Il existait depuis les années 70 (1969 exactement) un système d’exploitation appelé Unix[1]. Celui-ci était très robuste, très sécuritaire et était reconnu mondialement auprès des professionels. Développé principalement par AT&T[2] (un réseau telecom aux USA, à l’instar de France Telecom en France), ceux-ci sont contraints de mettre à disposition Unix aux entreprises et universités (loi anti-trust). Ainsi bien qu’AT&T continua un temps le développement d’Unix, celui-ci fut rapidement repris par de nombreuses entreprises l’adaptant à leur sauce, et par des universités dans un but éducatif. Ainsi l’université de Berkeley[3], avec son projet BSD[4], représentait à la fin des années 70 la version unix la plus commune, avec celle d’AT&T. Au début des années 80, AT&T annonça la commercialisation de son système d’exploitation basé sur Unix, et du coup la fermeture de son code source. BSD restait donc quasiment la seule version libre de système d’exploitation basé sur Unix, en tout cas la plus sérieuse. D’autres entreprises s’étaient aussi lancé dans l’aventure Unix au cours du temps, dont HP, IBM, SUN, SGI pour les plus connus.
En 1990, sous l’impulsion de Richard M. Stallman[5], le projet GNU[6] se crée et travaille pour créer un système d’exploitation basé sur Unix complètement libre c’est-à-dire permettant à quiconque, sans restriction, de le modifier, etc. Ils créent donc tout un tas d’outils dont des éditeurs de textes, un shell (outil permettant de dialoguer avec l’odinateur, ou plutôt avec le noyau du système d’exploitation, c’est-à-dire les premières bases d’un système d’exploitation, dernière couche « humainement lisible » avant le matériel lui-même et l’electronique), un compilateur (permetant la transformation des « sources » d’un programme, en programme lui-même, pouvant être exploité par l’odinateur) etc. Mais il leur manquait l’essentiel du système d’exploitation, à savoir le noyau. Suite à un désaccord avec l’université de Berkeley, le projet GNU décide de se baser sur le noyau Mach pour créer leur propre noyau libre, appelé Hurd. Mais Mach est beaucoup plus dur à manipuler, et à l’heure actuelle Hurd n’est toujours pas exploitable.
Dans le même temps, un étudiant finlandais, Linus Torvalds[7] veut comprendre comment fonctionne son pc (à l’époque c’était encore du très rudimentaire, et en l’occurence il travaillait sur une version simplifiée d’Unix, appelé Minix[8], développé par un prof pour les étudiants), et comme il est très autodidacte, décide que pour comprendre son système d’exploitation, rien de mieux que de se plonger dans ses entrailles. Il commence donc vaguement à bidouiller sur Minix, « corrige » des trucs, en « améliore » d’autres. Mais le principal développeur de Minix refuse les contributions et les améliorations de Minix (afin qu’il reste simple et compréhensible par tous).Et petit à petit réecrit le noyau d’un système d’exploitation qu’il appelle Freax, en restant ceci dit très proche de minix. Néanmoins il arrive déjà à lancer certaines applications dessus (issues pour la plupart du projet GNU).
Comme il veut aller plus loin, il annonce[9] en octobre 91 sur une liste de news (on était à la belle époque usenet et autre, remplacé généralement aujourd’hui par les forums (bien que usenet fonctionne encore à plein régime)) la création de son mini-os Freax, et propose de s’en servir pour créer un nouveau système d’exploitation. Il place les sources de Freax sous une licence libre, permettant à des développeurs du monde entier de travailler dessus, de l’améliorer, etc. L’engouement est immédiat et des tas de gens vont venir le rejoindre et lui préter main forte… sans forcément se connaître à la base, ni forcément se voir. Première magie de l’internet balbutiant de l’époque : la création d’un système d’exploitation via internet, et la coopération de dizaines de gens à travers le monde.
Le projet prend de l’ampleur et est rebaptisé Linux (qui veut dire /Linux Is Not UniX/, Linux n’est pas unix, un jeu de mot en boucle, mais est aussi la contraction de Linus et Unix).
