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V nissieux (Rh ne), envoy e sp ciale - C'est une belle histoire. Elle permet
d'esp rer dans une fili re celle des quipementiers automobiles qui a connu,
ces derni res ann es, plus de drames que de success stories. En janvier 2012,
l'usine Bosch de V nissieux (Rh ne) commencera produire des panneaux
photovolta ques. En avril, la deuxi me ligne de montage sera mise en service
dans les locaux r nov s et flambant neufs o se fabriquaient, il y a peu, des
pompes Diesel.
En d cembre 2009, le site semblait promis une fermeture rapide. Il y a chapp
au prix d'une reconversion exigeante, pour laquelle se sont mobilis s,
pendant un an, les directions de l'usine (850 salari s) et de Bosch France (8
400 salari s), plusieurs dirigeants du groupe allemand (300 000 salari s),
l'ensemble des syndicats, un expert conomique (le cabinet Syndex) et des
intervenants ext rieurs, comme l'Agence de d veloppement conomique de la r
gion lyonnaise (Aderly) et les lus locaux.
Un cocktail in dit de bonnes volont s, d'intelligence des situations et de
dialogue social l'allemande dans une usine bien fran aise, avec une CFDT
majoritaire (56,3 % des voix) et une CGT en embuscade (28 %), a permis de
sauver l'usine et 400 emplois. Le fait que Bosch est une fondation pr serv e
des pressions d'actionnaires exigeant des retours sur investissement imm diats,
n'est pas pour rien non plus dans la capacit de l'industriel prendre des d
cisions de moyen et de long terme.
"TROUVER UN PRODUIT DE SUBSTITUTION"
Pour autant, tout n'a pas t simple. Le 3 d cembre 2009, Marc Soubitez, secr
taire CFDT du comit d'entreprise de l'usine, monte Paris pour rencontrer le
patron de Bosch France, Guy Maugis. Il se croyait pr par pour ce rendez-vous
discret au Train bleu, le restaurant de la Gare de Lyon. "Nous savions que la
principale pompe Diesel fabriqu e V nissieux n' tait plus aux normes et qu'il
faudrait lui trouver un produit de substitution. Mais je suis tomb des nues
lorsqu'on m'a dit qu'il n'y avait pas de solution et que Bosch allait aussi
fermer le site de Cardiff (850 salari s)", explique le syndicaliste.
V nissieux, toutefois, n'est pas n'importe quelle usine. C'est un des sites les
plus performants de la division Diesel et une usine qui a su s'adapter en 2004.
Ses salari s ont alors troqu , entre autres, leur accord 35 heures et trois ans
de mod ration salariale contre un investissement de 15 millions d'euros pour pr
server l'emploi.
Les deux piliers syndicaux, M. Soubitez et Serge Truscello pour la CGT,
trente-trois et trente-quatre ans d'anciennet , sont lus au comit
d'entreprise europ en et connus du directoire allemand. "Comme vice-pr sident
du comit d'entreprise europ en, M.Soubitez a souvent des informations avant la
direction", t moigne Marc Baeumlin, directeur technique de l'usine.
L' lu de la CFDT et le pr sident du directoire de Bosch, Franz Fehrenbach, se
connaissent et s'estiment. "A mon retour de Paris, j'aurais pu appeler la
mobilisation g n rale. Mais j' tais certain que Fehrenbach ne nous laisserait
pas tomber et que notre challenge, ce serait de r ussir maintenir le calme",
explique M. Soubitez.
De M. Fehrenbach, qu'il rencontre en janvier, M. Soubitez obtient un an de
sursis et la cr ation d'une commission de r industrialisation V nissieux.
Compos e des directions du site et de Bosch France, des d l gu s syndicaux
locaux et centraux de toutes les organisations sans exception, de dirigeants
allemands du groupe et d'experts ext rieurs, elle se r unira une fois par mois
pendant pr s d'un an. Sa mission : trouver une nouvelle fabrication ou un
partenaire ext rieur. Pendant cette redoutable ann e de transition, il n'y aura
pas un jour de gr ve.
Au printemps 2010, il est clair qu'il n'y a pas d'alternative dans la fili re
automobile. Pour marquer le coup, la CFDT organise un raid v lo jusqu'
Stuttgart, au si ge de Bosch, avec le soutien du syndicat allemand IG Metall.
La commission de r industrialisation poursuit ses travaux. Bosch France d
marche les pouvoirs publics.
La production effective de panneaux photovolta ques sur le site de V nissieux
(Rh ne) ne commencera qu'en janvier 2012. Bruno Amsellem/Signatures pour "Le
Monde"
Les syndicats, malgr des frictions, avancent ensemble et font la tourn e des
lus locaux et r gionaux, comme la maire communiste de V nissieux, Mich le
Picard, le d put communiste Andr Gerin dont M. Truscello avait dirig la
campagne aux municipales de mars 2001 ou le maire socialiste de Lyon, G rard
Collomb. "On est all frapper toutes les portes, mais on voulait d'abord une
solution Bosch", se souvient M. Truscello. "C'est une bonne bo te. Il n'y en a
pas beaucoup comme cela dans la r gion", confirme Patrick Leymarie, un autre d
l gu CGT.
25 MILLIONS D'EUROS POUR RECONVERTIR L'USINE
Pendant l' t , un projet de partenariat ext rieur sur une voiture hydrog ne
capote. En septembre, il n'y a toujours aucune perspective. "J'ai commenc
recevoir des lettres anonymes. On m'accusait de vendre du vent. Certains soirs,
je suis revenu sur les cha nes de montage pour discuter avec les gars", se
souvient M. Soubitez. "A l' poque, dit Alain Laurent (CFE-CGC), la ma trise a
eu beaucoup faire pour canaliser les nergies n gatives." La direction met en
place une cellule de soutien psychologique
La situation se d nouera un mois plus tard. Approch par Syndex, le patron de
la division nergie solaire, Holger von Hebel, se laisse convaincre de faire de
V nissieux la t te de pont du photovolta que en Europe du Sud et au Maghreb. D
but d cembre, le directoire de Bosch d cide d'investir 25 millions pour
reconvertir l'usine, soit quatre fois moins que ce qu'aurait co t , selon la
CGT, la fermeture du site.
Quatre-vingts personnes partent se former en Allemagne. Le site est sauv , au
moins moyen terme. Si, depuis 2009, 400 salari s sont partis avec des
indemnit s confortables et un accompagnement, 450 travaillent toujours V
nissieux. L'usine est en train de fusionner avec le site de Bosch Rexroth.
Dire de quoi demain sera fait n'est pas vident pour autant. En Europe, les
principaux investissements de Bosch sont davantage dans les Pouilles italiennes
et en R publique tch que qu'en France. "Et 2012 sera une mauvaise ann e pour le
solaire", s'inqui te la CGT. La CFDT r ve de d crocher la fabrication de la
future pompe hybride hydraulique test e chez un constructeur fran ais. "Mais
rien n'est d cid ", r pond M. Baeumlin.
Seule certitude : les salari s de V nissieux ont un sort plus enviable que ceux
de l'usine Photowatt de Bourgoin-Jallieu (Is re), quelques kilom tres, en
cours de liquidation.
Claire Gu laud
Article paru dans l' dition du 21.12.11