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Immobilier : jusqu'o la hausse des prix ira-t-elle ?

LEMONDE.FR | 01.02.12 | 21h01 Mis jour le 02.02.12 | 10h40

Les professionnels de l'immobilier attendent une baisse des prix en 2012.AFP/

PATRICK KOVARIK

La hausse des prix de l'immobilier en France depuis plusieurs ann es est-il le

fait d'une bulle sp culative ou correspond simple gonflement rationnel des

prix dans un contexte d'offre rare ?

Le concept de "bulle" est fond sur un pari : si les prix de l'immobilier sont

lev s un moment donn , c'est parce les investisseurs estiment qu'ils le

seront plus encore, et ce m me si les fondamentaux ne semblent pas justifier un

tel niveau de prix.

Entre 1998 et 2010, les prix de l'immobilier ont augment de 141 % (Insee).

Tout l'enjeu est de savoir comment le march de l'immobilier va voluer, et r v

ler ou non cette fameuse bulle, dont l'existence n'est g n ralement av r e que

lorsqu'elle clate.

Des aides la pierre en diminution

L'ann e 2012 marque la fin de nombreux cadeaux fiscaux aux investisseurs.

Dernier en date, celui permettant l'exon ration de taxes sur les plus-values

immobili res, s rieusement rabot depuis mercredi 1er f vrier. Celle-ci

concerne tous les biens immobiliers, hors r sidence principale (r sidence

secondaire, bien locatif, terrain b tir).

Cette r forme pourrait accentuer l'effet de r tention de l'offre, d j forte,

qui d note une tendance la sp culation de la part des investisseurs : les

propri taires, qui rechignent d j vendre et font par cons quent monter les

ench res, pourraient attendre plus longtemps encore avant de se s parer de

leurs biens concern s par la r forme. En p riode de crise et dans un contexte

de p nurie de logements, la pierre est plus que jamais une valeur refuge.

Outre les plus-values immobili res, le d but de l'ann e a sign la fin ou la r

duction de plusieurs autres aides la pierre : la suppression du pr t taux z

ro pour l'achat de logements anciens, la forte baisse des avantages fiscaux du

dispositif Scellier et la hausse de la TVA sur les travaux et sur l'accession

sociale la propri t , de 5,5 % 7 %.

Des conditions de cr dit "satisfaisantes"

Ces avantages avaient jusqu'ici fortement contribu la bonne sant du march

du pr t. "En 2011, les conditions de cr dit sont rest es tout fait

satisfaisantes", explique Michel Mouillart, professeur d' conomie l'Universit

Paris-Ouest et auteur d'une tude de l'Observatoire cr dit logement-CSA publi

e en janvier.

Si les taux d'int r t ont enregistr une l g re hausse depuis la fin de l'ann e

2011 (3,94 % en moyenne en d cembre contre 3,25 % en novembre 2010) selon

l'Observatoire, ceux-ci restent historiquement bas et permettent

l'endettement des m nages fran ais de rester bien en dessous de celui des Am

ricains ou des Espagnols, tr s touch s par l'effondrement du secteur

immobilier.

"En France, on ne constate pas une envol e de l'investissement (...) dans

l'immobilier qui aurait pu justifier une embard e comme celle qu'on a vue dans

les pays anglo-saxons ou en Espagne", expliquait, l'occasion de la

publication d'une tude de l'Insee en mai 2011, Jean-Philippe Cotis, le

directeur g n ral de l'institut statistique, balayant alors toute hypoth se de

bulle.

Dans une interview la Tribune, en janvier, le sp cialiste des march s Marc

Fiorentino saluait de son c t le r le des banques fran aises qui "sont rest es

rigoureuses, qu'il s'agisse de la r gle de 20 % d'apport personnel minimum ou

bien de celle imposant une capacit de remboursement d'au moins un tiers du

revenu disponible apr s imp ts". Dans les coulisses des banques, le discours a

pourtant nettement volu , et bon nombre de m nages s'endettent hauteur de

plus d'un tiers de leur revenu, et n'ont parfois m me aucun apport fournir

leur banquier.