La première version « exploitable » sort peu après, utilisant massivement les logiciels du projet GNU. Linux apparait alors comme le noyau qu’il manquait au projet GNU. Mais pour des problèmes de licence vis-à-vis de certains composant du noyau Linux, le projet GNU préfère continuer le développement de Hurd. Officiellement les systèmes Linux deviennent donc GNU/Linux (un système d’exploitation basé sur les logiciels GNU, utilisant le noyau Linux). Mais dans la pratique, la confusion entre le système d’exploitation et le noyau est courante…
Dès 1992 et la naissance du futur Red Hat[10], des systèmes d’exploitations prennent corps autour du noyau Linux et des logiciels du projet GNU. Ces différents systèmes d’exploitations, qui ne diffèrent finalement quasiment que des choix de ses concepteurs vis-à-vis des logiciels fournis autours du noyau Linux, sont appelés « distributions[11] », souvent abrégé en français en « distro ». On peut retenir la naissance en 92 de Suse[12] (racheté en suite par Novell[13], puis relibéré partiellement en 2005 sous le nom OpenSuse[14]), en 93 de Debian[15], en 98 de Mandrake[16], première et seule à ce jour distribution 100 % française, qui sera rebaptisé Mandriva en 2005 (après rachat de Connectiva Linux et procès avec les ayants droits de Mandrake le magicien), et d’Ubuntu Linux[17] en 2004.
La sortie « officielle » du noyau Linux[18] intervient en mars 1994 avec la sortie de la version 1.0, complètement stable et réalisant les mêmes choses qu’un Unix classique. Linux était enfin arrivé au même niveau que ses principaux frères et soeur dans la grande famille des systèmes d’exploitation basé sur Unix. A priori même, tout programme fonctionnant sur un Unix propriétaire (tel que HP-ux ou AIX --- les versions d’unix développé par respectivement HP et IBM) pouvait désormais fonctionner sur Linux. De plus, pour les personnes habituées à leur système d’exploitation Unix habituels, le fait de migrer vers Linux ne changeait en rien leurs habitudes, le fonctionnement étant le même (commande, raccourcis, arborescence des dossiers, etc.).
Le projet se dote d’une mascotte en la personne de Tux[19] le manchot en 95, et la même année la « marque » Linux est déposé (pour la petite histoire, c’est un particulier qui dépose la marque. Devant la réaction de la communauté, il est contraint de redonner ses droits à Linus Torvalds quelques mois plus tard). La création du projet KDE[20] en 96 puis Gnome[21] en 97 vont enfin doter Linux d’un visage attrayant (auparavant réduit à la simple ligne de commande ou une interface graphique très réduite, issue des travaux du MIT[22] et appelée X11[23]. C’est néanmoins sur cette même base que viennent se greffer Gnome KDE et autres…). Les projets KDE[24] et Gnome[25] (et plus tard XFCE[26], fluxbox[27], WindowMaker[28] (qui est en fait le plus ancien…)) sont en effet des environnements de bureau pour système GNU/Linux, comprenez par là qu’il s’agit d’un ensemble de logiciels premettant dans la plupart des cas de se passer complètement de la ligne de commander, et de tout gérer à la souris… comme sous Windows par exemple. On remarquera d’ailleurs que KDE veut tout simplement dire à l’origine Kool Desktop Environment et aujourd’hui seulement « K » Desktop Environment, le « K » étant la marque de fabrique de cet environnement, tous les logiciels pour KDE contenant au moins une fois la lettre « K » dans leur nom (amarok, Koffice, kaffeine, etc. pour les plus connus).
Une vue de KDE issue de Wikipédia
Gnome, son concurent le plus direct (Gnome veut dire GNU Network Object Model Environment, mais on peut aussi penser qu’il s’agit d’un pied de nez à KDE, celui-ci utilisant la bibliothèque QT pour fonctionner, bibliothèque conçue par Troll tech), a une approche beaucoup plus épurée du bureau. De plus, un nombre important d’application Gnome ont pu être portés sous windows (Gaim, Grisbi, The Gimp…). Là aussi, le « G » est un peu une marque de fabrique.
Une vue de Gnome issue de Wikipédia
En 99 la mise à disposition des sources de Netscape va engendrer le projet Mozilla[29], ainsi que celles de StarOffice par Sun en 2000 pour donner OpenOffice[30] va venir compléter les systèmes Linux de logiciels puissants pouvant rivaliser avec microsoft ou mac.
D’ailleurs c’est autour des années 2000 que le côté commercial de Linux va vraiment apparaître et se répendre. On notera l’entrée en bourse de certaines distributions, telles que Red Hat en 99 ou Mandriva en 2001. De plus un certain nombre de procès seront inttenté contre le monde Linux à partir de 98, montrant que les grands pontes de l’informatique propriétaire commence à prendre au sérieux la montée de ces systèmes d’exploitations libres et bien souvent gratuit.
