque sur un
salon parisien d di l lectronique, avec transports, repas, et soir es VIP :
Ils ont tout fait pour que je ne puisse pas m int resser aux concurrents. L
ann e d apr s, j ai pos mes conditions. En r ponse, la soci t a accus r
ception de mon refus de participer l v nement. Mais, selon lui, d autres
blogueurs rentrent bien vite dans les clous pour continuer b n ficier des
faveurs des marques Expert du r f rencement, Pierre-Henri Bourdeau, de l
agence web Kaliseo, confirme : L internaute a encore en t te l image du
blogueur passionn , altruiste, qui crit des billets titre personnel. Mais
cette image est totalement obsol te pour les plus influents, qui sont devenus
de v ritables petites entreprises. La majorit de leurs billets colle l
actualit des annonceurs ou leurs programmes d int ressement.
Or l ind pendance du blogueur, tout le monde a int r t ce que le lecteur
continue y croire : les blogueurs qui veulent conserver leur audience comme
les marques qui pr f rent une recommandation ditoriale une publicit . J ai
une audience cibl e, combien tu me paies pour la toucher ?
Avec la mon tisation , une partie de la blogosph re vit d sormais dans l
ambigu t . Depuis 2009, la publicit s est invit e dans le contenu, les
entreprises r mun rant les blogueurs pour tester leurs produits. Les billets
sponsoris s, l quivalent du bon vieux publi-reportage dans la presse,
fleurissent sur la Toile. A la diff rence pr s que l auteur du blog et celui du
billet sponsoris ne font qu un. D apr s Technorati, 30% des blogueurs
professionnels y ont eu recours en 2011. Je suis pay , mais je reste ind
pendant ! clame le blogueur pro outr que l on remette en cause son int grit .
You to You a m me invent le concept de billet ind pendant sponsoris pour l
gitimer la pratique.
Autocensure
Sur une ann e, cela ne repr sente pas plus de 5% du contenu total de
Presse-Citron , se d fend Eric Dupin. C cile (The Beauty and The Geek) s
accorde un peu plus de latitude avec un billet sponsoris par semaine : Mais
les billets sponsoris s viennent en plus du contenu habituel, et je ne
travaille qu avec des marques avec lesquelles je suis en totale affinit ,
affirme cette blogueuse mode et beaut . M me son de cloche pour Presse-Citron :
Un test produit, c est du travail. J vite de tester ce qui ne me pla t pas.
Quand un client paie cher pour un post, je ne vais pas le d monter. Quand je
m exprime, c est pour dire du bien. Sinon, je me tais , l che Kenza (La Revue
de Kenza), une blogueuse mode qui caracole 20 000 visiteurs par jour, et dont
certains billets sponsoris s peuvent lui rapporter jusqu 2 000 euros.
Pas de questionnements d ontologiques superflus pour ces blogueurs. Car,
officiellement, leur profession n en est pas une. Selon une enqu te men e en
2012 par Vecteur d image et Buzzea, 30% des blogueurs sponsoris s refusent de
poursuivre une campagne de communication si leur libert de ton est bafou e. Et
70% pratiqueraient donc l autocensure
Quant faire clignoter la mention billet sponsoris , selon Nicolas Nauche,
directeur commercial France de Zanox, une plate-forme d affiliation qui met en
relation diteurs de contenus et marques, il y a deux camps : les adeptes de la
transparence totale et ceux qui n y voient pas d int r t. Si Eric Dupin se dit
intransigeant sur le sujet, d autres louvoient. Kenza, toujours aussi franche,
essaie de ne pas rendre l article moche et pr f re le sugg rer mots
couverts dans ses posts. Marie h site : a d pend si la marque le demande ou
pas , puis finit par l cher : Certaines marques ne veulent pas forc ment qu on
l indique
Pourtant, c est la loi ! Ne pas mentionner qu un article est sponsoris rel ve
des pratiques commerciales trompeuses, passibles d un maximum de deux ans d
emprisonnement et de 37 500 euros d amende , explique Mathieu Prud homme,
avocat sp cialis chez Alain Bensoussan Avocats.
La poule et l uf
Une autre pratique tr s lucrative consiste ins rer dans ses billets des liens
sponsoris s vers les sites o le lecteur pourra acheter les produits mis en
avant. Le blogueur touche alors une commission, de 2% 3% du prix de vente
pour des produits techniques et jusqu 10% dans l habillement, selon Zanox.
Comment a marche ? Les marques proposent des programmes de r mun ration, via
les plates-formes d affiliation comme Zanox ou Netaffiliation. Le blogueur n a
plus qu piocher parmi les produits qui correspondent son univers et ins rer
les liens sur son blog. Ensuite, c est la plate-forme qui comptabilise les
achats et r mun re le blogueur. Violette (Soit belle et parle) reste sceptique
: Mes lectrices pourraient avoir l impression que je montre sp cialement ce
produit-l parce que je touche une commission dessus. Eric Dupin est du m me
avis : Nous pourrions gagner pas mal d argent, car nous sommes tr s
prescripteurs. Mais je trouve boiteux de faire un test produit en profondeur,
pour conclure : "C est par ici que a se passe, et je touche ma commission au
passage" !
S il n y a rien d ill gal sur le principe de l affiliation, ces liens
sponsoris s devraient tre signal s comme tels pour viter tout risque de
condamnation , d apr s Mathieu Prud homme. Sur le blog Comme un camion (mode
masculine), les posts se terminent syst matiquement par des liens affili s,
sans avertissement. Sur MarieLuvPink, ils ne sont pas plus signal s. Les
blogueurs jurent qu ils choisissent d abord les produits et regardent ensuite
si la marque propose un programme d affiliation. Mais comme pour la poule et l
uf, le lecteur ne pourra jamais savoir qui du ch que ou du coup de c ur a
motiv l criture d un billet. Au final, c est la cr dibilit de la blogosph re
qui risque d en p tir. Et tant pis pour l immense majorit des blogueurs
totalement d sint ress s.
Dessin Rocco