L'offre reste rare

Une tude du Centre d'analyse strat gique publi e en mai se montrait plus

alarmiste et s'inqui tait de la survenue d'une bulle. Le document montre qu'au

cours des vingt-cinq derni res ann es, le prix r el des logements anciens, hors

inflation, a t multipli par deux, tandis que les loyers progressaient de

seulement 30 %. Un d calage du m me ordre est galement notable par rapport aux

revenus des m nages (+ 43 %).

Pour Jean-Philippe Cotis, ce d calage s'explique principalement par la p nurie

d'offre. "On est plus du c t de la sph re r elle de l' conomie et de la raret

physique que du c t de complications financi res", analysait-il, toujours en

mai. D'ailleurs, alors que le march s' tait violemment contract entre 2008 et

2009 (moins un tiers de transactions), les prix ont pourtant peine baiss .

Conscient du poids du prix du logement sur les budgets fran ais, Nicolas

Sarkozy souhaite rem dier la p nurie de logements gr ce deux mesures,

annonc es dimanche : un rel vement des droits construire sur les habitations

30 %, sauf opposition des communes, et la mise disposition de terrains

publics.

La premi re mesure "sera appr ci e des propri taires de maisons qui veulent

s'agrandir mais elle ne contribuera que tr s marginalement la diminution du

prix des logements", estime Guy Portmann, pr sident de France Terre et vice-pr

sident de la F d ration des promoteurs immobiliers. "Les principaux facteurs

qui jouent sur le prix du foncier ne sont pas trait s, en particulier la

fiscalit des plus-values immobili res, qui aggrave la r tention des terrains

par les propri taires. Cette r tention g n re une p nurie qui conduit la

hausse des prix", d plore M. Portmann.

Une baisse des prix et des cr dits attendue en 2012

Cet infl chissement, amorc cet t en Ile-de-France, devrait devenir

significatif en 2012, selon la majorit des grands r seaux d'agences immobili

res et des banques.

Reste savoir si les taux de cr dit immobilier vont augmenter, et dans quelle

proportion. Selon une tude de la Banque de France, un peu plus d'un tiers des

tablissements bancaires ont durci leurs conditions de cr dit immobilier aux

entreprises au quatri me trimestre 2011. La majorit d'entre elles

anticiperaient une baisse de la demande au premier trimestre 2012.

D'autre part, les nouvelles normes impos es dans le cadre de B le 3, qui

obligent les banques augmenter leur ratio de fonds propres, pourraient avoir

pour cons quence de diminuer les ressources disponibles pour le cr dit aux

particuliers.

Xavier Lacombe, directeur associ du cabinet Art mis Courtage, se veut plus

rassurant. "Les m nages fran ais ont compris que les taux restaient bas. Les

banques sont toujours la recherche de client le via les pr ts immobiliers,

malgr un contexte conomique plus difficile", souligne-t-il.

Il conc de cependant que le volume des transactions risque d' tre moins

important qu'en 2011, "une ann e exceptionnelle pour le secteur du cr dit. Nous

sommes dans une p riode de transition due l' lection pr sidentielle. Les m

nages fran ais attendent en g n ral de savoir quelles mesures fiscales vont

tre adopt es", explique M. Lacombe.

En 2012, l' volution du march immobilier d pendra particuli rement des capacit

s de financement propos es par les banques, mais aussi de la confiance que les

investisseurs leur accorderont. Si la pierre reste une valeur refuge, les

particuliers ne sont pas pr ts y investir leurs conomies tout prix,

surtout l'heure o les avantages fiscaux se r duisent comme peau de chagrin.

Les lections ainsi que l'application des r gles de B le 3 et leurs r

percussions sur le cr dit seront donc d terminantes.

Anna Villechenon