À l’heure actuelle, le monde Linux (c’est-à-dire l’ensemble de ses distributions) représentent toujours moins de 10 % de la totalité des ordinateurs à usage familial, mais aux alentours de 52 % de la totalité des serveurs de part le monde. En effet, grâce à sa licence libre, les systèmes GNU/Linux sont très appréciés des professionels, car ils peuvent ainsi en faire ce qu’ils veulent. De plus, étant très orienté sécûrité et réseaux, les distributions Linux font en général de très bons systèmes d’exploitation pour serveurs (ces machines qui font tourner les sites internets). À noter également que la dernière version du système d’exploitation de Mac, je veux parler de Mac OS X, est basé sur un noyau issu du monde Unix, et plus précisément le noyau BSD, qui depuis 90 est devenu en quelque sort le cousin de Linux, car s’en rapprochant fortement (tous deux sous licence libre, interopérable et proche d’Unix. Néanmoins un affreux troll laisserait dire que BSD « est plus propre, organisationnelement, que Linux » mais il n’en est rien 😃).
[3] université de Berkeley (HTTP) [en]
[5] Richard M. Stallman (HTTP) [fr]
[7] Linus Torvalds (HTTP) [fr]
[11] distributions (HTTP) [en]
En termes d’utilisation, Linux reste un monde à part au niveau rapport Homme/machine. En effet même si des efforts considérables ont été faits concernant sa facilité, son interface graphique ou son accessibilité, la puissance de ces systèmes d’exploitation reside encore et toujours dans la ligne de commande, permettant une personnalisation infinie de son système. Ainsi, en arrivant sur une machine Linux, vous pouvez être sûr qu’un jour vous serez obligé de passer par la ligne de commande.
Néanmoins, comme je le disais tout à l’heure, de nombreux efforts ont été faits en matière d’environnement graphique, et les bureaux Linux actuels n’ont rien à envier à un Windows par exemple. D’aucuns iront même jusqu’à dire qu’ils sont plus beaux, mais la personnalisation facilitée de son environnement y est pour beaucoup.
Les systèmes Linux ont aussi gardé de leur papa Unix une approche différente de la gestion des périphériques et des fichiers. Ici, point de `C:', de `D:' ou autre… On part tout simplement de la racine de son disque dur, à partir de laquelle est greffé toute une arborescence de dossier ayant chacun un but très précis. `/home' sera ainsi l’espace réservés aux utilisateurs, `/bin' aux programmes principaux, `/dev' aux périphériques (c’est dans ce « dossier » que l’on retrouvera les lecteurs cd, clé usb et autre), etc.
Voilà en gros ce que l’on peut dire aujourd’hui des systèmes GNU/Linux. On pourrait ajouter cependant ses principales qualités, qui sont une sécûrité bien établie, une liberté d’utilisation totale (autant au niveau de la personnalisation que de la licence, très souvent libre, vous autorisant donc à redistribuer, modifier et faire ce que bon vous semble de votre distribution Linux), sa gratuité dans bien des cas, son aspect communautaire très sympathique, une stabilité reconnue, une plate-forme de développement irremplaçable, pour peu que vous soyiez informaticien, enfin le fait de nous fournir un choix.
Dans un souci d’objectivité, je listerai également ses principaux défauts que sont le nom support nativement de la plupart des jeux (mais ce n’est pas exactement de la faute des systèmes GNU/Linux, mais plus des créateurs de jeu ne fournissant que des applications pour windows), des matériels très modernes, ainsi Linux sera plus adapté à une machine ayant déjà un an ou deux (mais encore une fois ceci est dû au manque de mise à disposition par les fabricants de drivers compatible Linux), sa faible communication à l’extérieur de son monde (peu de pub grand publique, etc.), et sa gratuité, la rendant ainsi parfois « non crédible » vis-à-vis des autres éditeurs de système d’exploitation vendu très cher.
Néanmoins, les systèmes GNU/Linux sont aujourd’hui réèlement stable et offre une vraie alternative aux deux géants propriétaires que sont Microsoft et Apple, et peut apporter une aide considérable pour les petits budgets (malheureusement Windows étant généralement installé à la base sur la majorité des ordinateurs, cette considération n’est pas encore beaucoup observé. Néanmoins des accords ont été signés en France par Mandriva permettant peut-être la vente d’ordinateur équipé de la distribution Mandriva en grandes surfaces). De plus, des distributions telles que Mandriva ou Ubuntu sont devenus réellement très simples à manipuler au quotidien, voire très agréable, pour peu que l’on accepte de changer quelques-unes de ses habitudes.
Cet article a été entièrement rédigé sur un système GNU/Linux, et plus précisément la distribution Ubuntu Linux. À l’heure actuelle je n’ai rencontré aucun problème avec Linux dans ma vie quotidienne.
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📅 jeudi 12 janvier 2006 à 18:49
📝 Étienne Pflieger with GNU/Emacs 29.4 (Org mode 9.7.11)